Critique : Better Call Saul 2.08

Le 08 avril 2016 à 06:51  |  ~ 8 minutes de lecture
Où Jimmy et Chuck jouent aux échecs, pendant que Mike fait des trucs.
Par Koss

Critique : Better Call Saul 2.08

~ 8 minutes de lecture
Où Jimmy et Chuck jouent aux échecs, pendant que Mike fait des trucs.
Par Koss

Le plan d’ouverture est une pure merveille. Les plans-séquences ont souvent été pour les réalisateurs une manière de démontrer leur savoir-faire. Il s’agissait de faire le plus gros, le plus grand et le plus impressionnant plan-séquence possible. Il y a deux ans, l’épisode 4 de la saison 1 de True Detective avait scotché tout le monde avec un (faux) plan-séquence de presque dix minutes. Cette année, Larysa Kondracki (déjà réalisatrice d’un autre épisode de Better Call Saul et de quelques épisodes sur The Walking Dead et The Americans) offre une belle réponse avec cette ouverture de près de cinq minutes.

Les deux approches sont radicalement différentes. Opposées même. S’il s’agissait chez True Detective de désamorcer une tension par un plan cathartique, il s’agit ici d’amorcer un suspense qui servira de fil rouge à l’ensemble de l’épisode. Tout le long de ce plan, on attend qu’il se passe quelque chose… quelque chose qui n’arrive jamais. Il ne se passe rien. Les policiers ont fouillé, palpé, contrôlé et les chiens ont reniflé. Ils n’ont rien trouvé. Et nous non plus. On n’a rien vu, pas plus que Mike ne voit grand-chose. Pour savoir, il faudra arrêter ce camion de glace.

 

Plan séquence Breaking Bad

 

À l’heure de Donald Drumpf, il y a presque un discours politique dans ce plan. La frontière reste assez fermée et les contrôles sont efficaces. Ce qu’il faut surveiller, c’est ce qui se passe à l’intérieur même des États-Unis, et peut-être lancer un plus grand contrôle des armes (qu’on peut facilement récupérer dans une boîte dans le désert). À partir de ce plan, l’épisode va se découper en deux parties.

 

 

Mesa Verde

 

Dans la première partie, Jimmy et Chuck vont amorcer une partie d’échecs, à distance. Chacun avec des pions différents : Howard pour Chuck et Kim pour Jimmy. Il s’agit dans cette première manche de remporter Mesa Verde. Kim commence par prendre l’avantage. Pour la première fois depuis le début de la série, on la voit vraiment heureuse. Son sourire est éclatant, et Jimmy le remarque aussitôt.

Puis, avec un sens du montage assez génial, Chuck arrive en chantonnant. Prévenu par Howard, il reprend la main dès qu’il entend le nom de son frère prononcé. Il est très intéressant de constater ici que Chuck McGill possède absolument le même talent pour la tchatche que son frère. La seule différence (et elle est notable), c’est la cible. Pour Jimmy, les personnes qu’il arnaque ne sont pas au courant. Pour Chuck, le jeu est très clair et l’ensemble des personnes autour de la table comprend bien son double langage.

 

Chuck et Howard

 

La dernière manche fait rentrer en jeu Saul Goodman. En dépit de ce que lui recommande fermement Kim (« Tu as ta méthode et j’ai la mienne » lui dit-elle), Jimmy plonge. Son plan consiste à changer d’un chiffre l’adresse de Mesa Verde pour que « H.H.M. » passe pour un cabinet peu soucieux du détail et que Kim, plus impliquée, récupère le deal. Cela va sans doute fonctionner. Sans doute, oui. Mais, on sait tous que Kim finira par savoir la vérité, exactement comme elle a su que Jimmy lui avait menti pour la publicité. Si ça arrive, la moralité de Kim risque sans doute de lui faire refuser le contrat avec Mesa Verde.

Là où la série est – encore une fois – maligne, c’est sur la raison de l’intervention finale de Saul dans cette histoire. Il le fait pour Kim. Il y a ce temps de pause qu’il marque juste après l’avoir vue sourire qui est extrêmement révélateur. Pour rien au monde, il ne veut voir disparaître ce sourire. Encore une fois, Sleeping Jimmy fait les choses pour un autre. Pas pour lui-même. Le transfert entre Chuck et Kim s’est totalement opéré. Maintenant, il « n’obéit » qu'à Kim et nuit à Chuck. On peut craindre que, sur le long terme, il finisse également à faire du mal, directement ou indirectement, à Kim.

 

 

Regalo Helado

 

Mike, quant à lui, ne fait de mal à personne. Pas encore. Il a un plan, qui va probablement impliquer le camion de glaces. Dans Breaking Bad, Mike était envoyé par Gus pour protéger un camion frigorifique (saison 4, épisode 4 : Bullet Points). Là, il est de l’autre côté de la barrière, dans la position d’underdog.

 

Mike et sa petite fille

 

Un des principaux reproches faits à la série est la déconnexion entre les parties sur Mike (qui se rapprochent de ce qu’était Breaking Bad) et celles sur Jim et les avocats. Je ne trouve pas que cette critique soit fondée. On le voit bien ici. Les deux storylines se nourrissent et s’influencent. Dans les deux cas, il s’agit d’une guerre larvée. Et dans les deux cas, les deux personnages principaux vont devoir faire des choses qu’ils ne doivent / veulent pas faire. Les scènes avec Mike servent ainsi de métronome aux scènes de Saul. Elles rythment le récit pour lui donner de la profondeur. Ce n’est donc pas déconnecté. C’est essentiel.

 

Encore un immense épisode, servi par un sens du montage parfait, un plan d’ouverture très rarement (jamais ?) vu à la télévision et un acting au top. Tout doucement, la série est en train de prendre la forme d’un chef-d’œuvre. Je suis vraiment ravi d’assister à cette transformation.

 

J’ai aimé :

 

  • Le plan-séquence. J’adore les plans séquences et là, franchement, c’était un régal.
  • Le sens du détail. Howard ne contredit pas Chuck, lorsque celui-ci présume que Jimmy et Kim vont s’associer. Peut-être est-ce pour le faire davantage réagir.
  • Le quatuor d’acteurs. Bob Odenkirk, Patrick Fabian, Michael McKean et surtout Rhea Seehorn sont vraiment fabuleux, tous à leur manière.
  • Le montage. Quasiment à chaque épisode, c’est une leçon. Tout s’enchaîne avec cohérence et intelligence. La scène précédente vient influencer la suivante. Quand je vois la catastrophe que constitue sur ce point de plus en plus de blockbusters, c’est très rassurant de voir qu’une série démontre le caractère central du montage dans la réussite d’une œuvre filmique.

 

Je n’ai pas aimé :

 

  • Un manque de symbolisme. En effet, l’épisode 2.08 de Breaking Bad est celui où apparaît Saul, le fameux épisode « Better Call Saul ». Il est vrai que ça aurait été un peu facile, mais j’aurais apprécié un p’tit clin d’œil là-dessus.
  • Des conclusions d'épisodes toujours un peu frustrantes.

 

Ma note : 16/20.

 

 

Le coin du fan :

 

  • Dog House. Le drive-in de hot-dogs où Kim et Jimmy viennent célébrer leur alliance apparaît à deux reprises dans Breaking Bad : la saison 1 où Jesse vient vendre de la drogue et en saison 4, où il donne de l’argent à un sdf. Cette adresse (qui existe vraiment dans la réalité) est celle qu’utilise Jimmy lors de sa contrefaçon de contrat, comme on peut le voir sur l’image ci-dessous.

 

Jesse Breaking Bad

dog house

 

  • La musique jouée pendant le montage du magasin de photocopie est « Why Don't You Do It », chanson qui a servi de thème principal au personnage de Saul. Une subtile manière de renforcer l’erreur de Jimmy McGill ici.

 

À la semaine prochaine pour – déjà – l’avant-dernier épisode ! Et peut-être qu’on y verra quelques visages familiers : spoilers...

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