Critique : Breaking Bad 5.11

Le 27 août 2013 à 23:35  |  ~ 8 minutes de lecture
Il y a de quoi s’interroger avec Breaking Bad. Quel est ce plaisir malsain qui nous pousse à désirer ardemment voir la fin d’une histoire qui ne peut que mal finir ?
Par Scarch

Critique : Breaking Bad 5.11

~ 8 minutes de lecture
Il y a de quoi s’interroger avec Breaking Bad. Quel est ce plaisir malsain qui nous pousse à désirer ardemment voir la fin d’une histoire qui ne peut que mal finir ?
Par Scarch

Les scénarios, c’est comme les effets spéciaux. Plus ils sont crédibles et bien développés, moins on les remarque. Pourtant, il y aurait de quoi écrire de nombreuses pages sur cet épisode et ce début de saison. Mais tout coule. Tout est fluide sans même que l’on soit capable d’anticiper le moindre évènement, parce que la force de Breaking Bad réside dans sa capacité à reproduire ce que fait son héros depuis le début : de la manipulation mentale.

Prenons l’exemple de Walter justement. Il fait tourner le monde dans le sens qu’il veut en parvenant constamment à convaincre son entourage que c’est le sens naturel. Du moins il le faisait. Et peut-être que j’aimais cette routine qui n’en était pas vraiment une. Walter nous surprenait et on attendait le dénouement de tout ça en se disant qu’il restait encore 2, 3 ou 4 saisons avant que tout ceci ne fonctionne plus. Eh bien je n’arrive plus à me raccrocher à cette branche et l’épisode d’hier m’a fait mesurer le gigantisme de cette illusion.

Qu’allons-nous devenir, nous, les spectateurs qui aimons chacun des protagonistes de Breaking Bad aussi fort que l’on pouvait aimer Mike. Voyez-vous les portes de l’enfer se refermer sur Albuquerque avec notre esprit à l’intérieur ? Et le pire c’est que même le diable ne peut rien face à l’instinct de survie de Walter White.

 

Naturellement.

 

Cela pouvait arriver n’importe quand mais Vince Gilligan ose encore une fois prendre les devants. Non, le pot aux roses ne sera pas découvert lors du pénultième épisode et non, il n’est plus question de voir Jesse s’enfoncer d’avantage dans cet abyme. Non Todd n’est pas juste un nouveau caïd, et à l’instar de la relation qui liait Walt à Gus, il éprouve une réelle admiration pour son mentor. Non, Walt ne va pas se laisser faire et non, le scénario ne se pliera pas à une quelconque démagogie pour que le téléspectateur ne considère pas Hank comme un bourreau obstiné par le châtiment qu’il doit prodiguer.

 

Jesse craque

 

Après ça, que dire ? Rien de plus que ce que vous pensez, Breaking Bad est une grande série, cette ultime saison est une très grande saison et cet épisode met la barre tellement haut… et saute par-dessus avec tant d’aisance que nous ne pouvons nous empêcher de boire chaque goutte du poison qu’il sécrète en grimaçant de douleur et en demandant du rab.

Je m’attendais à voir un mort. Saul, Jesse, Hank, Skyler ou même Walt Jr... Pas Walter à cause du pré-générique de Blood money. Chaque confrontation donne l’impression qu’un seul mot pourrait faire tout basculer et la séquence entre Jesse et Walt dans le désert en est le meilleur exemple. Nous sommes pendus aux lèvres de Walt pendant sa confession vidéo et à celle de Jesse pendant la sienne. Chaque mot raisonne dans notre âme comme si un ami nous avouait une trahison, Breaking Bad a tendu un fil entre les deux plus hauts sommets et court dessus avec une aisance dérangeante. Et lentement, nous sombrons…

 

Le visage de l’intelligence.

 

Nous le connaissions et nous avons encore du mal à le regarder en face : lorsque le vrai visage anguleux de pragmatisme de Walter White apparait, toute émotion devient illusoire et seul le désert reste. Il était culotté de faire apparaitre ces confessions de cette manière et pourtant elles sont justes, imparables et diaboliques. Nous pourrions effectivement raconter Breaking Bad à la manière de Walter White. Il parvient presque à nous faire douter, comme Hank, de ce que nous avons vu. Bien des œuvres se sont attachées à représenter l’intelligence dénuée de la moindre once d’humanité. A montrer le diable en personne s’acharnant à détruire tout ce qui pourrait l’empêcher d’exister pour finalement, tel Keyzer Söze, provoquer peur et frisson à la moindre évocation de son nom. Il me semble en revanche que personne n’avait mis autant de minutie à transformer tout le champ lexical de la confiance en nuage de fumée. A dépeindre un monde de mensonges avec autant de justesse.

 

Jesse

 

Le pire dans tout ça, c’est que Walter White conserve toujours cette attitude humaine, ces petits malaises comme celui de l’arrivée à la station de lavage. Vince Gilligan a réussi ce qu’il voulait faire : créer un homme dont le plus grand pouvoir consiste à parvenir à se mentir à lui-même avec tant de conviction que la réalité n’existe plus. En fait, l’attitude de Hank est au moins aussi zélée qu’elle devrait l’être et nous pourrions revoir Blood Money encore et encore pour lire dans son regard le constat du néant que représente son beau-frère à ses yeux désormais. Après tout ça, un diner au restaurant, un adieu dans le désert, une discussion de père à fils, tout nous saute aux yeux comme à ceux d’Hank et Jesse, rien n’est sincère ou humain, même nous spectateurs avons été violé mentalement par les stratégies de ce qui n’est au final qu’un triste personnage, égoïste et capricieux.

Ne nous y trompons pas : Skyler aussi voit Walter White et je soupçonne l’évanouissement de ce dernier d’être une énième manipulation dans le but d’obtenir encore du soutien, de parvenir encore à donner une raison à tout ça, à cette palette de billets, à ces meurtres, à ces trahisons et à ces manipulations. Depuis le début de Breaking Bad, nous voyons une histoire à travers les yeux de Walter White et cette dernière saison nous la fait redécouvrir à travers ceux de son entourage. Comment alors ne pas comprendre Jesse qui cherche désespérément un seul repère, une toute petite goutte d’humanité et de bienfaisance dans cet océan de pragmatisme. Et quand l’épiphénomène de la came disparue  apparait, la même folie que pour Hank l’amène a vouloir détruire tout ce qui n’est au final qu’illusion.

 

Hank

 

Ce sont tous ces constats que nous allons devoir observer attentivement pendant encore cinq épisodes. Les constats liés aux mensonges de Walter White me font mal. Je l’aimais et moi aussi j’ai été manipulé. Et ne me dites pas que vous n’avez pas vous aussi, comme Jesse, Hank ou moi, cherché à le comprendre en vous disant que son honneur allait bien finir par pointer le bout de son nez et que nous finirions par souffrir de voir sa conscience et les conséquences de ses actes le consumer lentement en emportant éventuellement une ou deux personnes de son entourage. Il n’en est rien, vous le savez, cet homme doit mourir s’il existe une justice et aussi choquante qu’ait pu être le discours de Marie sur le suicide, elle est loin d’être sévère. Si Walter White s’en sortait, Breaking Bad en perdrait de sa saveur.

 

Le mal.

 

Sentenza peut bien aller se rhabiller, Walter White n’est pas une brute, il a, depuis longtemps, dépassé ce stade. La brute se bat pour ses intérêts avec son pistolet chargé, Walt est un trou noir qui attire et écrase tout ce qui passe à sa portée tout en arborant, ingénu, le visage de l’innocence. Par conséquent, je ne me risquerai plus à tenter de prédire la suite des évènements. Je ne vous cache pas que j’étais réellement mal à l’aise à la fin de l’épisode hier soir et que la seule chose que j’aurais dit à ce Jesse qui m’aspergeait la gueule d’essence eut été de continuer en étant prudent. Je voudrais que Jesse gagne. Je voudrais qu’il obtienne justice mais en face de lui, c’est Walter White. A vrai dire, un complot général contre lui ne serait pas du luxe, mais je continue de garder un œil sur Todd. Einsteinium, intelligence, visage angélique et aucun scrupule, le challenger s’annonce surprenant.

 

Ce que j’ai aimé :

  • Ce qu’en fait je n’ai pas aimé.

 

Note : 19/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Spare74
Spare74
Mon vraie problème avec cet épisode c'est que je vois difficilement comment ils pourront tenir ce niveau sur encore 5 épisodes ! Mais après ce qu'on a vu ça m'étonnerait qu'a moitié qu'ils y arrivent !

Avatar Koss
Koss
Juste un petit mot pour dire que, même si j'ai été en désaccord avec toi sur la série, ça là : ". Vince Gilligan a réussi ce qu’il voulait faire : créer un homme dont le plus grand pouvoir consiste à parvenir à se mentir à lui-même avec tant de conviction que la réalité n’existe plus." Ça, c'était parfait.

Image Breaking Bad
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