Critique : Daredevil 1.01

Le 12 avril 2015 à 11:13  |  ~ 9 minutes de lecture
La différence entre Gotham et une bonne série ? Daredevil.

Critique : Daredevil 1.01

~ 9 minutes de lecture
La différence entre Gotham et une bonne série ? Daredevil.
Par Antofisherb

Oui, je sais, je fais dans la provocation facile. Et pourtant, ce pilote de Daredevil m'a beaucoup fait penser à une sorte de Gotham où Gordon serait remplacé par un "super-héros" type Arrow, pour citer l'autre concurrent. Et je dois dire que, même si ce n'était pas forcément donné y compris sur Netflix, c'est beaucoup, beaucoup mieux.

 

 

Un pilote efficace...

 

 

En voyant les cinq premières minutes de l'épisode, ce n'est pas encore tellement la qualité qui saute aux yeux, mais plutôt l'efficacité de l'entrée en matière. En effet, l'épisode commence par une scène de flashback montrant l'accident à la base de la "transformation" de Matt Murdock, puis passe directement au générique. Pas de petite scène montrant son quotidien, pas non plus de scène d'action introductive, on montre son passé et ce sera quasiment la seule fois de l'épisode. C'est finalement une très bonne idée car cela permet d'éviter une certaine lourdeur des séries de ce genre (voire des films !), qui emploient souvent des flashbacks pour faire une pause dans le récit mais, qui généralement l'alourdissent plus qu'autre chose. Dans le genre caractérisation de personnages, on a aussi vu plus malin.

Et puis, à nouveau une scène surprenante : un quasi-monologue dans une église pendant deux bonnes minutes. Le genre de scène que je ne m'attendais pas à voir à ce moment-là dans l'épisode, même si son véritable rôle finit par se montrer (et le coup des lunettes, j'avoue que j'ai ri). Sauf que non seulement en terme de montage ça introduit très bien la première scène de combat, mais ça symbolise également ce que va être la série à priori : quelque chose de plus psychologique qu'aventuresque.

 

Daredevil 1.01_1

 

En fait, ce premier épisode arrive déjà à bien doser chaque élément : pas trop de combats (une scène efficace au début et une plus jolie vers la fin), de la psychologie mais sans renier non plus un côté plus fun et sériel. Une partie de l'épisode montre ainsi le quotidien de Matt, qui avec un ami viennent tout juste de devenir avocats, et cherchent à monter leur agence. Fort heureusement, cette intrigue n'est pas déconnectée du reste, mais elle est parfois un peu inutile par rapport au propos de la série et j'aurais aimé que l'on s'attarde dessus un peu moins. Elle permet par contre à l'épisode de ne pas être sérieux du début à la fin, notamment grâce au collègue de Matt, Foggy, personnage correspondant clairement au cliché du « sidekick » rigolo, peu séduisant et inoffensif comme on en voit très souvent, mais à l'humour pas déplaisant. En plus, l'acteur est plutôt bon et le tandem formé avec Charlie Cox (déjà vu dans Boardwalk Empire, et très convaiquant ici) fonctionne.

Concernant l'introduction des criminels contre lesquels luttera probablement jusqu'à la fin de la saison Daredevil (mais je vous rassure, il y a de quoi faire), ils ont l'air très banals, j'en conviens. On a les sous-fifres violents et bébêtes, les supérieurs venus des pays de l'Est agressifs mais pas encore non plus au top de la hiérarchie, ainsi que l'homme de main menaçant qui cache un "boss" encore plus mystérieux que l'on entend seulement dans cet épisode. Néanmoins, si dans la forme cette introduction n'est en rien originale, on nous présente finalement ici tout un cartel organisé plutôt varié (je n'ai pas parlé d'un vieil homme responsable du côté financier de l'opération ainsi que deux asiatiques n'ayant justement rien à voir contrairement au cliché), et dont la rencontre sur le toit est même... drôle ! Il n'est donc pas naïf de penser que les fameux ennemis du super-héros ne seront peut-être pas traités comme dans 90% des films et séries du genre.

Au final, les scènes s'enchaînent parfaitement et sont bien dosées, les personnages sont bien introduits (en passant par la future assistante de Murdock), et on ne n'ennuie pas pendant les 55 minutes de l'épisode. Ce qui est déjà fort.

 

... et prometteur

 

 

Mais ce n'est même pas là le principal intérêt de Daredevil. Car le véritable défi de la série était de parvenir à fournir une série aussi divertissante qu'Arrow tout en ayant un propos plus fourni et mieux réalisé. D'introduire de la mise en scène dans un show que globalement les gens regarderont pour les affrontements, en gros.

Mais avant de parler de propos, il s'agissait avant tout d'introduire une ambiance propre à la série, qui la fasse se démasquer du reste. Cette ambiance, elle est faite d'abord par l'image : couleurs sombres et souvent saturées, plusieurs jeux sur les clairs/obscurs, nombreuses scènes de nuit, bref elle montre tout de suite que la série ne sera pas rigolotte. En cela, la scène de combat sous la pluie est par moments magnifique, et parvenir à faire une scène de combat intense dès le pilote sans en faire trop est déjà un exploit non négligeable. D'ailleurs, cette ambiance visuelle sombre dûe notamment aux scènes de nuits ou d'intérieurs peu éclairés est raccord avec la cécité du héros et n'est donc pas là gratuitement.

Au niveau sonore, j'ai dû vérifier par deux fois pour bien m'en assurer mais il n'y a quasiment aucune ambiance accompagnant les scènes. La plupart, si l'on excepte les scènes de combats, laissent complètement la place aux dialogues et silences. Cela donne à la série un aspect encore plus réaliste, contrairement par exemple à Gotham qui jouait davantage sur un univers fictionnel. Le montage final en est du coup d'autant plus surprenant, rajoutant juste ce qu'il fallait d'entraînant afin de donner envie de voir la suite. Il faut également mentionner un travail sur le son supplémentaire lorsque les "pouvoirs" de Daredevil sont montrés ou entendus à l'écran, autre défi très important pour un "super-héros" n'ayant pas des pouvoirs véritablement physiques. Même s'il est vrai que les passages où Matt entend à distance font légèrement cheap, il suffit de repenser à la série The Sentinel pour que ça passe tout de suite un peu mieux.

Ce double travail sur l'image et le son, donne couplé au montage des scènes de combats vraiment plaisantes à voir. Le découpage est inhabituel et précis, les chorégraphies sont plus lisibles que d'habitude et les coups intenses. J'aurais aimé voir Daredevil un peu plus en danger, mais cela ne saurait tarder j'en suis sûr.

 

Daredevil 1.01_2

 

 

Enfin, plusieurs jeux d'oppositions sont établis dans ce pilote de manière intelligente, permettant d'allier à l'ambiance générale un certain propos. Déjà, malgré l'apparent manichéisme général (Daredevil est pour l'instant irréprochable, les méchants sont très méchants), les frontières sont troubles : le collègue de Matt s'appelle Foggy, et surtout le gymnase dans lequel il vient s'entraîner se nomme « gymnase Fogwell ». Mais je vous rassure, en revanche pas de Christian Grey en personnage secondaire. En outre, on s'en doute dès la scène pré-générique (et même dès le générique avec un symbole très présent), mais Matt Murdock semble être religieux, en tout cas de famille. Sa cécité pourrait d'ailleurs être une sorte de métaphore signifiant son détournement d'envers la religion, où il "fermerait" les yeux sur son passé et serait prêt à "pêcher". La série pourrait donc montrer une lutte intérieure des frontières troubles entre le bien et le mal, de l'enfer sur terre.

Cette opposition est par exemple symbolisée par le tout premier plan post-générique, travelling partant d'une fenêtre en vitraux et l'opposant à un Matt Murdock dormant mais debout, comme face à ces vitraux, puis bousculant à la réalité où il est bien sûr couché. Un autre plan continue d'explorer ce jeu d'opposition assez complexe, le dernier de l'épisode cette fois-ci, montrant Daredevil masqué, surplombant la ville sur son gratte-ciel. Ce fameux cliché du super-héros veillant sur la ville est ici détourné car Daredevil est aveugle, donc cette élévation est symbolique mais pourquoi pas légèrement teintée d'ironie. D'ailleurs, le toit de l'immeuble est éclairé en jaune, correspondant souvent au personnage de Karen et au gymnase, contairement au reste de la ville, éclairé dans un bleu inquiétant et anonyme.

 

Au final, ce pilote n'est pas sans défauts, passant par quelques clichés et un côté affaire judiciaire peu intéressant, mais reste globalement très intéressant, plaisant et prometteur pour la suite. J'en trépigne d'impatience, et ça tombe bien, tout est disponible !

 

 

J'ai aimé :

  • L'esthétique générale
  • Les acteurs
  • Les combats, bien filmés

 

 

Je n'ai pas aimé :

  • Quelques clichés par-ci par-là
  • L'intrigue du « cabinet » d'avocats, qui j'espère ne prendra pas trop de place par la suite

 

 

Ma note : 13/20. J'aurais pu pousser jusqu'au 14, mais je me laisse une petite marge.

L'auteur

Commentaires

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Altaïr
y'a Charlie Cox dedans ? Fallait le dire tout de suite ! :)

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Taoby
Et je te garantis qu'il est exceptionnel. Et je ne le connaissais quasi pas.

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Altaïr
Ben je devais être la seule personne sur le site à le trouver vraiment bon (et tout à fait charmant au demeurant) dans Boardwalk Empire et Stardust, mais je suis ravie qu'il confirme tout le bien que je pense de lui.

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Altaïr
En fait j'ai adoré l'intrigue "cabinet d'avocat", moi. Le pouvoir qu'a Matt de savoir si les personnes en face de lui mentent ou non est de loin celui qui m'excite le plus - et si la série continue dans ce manichéisme revendiqué mais source de réflexion (sur le bien, le mal, la justice), sa face "de jour" est indispensable à la caractérisation du personnage, et lui donne un côté intello qui change et qui n'est pas pour me déplaire. Bien vu sinon le paragraphe sur le travail sur le son dans l'épisode et l'absence de musique - je n'y avais pas fait gaffe mais en effet je pense que ça aide à se mettre dans la peau du héros, dont l'ouïe est devenu le principal mode de perception du monde. Très malin.

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