Critique : Doctor Who (2005) 7.13

Le 17 mai 2013 à 19:08  |  ~ 7 minutes de lecture
Pour le 13ème épisode de la saison 7, Doctor Who nous livre un épisode maudit. Dans tous les sens du terme.
Par Koss

Critique : Doctor Who (2005) 7.13

~ 7 minutes de lecture
Pour le 13ème épisode de la saison 7, Doctor Who nous livre un épisode maudit. Dans tous les sens du terme.
Par Koss

Le problème avec les œuvres créatrices ou fictionnelles qui durent longtemps, c’est qu’elles risquent un jour ou l’autre de décevoir leur public d’origine. Même Emile Zola, en publiant son quinzième tome des Rougon-Macquart, La Terre. se prit une jolie volée de bois vert (voir la controverse du Manifeste des Cinq). Un auteur a des idées limitées dans le temps et, à force de publications, finit souvent par aborder les mêmes thèmes.

J’ai déjà et à plusieurs reprises crié tout l’amour que j’ai pour Steven Moffat. J’aime profondément le travail de cet homme en tant que scénariste de Doctor Who, mais aussi comme co-adapteur brillant de l’œuvre de Conan Doyle et comme showrunner d’une parfaite sitcom anglais méconnue. Cette année, il me faut reconnaitre que l’Ecossais n’y est plus. Cette année, Doctor Who ne nous livre pas une saison de qualité. Cette année, je traine des pieds avant de regarder chaque épisode.

Pourtant, avec celui de cette semaine, j’avais de l’espoir. La seule présence de Neil Gaiman au scénario garantissait à coup sûr une écriture fine et un épisode de qualité. Alors, je vais stopper tout suspense et vous avouez la triste vérité : je déteste cet épisode. Non, je hais cet épisode qui représente – selon moi – le symbole absolu de l’échec créatif de cette saison.

 

La seule bonne idée de l'épisode

 

 

Steven Moffat aux abonnés absents

 

Steven Moffat n’aime visiblement pas être showrunner de Doctor Who. Ou plutôt si, il aime bien l’être juste pour pouvoir apposer sa touche personnelle dans l’univers vaste de la série. Pour tout le reste (relecture des scénarios des autres, construction d’une intrigue globale et uniformisation autour d’un ou plusieurs thèmes), il ne répond pas présent. Alors non, je ne crois pas que Moffat soit un égoïste/incapable de communiquer. C'est juste quelqu'un qui ne souhaite pas travailler en équipe, soit par pudeur ou par peur de bouleverser ses co-scénaristes, soit parce que l'envie ne lui prend pas. Et on ne peut pas vraiment lui en vouloir car il a toujours travaillé comme cela : sur Sherlock, lui et Mark Gatiss se gardent 80% des épisodes clefs, sur Jekyll c'est plus simple, il scénarise l'ensemble des six épisodes, et sur Coupling, c'est encore mieux puisqu'il est le scénariste unique des 28 épisodes du show. Moffat, c'est un auteur de comics qui commence un run avec une idée précise et qui la développe seul sur la longueur. Au final, nous saurons quoi penser de son véritable travail sur Doctor Who (non pas en tant que showrunner, mais en tant que scénariste) lors de la 8ème saison qui devrait boucler toutes les intrigues (et il y en a un paquet).

La construction de cette « saison » 7 est donc pour lui une solution rêvée. Il donne un pitch (résumable en une ligne) à chacun des scénaristes, deux – trois idées directrices de ce qu’il veut faire cette saison. Puis il se barre. Neil Gaiman, dans une interview donnée avant la diffusion de cet épisode, explique le processus de travail entre l’Ecossais et lui, l’Anglais : Steven Moffat l’a informé de la façon dont « Clara s’exprimait » et c’est tout. Rien sur son rôle. Rien sur la relation entre elle et le Docteur.

 

 

Neil Gaiman aux abonnés absents

 

Dans l’épisode, on voit tout de suite le problème : tout sonne faux. Clara a encore moins de substance qu’elle en a eu les épisodes précédents (seul Neil Cross arrive à lui en donner dans « Hide »), Matt Smith joue n’importe comment (à sa décharge la performance qu’on lui demande d’accomplir est très ardue), les guests ne savent pas quoi faire et surtout l’épisode entier est bourré de failles scénaristes assez hallucinantes. Pêle-mêle, on peut citer : le Docteur qui évoque des personnes disparues dans le parc d’attractions sans que jamais il n’y ait été fait mention auparavant et Porridge qui risque la vie d’un tas de soldats, de deux enfants et du Docteur et de sa compagne parce qu’il avait peur des responsabilités (WTF !). L’épisode est presque un jeu de piste constituant à reconstituer ce qui a été coupé au montage par rapport au scénario originel. Neil Gaiman admet lui-même sur Twitter que le nombre de scènes coupées est très élevé.

Et il est bien là le problème avec cet épisode. Installez-vous tranquillement sur votre canapé que je vous explique le tout en une phrase : on n’embauche pas un scénariste de renom pour ne lui donner aucune consigne en pré-production, lui laisser écrire son scénario sans rien y corriger, filmer le dit-scénario pour ensuite massacrer son travail en post-production. Car au final, tu obtiens deux choses :

  1. Jamais plus ton scénariste ne retravaillera avec toi.
  2. L’œuvre projetée aura autant de cohérence que la première fin de Blade Runner.

 

Disney Who ?

 

On en vient directement à ce qui me gêne vraiment avec cette saison et que cet épisode nous résume en une seule image :

 

L'Amérique, c'est beau !

 

 

Voilà, tout y est : deux enfants. Qui sautent. Devant un Drapeau. L’Amérique. Le scénario de Gaiman fait encore plus fort en proposant au groupe des gentils de protéger un parc d’attractions, puis un château de princesse face à une armée de méchants. Je sais bien que j’ai la surinterprétation facile, mais il est assez aisé de voir dans le parc d’attractions une métaphore de Disneyland. Je ne pense que cela soit vraiment volontaire de la part de Gaiman, mais il est pourtant amusant de voir dans cet épisode une défense de l’américanisation du show anglais (la BBC semble beaucoup tenir à la diffusion de la série sur BBC America qui engrange beaucoup d’audience) face à une horde de fans défendant une certaine mécanique d’origine de la série.

Après, je n’ai pas grand chose d’autre à dire sur cet épisode qui cumule tout ce que je déteste dans Doctor Who : des mauvais acteurs (la fille), une approche « familiale » du show,  des effets-spéciaux faits par-dessus la jambe, un montage affreux (il y a même des plans qui se répètent – amusez-vous à les trouver -), une absence de fil rouge,  une écriture sans fond, un scénario incohérent et profondément stupide. Mais cela je l’ai déjà dit je crois.

 

« The Nightmare in Silver » est un cauchemar absolu de fan et se place au firmament des plus grosses daubes produites par le show. Plus qu’une déception, une confirmation que la série de Steven Moffat est en train de prendre une très mauvaise voie.

 

J’aime :

  • La bande annonce en fin d’épisode de « The Name of Doctor » (et encore, elle n’était pas si terrible que cela)

 

Je n’aime pas :

  • L’intégralité de l’épisode

 

Ma note : 05/20.

L'auteur

Commentaires

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Galax
J'ai relu ta critique du coup. Je crois que ce qui m'énerve, ce n'est pas tant ce sur quoi tu attaques l'épisode, car je peux difficilement contester des acteurs nullissimes (même si tu y vas fort pour Smith, il incarnait bien le rôle), un twist bancal et des faux-raccords dus au montage. Non, ce qui m'énerve (quoique je m'apprête à aller dans ton sens), et qui du coup me fait progressivement "moins" apprécier l'épisode par la même occasion (t'es content, hein :p), c'est cette sacro-sainteté autour de Gaiman. Il a certes les idées mais franchement, ce n'est pas un scénariste pour le format télévisé extraordinaire. Il est loin d'être aussi excellent que RTD quant à l'implication du téléspectateur dans l'histoire, il est loin d'être un dialoguiste aussi talentueux et poignant que Moffat, il est loin d'être un écrivain aussi doué pour écrire des scénarios profonds avec des personnages mémorables que Withouse... Evidemment il nous a servi The Doctor's Wife, qui est pour moi un pur chef d'oeuvre et la parfaite représentation de la série elle-même. Mais en y regardant bien, le déroulement du scénario est ultra-basique. Quand on sait aussi que Moffat a écrit 90% des punchlines de l'épisode, il reste quoi d'attribué à Gaiman qui le rend si parfait ? Le jeu d'acteur, les concepts, la découverte du TARDIS, l'ennemi fascinant, la direction artistique atypique... de tout ça, la seule chose dont Gaiman est encore vraiment à l'origine, c'est l'ennemi The House. Les meilleurs éléments scénaristiques dans les deux épisodes de Gaiman, ce sont des éléments repris de la série classique (les boîtes des Time Lords, le ticket d'or...) (je sais pas si avec ça je t'apprends quelque chose vu que tu es pas calé sur les Classic, mais les épisodes de Gaiman sont bourrées de bonnes références mais aussi de réutilisations évidentes). En plus de ça, tu lances des pics sur la direction supervisée par Moffat. Tout rejeter la faute sur Moffat, c'était très à la mode, mais réfléchissons deux minutes. - L'utilisation de Clara inhabituelle peut ne pas te plaire, mais Moffat avait été clair là-dessus (c'est d'ailleurs la seule chose qu'il lui avait dit, comme tu l'as rappelé dans la critique). Donc, la faute à Gaiman. - Le caractère insupportable des gosses. Evidemment le jeu d'acteur de l'ado n'a pas aidé, mais même, Gaiman savait qu'il allait devoir intégrer les deux enfants (à la base, ça devait être les enfants de The Snowmen). Pourtant le résultat : des baffes qui se perdent. La faute à Gaiman. - La quantité hallucinante d'événements dans l'épisode qui ont amené à de nombreuses scènes coupées. Alors, à confirmer, mais ça me semble évident qu'au départ, un scénariste sait s'il disposera d'un épisode de 45 minutes ou de deux. Gaiman n'en avait qu'un. Quand on regarde le script de l'épisode et qu'on compte les pages, c'est bien supérieur à la moyenne, ça crève les yeux : il y avait trop de trucs. La post-production a fait ce qu'elle a pu, il fallait couper. De plus, l'épisode n'a quasiment pas de temps mort, preuve que le réalisateur a voulu presser les choses le plus possible. Je suis mort de rire quand on rejette la faute sur le format. Soyons clair, il n'a pas su gérer son temps, point barre. La faute à Gaiman. Je n'essaye pas de te faire aimer l'épisode. J'ai compris que tu n'avais rien aimé, même en ce qui concerne les acteurs, décors, montages et autres... (t'as aimé la musique j'espère ? Murray Gold était aux abonnés présents, lui :p). Seulement, quand je lis : "On n’embauche pas un scénariste de renom pour ne lui donner aucune consigne en pré-production, lui laisser écrire son scénario sans rien y corriger, filmer le dit-scénario pour ensuite massacrer son travail en post-production. " J'ai envie de dire : on n'accepte pas un job quand on a pas suffisamment de temps libre et qu'on sait pertinemment que tout ce que tu as listé ci-dessus se produira fatalement. Maintenant, perso, l'annonce du retour de Gaiman en Saison 8/9 m'a enchanté car il a annoncé un nouvel alien effrayant dans une histoire basée sur Terre, chose que la série n'a plus fait depuis longtemps. Mais regarde, c'est encore une fois un pitch pompé de quelques autres chefs d'oeuvre... *kof*kof* Blink... *kof*kof*. J'aurais mille fois préféré qu'on m'annonce le retour de Toby Withouse, par exemple. Enfin bref. C'était pas le pire épisode de la série non plus, faut pas déconner. Mais il a un goût amer car il a mis en évidence un truc : Neil Gaiman ne sera jamais le "Moffat du temps RTD".

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Koss
" Il a certes les idées mais franchement, ce n'est pas un scénariste pour le format télévisé extraordinaire. Il est loin d'être aussi excellent que RTD quant à l'implication du téléspectateur dans l'histoire, il est loin d'être un dialoguiste aussi talentueux et poignant que Moffat, il est loin d'être un écrivain aussi doué pour écrire des scénarios profonds avec des personnages mémorables que Withouse..." Pour DW, peut-être. Mais tu n'as pas lu les autres trucs qu'il a fait. Tu n'as pas lu Sandman. En terme de dialogue de construction de scénario, il est 10 fois supérieur à Moffat. 10 fois. Tu vas me dire "Ouais, mais c'est de la BD". Sauf que sandman, c'est de la série tv en BD. C'est hyper facilement adaptable en bd car tout correspond : le format, l'intrigue et les personnages. Quant à la responsabilité de Gaiman, je peux très bien te la retourner : un showrunner doit relire les travaux de ses scénaristes. C'est juste son job. Il ne l'a pas fait pour The Doctor Wife et ne l'a pas non plus fait ici. Un scénario, c'est un dialogue à deux. Ici, on a eu le droit à un monologue qui a conduit tout le monde dans le mur. Et si je maintiens ce que je dis : c'est le pire épisode de la série, car justement c'est un gachis de talent incroyable.

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Galax
Je sais que ses BD (et romans il me semble ?) sont très appréciées, c'est pour ça que j'ai précisé "pour le format télé", je me limite de toute façon à l'univers Doctor Who. Et si, justement, Moffat a limite co-écrit The Doctor's Wife. J'exagère, mais à cause du budget, des retouches et du repoussage constant de la sortie de l'épisode, Gaiman était dépassé et il a fait appel à Moffat pour l'aider à finaliser l'épisode. Il l'a dit dans une interview. Ensuite, le boulot du showrunner, ce n'est pas de transformer tous les épisodes "mauvais" en "bons", même si c'est ce qu'on aimerait bien. C'est pas parce qu'il y a une bouse dans une saison que le showrunner ne fait pas son boulot (voir le phénomène Helen Raynor...) Parce que c'est l'impression que tu me donnes en disant ça. Du genre, "Gaiman est tellement fort d'habitude que l'erreur ne doit pas venir que de lui, pas possible qu'il propose de la merde comme ça. Ah mais bien sûr : Moffat !" Car le mec qui a écrit le script au départ doit s'auto-évaluer un minimum en cours de route, pour voir s'il fait pas de la merde. Si ça se trouve, Moffat a vraiment corrigé des trucs, car avant c'était pire ! Que peut-on en savoir ? Gaiman est parti avec une idée banale et est allé "droit dans le mur" au fur et à mesure du script pour nous proposer un scénario au final médiocre. Oui, Moffat ne l'a certainement pas tenu par la main pendant toute la période d'écriture, mais Gaiman est sensé pouvoir se débrouiller tout seul. Il n'a fait que lire la fin : c'était trop tard.

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Koss
C'est la faute des deux. J'ai jamais dit le contraire. Sauf que tu sais très bien comment Moffat a fonctionné cette saison : il n'a pas donné de ligne directrice. Jamais. Pas à un seul de ses scénaristes. C'est lui qui à l'origine du problème et c'est lui seul qui peut rectifier à la fin et il ne serait pas trop responsable ? Vraiment ? "Car le mec qui a écrit le script au départ doit s'auto-évaluer un minimum en cours de route, pour voir s'il fait pas de la merde. Si ça se trouve, Moffat a vraiment corrigé des trucs, car avant c'était pire ! Que peut-on en savoir ?" Il a aussi peut-être fait l'inverse. PS : Gaiman va revenir en saison 8-9 ? Tu droppes des infos par centaine sur le forum et tu oublies ça ??

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Galax
Ils n'ont pas procédé de la même façon pour la 7A que pour la 7B. Car même si les audiences de la 7A battent des records, le format blockbuster a été mal pris. La 7A, il se sont réunis autour d'une table, Moffat a balancé "Dinosaurs in a Spaceship, Uncommon Earth Invasion and Deadly Robot in a Western. Who take which case ?". La 7B, ils ont changé ça. Gatiss a voulu ramener les Ice Warriors, Thompson a voulu consacré un épisode sur le TARDIS très timey-wimey, Neil Cross a proposé son script de Hide et l'ayant tellement adoré, les producteurs lui en ont immédiatement commandé un deuxième. Je ne sais pas comment ça s'est passé pour The Crimson Horror, mais globalement tu vois bien que là, ce sont les scénaristes qui ont fait ce qu'ils ont voulu, et je pense que cela a aussi été le cas pour Gaiman, il est à l'origine du pitch de départ, "l'origine du problème". "Il a aussi peut-être fait l'inverse." Ouais, donc autant arrêter de débattre là-dessus :p Cela dit je doute que Moffat ait un jour transformé un script d'une mauvaise façon, quand il modifie les scripts des autres, c'est toujours avec de bonnes idées (même avant qu'il ne devienne showrunner, il le faisait, le petit coquin !). Ps: C'est quasiment sûr. Je go faire un post récap' sur le forum, puisque tu insistes :)

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