Critique : Doctor Who (2005) 6.07

Le 05 juin 2011 à 15:49  |  ~ 9 minutes de lecture
Autant le dire tout de suite : ce fut un très bon épisode. Pas parfait, loin de là, mais il a su satisfaire certaines attentes avec fermeté. Il avait plutôt intérêt à vrai dire, vu tout ce qu’en disait Moffat depuis le début de la saison, et tout ce que les différents trailer suggéraient. Le problème, c’est que c’est plutôt timide. Là où j’aurais facilement pu mettre 16 ou 17, je me retrouve à ne mettre qu’un malheureux 15 tout banal. Qu’est ce qui cloche donc ?

Critique : Doctor Who (2005) 6.07

~ 9 minutes de lecture
Autant le dire tout de suite : ce fut un très bon épisode. Pas parfait, loin de là, mais il a su satisfaire certaines attentes avec fermeté. Il avait plutôt intérêt à vrai dire, vu tout ce qu’en disait Moffat depuis le début de la saison, et tout ce que les différents trailer suggéraient. Le problème, c’est que c’est plutôt timide. Là où j’aurais facilement pu mettre 16 ou 17, je me retrouve à ne mettre qu’un malheureux 15 tout banal. Qu’est ce qui cloche donc ?
Par Gouloudrouioul

Ce qui cloche, c’est qu’on retrouve encore une fois une narration typiquement moffatienne. C’est normalement une narration que j’adore sans réserve, le problème c’est que Moffat a cette fois abandonné toutes ses entourloupes temporelles pour faire quelque chose somme tout à fait simple : Le Docteur attaque une base pour aller récupérer Amy. Ce scénario unilatéral était exactement ce qu’il fallait pour donner un élan épique à l’épisode, et je dois avouer qu’au départ, je félicitais le showrunner pour son choix judicieux. Le spectateur aurait effectivement pu commencer par se lasser des petits trucs de Moffat. Mais si le choix d’un scénario primaire est honorable, le traitement l’est moins. On voit que big M a plus de mal à former un tout captivant avec des éléments simplistes. Sans ses petites ruses, ses petites gimmicks, et ses retournements de situations, il peine à construire quelque chose de véritablement fluide.

L’épisode aura ainsi un rythme complètement inversé durant tout son déroulement : il débutera sur les chapeaux de roue, avec un Docteur qui recrutera des gens pour mener l’assaut, pour aller decrescendo jusqu’à une deuxième moitié d’épisode qui tournera presque uniquement autour du trio (et se révélera donc beaucoup plus calme). Or ce n’est pas comme cela que l’on monte une histoire épique : si tout est fait pour impressionner le spectateur dès le premier acte, il y a fort à parier qu’il sera déçu par la suite. Moffat échoue donc ici à créer cet ascenseur émotionnel en conservant une structure inhérente aux histoires complexes (on montre tout, puis on explique), alors qu’il lui fallait justement en faire abstraction.

 

 

Et avec cela vient un autre problème tout à fait relatif à Moffat : celui d’aller trop vite. L’auteur ne prend pas le temps pour poser les choses. On a l’impression qu’il est pressé d’aller au bout, comme s’il voulait délivrer son cliffhanger au plus vite. On sent que les personnages ont une certaine profondeur, on sent également qu’il y a un backround derrière tout cela, avec d’excellentes idées. Pourtant Moffat ne s’attarde pas sur les descriptions des protagonistes ou de l’univers, préférant rentrer directement dans l’action. Il n’y a donc qu’une scène pour montrer la vie quotidienne des soldats dans les vaisseaux, en attente de l’assaut du Docteur, alors que la chose aurait pu être nettement plus développée. Pareillement, la captivité d’Amy ne se prolonge pas assez pour qu’on puisse s’immerger dans sa condition. Et puis le fait de ne faire apparaître le Docteur que vers le quart de l’épisode est certes un effet de style intéressant permettant de faire monter la pression, mais on peine du même coup à s’impliquer dans le recrutement et dans la quête passionnée de Rory.

Comme dans le deuxième épisode de cette saison, j’ai eu l’agaçante impression que tout avait été survolé sans qu’on prenne vraiment la peine de s’y attarder. C’est très déroutant. On sait que les choses sont là, qu’elles ont été pensées, écrites comme il faut, mais elles ne sont pas montrées complètement, comme si le showrunner avait décidé qu’elles n’étaient pas importantes. Sachez à l’avenir, monsieur Moffat, que les petits détails ont une importance capitale. Sachez également que les limites de vos procédés narratifs commencent à se profiler dangereusement. Vous savez écrire un bon scénario, mais vous semblez avoir du mal à décrire un monde et à mettre en place une mythologie. Si vous voulez inscrire Doctor Who dans une logique feuilletonante, il serait grand tant de vous pencher sur ces faiblesses (c’était ma petite minute de conversation imaginaire avec l’auteur).

 

 

Tout n’est pas noir, loin de là. Cette narration et cet empressement déroutants témoignent d’une volonté de Moffat d’impressionner le spectateur, et de lui en foutre plein la vue. Et c'est... absolument complètement réussi. Le rythme effréné, s’il peut être un défaut, permet aussi de ne pas s’ennuyer une seule seconde et garantit un divertissement de haute volée pendant 48 minutes. Il faut dire que niveau fanservice, cet épisode fait fort : les cybermen sont de retour, ainsi que plusieurs personnages que le Docteur a déjà rencontrés. Le fait de réunir tous les gens qui doivent une dette au Docteur est assez bien trouvé et permet des situations plutôt fun, je dois dire. On nous assaille également à coup de répliques classes, drôles ou terribles, souvent très efficaces, qui parviennent à donner un grand dynamisme au récit. Je vais être honnête : ça a marché à fond sur moi, et je crois que tout fan de Doctor Who qui se respecte prendra son pied et saura apprécier à sa juste valeur ces aspects là de l’épisode.

Impossible, bien sûr, de parler de l’épisode sans s’attarder sur les vingt minutes de fin. Elles nous présentent un Docteur plus sombre que jamais, porté une nouvelle fois par un Matt Smith formidable. Le personnage prend une nouvelle ampleur, car, s’il remarque qu’il sème la destruction autour de lui, il ne semble pas vraiment désolé, ou du moins cela lui paraît moindre en comparaison du mal qui est fait à Amy Pond. Le Docteur se révèle dans tout son égoïsme : plus d’allusions à demi voilées derrière des blagues, plus d’hyperactivité protectrice. On a enfin atteint le fond du problème, et je trouve ça très chouette qu’on arrête de tourner autour du pot.
Je me suis aussi rendu compte que le trio principal avait acquis une relation quasi fusionnelle. L’enfant d’Amy permet de voir à quel point ils ont de l’affection les uns pour les autres. Si Moffat peine à esquisser des personnages secondaires consistants, il a en revanche bien su établir les relations entre les différents protagonistes principaux, qui selon moi constituent l’une des grandes qualités du nouveau Doctor Who. En ce sens, cette quinzaine de minute plus posée avant le cliffangher est cruciale, car elle permet de développer avec efficacité les liens qui unissent Amy, Rory et le Docteur.

Et bah le cliffangher, parlons-en d’ailleurs. Je tiens tout d’abord à mettre les choses au clair : je m’étais préservé de toutes les théories de fan, de tout spoiler compromettant, de toute discussion un peu trop hypothétique, dans le but, justement, d’être surpris par les révélations que promettait cette saison. Je n’aime pas débattre, je préfère largement me laisser porter par l’histoire sans me prendre la tête. Autant vous dire que j’ai été complètement halluciné par ce final de mi-saison. Vraiment, je ne l’avais pas vu venir, même à des kilomètres. Cette révélation a sans aucun doute contribué à ma note. Elle m’a impressionné par sa justesse, et son implacable logique.

 

 

Alors oui, bien sûr, Moffat a des défauts, qui se font de plus en plus voyants. Mais moi je ne peux pas m’empêcher d’être subjugué par la manière dont il maîtrise les différents éléments de sa trame principale, et par sa façon de jouer avec le spectateur pour le clouer sur place en fin d’épisode. On pouvait avoir peur que ça se Lostise, force est de constater que Moffat est loin de se foutre de notre gueule et nous propose un tout parfaitement cohérent, dont les morceaux du puzzle se mettent en place petit à petit, mais avec certitude. Voilà, on nous avait promis un grand cliff, qui nous ferait manger notre bras jusqu’en septembre, on l’a eu. Et moi j’applaudis bien fort, rien que pour ça.
Notons aussi le mini twist du bébé en chair, qui m'a presque tout aussi surpris, et qui, sur le coup, est vraiment flippant.

Ma critique peut être trompeuse : cet épisode est excellent. Seulement il laisse apparaître quelques failles dans la façon de raconter de Moffat, qui risquent d’être handicapantes pour la suite, et qui ont d’ailleurs empêché l’épisode de se révéler entièrement. Cela reste pourtant extrêmement divertissant, rempli de très bonnes idées, avec un cliffangher coup de poing qui risque bien de tout changer dans la deuxième partie de saison.

 

J'ai aimé :

  •  La photographie
  •  Le rythme effréné
  •  Le côté sombre du Docteur
  •  L’alchimie qu’il y a entre le trio
  •  Un cliff renversant


J'ai moins aimé :

  •  La structure narrative, étrange pour un épisode de ce genre
  •  Une tendance à aller trop vite et à survoler certaines choses
  •  ... Rien d'autre, j'ai quand même bien kiffé


15/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Shoomy
Shoomy
Tout a fait d’accord avec toi! Juste un détail: tu as remarqué le titre de l'épisode suivant? Je ne sais pas trop quoi en penser.... Sujet assez difficile quand même.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Ouais, c'est vrai que je sais vraiment pas comment ils vont traiter le truc. Soit ils font dans l'humour noir (pas trop le genre de la maison) soit ils font un truc édulcoré... Bah, on va voir, si ça se trouve c'est juste un titre métaphorique et il n'a rien à voir avec Hitler :D .

Avatar Shoomy
Shoomy
Franchement je l’espère.... Enfin Moffat ne m'a encore jamais déçue. Je m’inquiète surement pour rien!

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