Critique : Doctor Who (2005) 6.10

Le 14 septembre 2011 à 13:35  |  ~ 9 minutes de lecture
Une pensée, comme ça, qui me traverse l’esprit à la fin du visionnage de l’épisode : tous les scénaristes sont en train d’adopter le moffato-style. C’est-à-dire qu’on arrive dans un univers très stylisé, avec une très belle réalisation, puis qu’on embraye sur un scénario compliqué à base de voyage temporels et de grands élans sentimentaux (non pas l’animal), majoritairement basé sur le trio. On va dire qu’une telle recette peut donner de bons épisodes à condition de ne pas en abuser. Là c’était limite. J’ai beaucoup aimé, mais tout bien considéré c’était limite. Allez, je vais essayer d'aborder tout ça avec un peu de recul.

Critique : Doctor Who (2005) 6.10

~ 9 minutes de lecture
Une pensée, comme ça, qui me traverse l’esprit à la fin du visionnage de l’épisode : tous les scénaristes sont en train d’adopter le moffato-style. C’est-à-dire qu’on arrive dans un univers très stylisé, avec une très belle réalisation, puis qu’on embraye sur un scénario compliqué à base de voyage temporels et de grands élans sentimentaux (non pas l’animal), majoritairement basé sur le trio. On va dire qu’une telle recette peut donner de bons épisodes à condition de ne pas en abuser. Là c’était limite. J’ai beaucoup aimé, mais tout bien considéré c’était limite. Allez, je vais essayer d'aborder tout ça avec un peu de recul.
Par Gouloudrouioul

A la fin de l’intro, je n’étais pas loin de me dire qu’on avait là l’un des épisodes dont les fans se souviendraient encore longtemps après, un peu comme Blink ou The Girl in the Fireplace. Il y avait vraiment tout pour le rendre mythique : un monde totalement délirant, un budget apparemment conséquent, des idées super comme la loupe qui voit à travers le temps ou encore la quarantaine. A vrai dire, l’illusion a été maintenue à peu près jusqu’à la moitié de l’épisode. A partir de là c’était toujours agréable à voir mais je sentais que quelque chose sonnait faux.

 

 

Gros M

 

Une légère impression de déjà-vu peut être ? Ces robots, et leurs phrases gimmicks, ça ne vous rappelle rien ? Ce scénario, prétexte au développement de la relation Rory/Amy ? Cette histoire, d’apparence complexe mais qui survole un peu trop son sujet ? Chez moi en tout cas ça a fait tilt, et ça m’a empêché de profiter pleinement de l’épisode : m’est avis que notre ami Tom Macrae a largement tenté de recopier le style de big M.

Il a pris de bonnes idées qui trainaient dans un coin de son esprit, s’est demandé comment les intégrer le mieux possible dans un épisode de Doctor Who, a ajouté un brin de voyages temporels et de drames amoureux pour faire bien... Sauf que voilà. N’est pas Moffat qui veut. Et là où le showrunner réussit à créer des scénarios ingénieux où chaque personnage est utilisé avec parcimonie, Tom Macrae, lui, échoue un peu. He tries too hard comme on dit. Les procédés semblent beaucoup trop évidents à mesure qu’on avance et empêchent le spectateur de s’impliquer pleinement.

 Depuis le début de la saison 5, l’univers semble s’assembler de sorte à ce que Rory et Amy puissent se prouver l’amour profond qu’ils ont l’un pour l’autre à chaque épisode. Attention, ce couple est très loin de m’insupporter, il est même très attachant. Sauf qu’à force de tirer sur la corde, elle finit par lâcher. Et là, je sens déjà les petits bouts de ficelles céder sous le poids lourd et hargneux de la redondance. Je pense qu’à force tout le monde sait que ce couple est inséparable, indénouable, indéliable, qu’il n’y a jamais eu autant d’amour dans l’univers qu’entre ces deux-là. Il n'est plus nécessaire de nous le rappeller, et cela depuis bien longtemps.

 J’en ai marre que Doctor Who ne tourne uniquement qu’autour de ses personnages principaux. Petit à petit le champ de la vision de la série se rétrécit pour ne montrer que le strict nécessaire. Avant, on avait l’impression d’un monde grouillant, d’un univers qui marchait tout seul et dans lequel évoluait le Docteur. Désormais, c’est le Docteur qui semble avoir le pas sur l’univers, et c’est l’univers qui s’adapte en fonction de ses actions.

C’est l’une des sales manies de Moffat, que reprend ici Tom Macrae : il n’y absolument aucune description du monde extérieur, pas de vie en dehors du scénario, tout est centré, barricadé sur le trio. Et aussi intéressants les personnages principaux puissent être, il y a forcément un moment où le sujet est épuisé et il faut se tourner ailleurs pour avoir quelque chose de nouveau à raconter.

 


Aureylien va s'en donner à coeur joie


La planète sur laquelle ils échouent et l’épidémie qu’elle subit ne sont donc que trop peu développées, au profit des relations qui prennent encore une fois une place prépondérante. Les idées qui me plaisaient alors en début d’épisode et qui promettaient quelque chose d’extraordinaire passent en second plan et sont relégués au rang de simples idées, juste bonnes à amuser un moment, tandis que les sentiments fusent dans tous les sens sans parvenir à montrer quelque chose de nouveau. Pourtant il y avait tant à faire... Il suffisait de creuser, d’établir un backround et d’insuffler un peu de vie à l’ensemble. Or Moffat et ses scénaristes ne semblent plus disposés à faire ce travail indispensable depuis le début de la saison 6, privilégiant les personnages avant tout. Moi qui croyais ne jamais me lasser des drames temporels intimistes dans Doctor Who, je crois que je suis en train de saturer.

Alors est-ce que c’est l’une des directives de Moffat ? Est-ce que tous les showrunner se doivent de faire le même genre d’épisodes que lui pour rendre la saison homogène ?
Si c’est le cas c’est vraiment une très mauvaise décision, parce qu’en plus de faire une saison totalement confinée, on manque cruellement de diversité dans les intrigues.

 

Dark Doctor

 

Bon, comme d’habitude, lorsque certains défauts me sautent à la figure, j’ai tendance à les développer inconsidérément, en dépit des qualités - bien présentes cette semaine. Car comme je l’ai dit, les idées ont suffi à m’enchanter : de voir une série aussi inventive que Doctor Who toutes les semaines, c’est un vrai plaisir dont je ne me lasse pas. C’est parfois assez moyen, mais j’ai à chaque fois l’impression de sentir tout le régal qu’ont eu les scénaristes à écrire, particulièrement dans cet épisode.

De voir Old Amy et Young Amy côte à côte c’était vraiment sympa, de même que tous les paradoxes et autres entourloupes temporelles qui vont avec (de toute façon, si vous voulez faire une histoire qui me plait, il vous suffit de la baser sur le voyage dans le temps et vous me comblez à coup sûr). Tout ce complexe, abandonné de toute vie mais rempli à la fois de milliers de personnes, ce jardin gigantesque, l’IA qui continue sa tâche inlassablement, les pièces absurdes… Des classiques de science-fiction, mais qui font toujours leur petit effet, et qui ont contribué à me faire jubiler pendant toute la durée de l’épisode.

Surtout que la réalisation s’améliore encore et toujours. Ici, on a vraiment l’impression d’un conte imagé tant la photo est belle et les effets spéciaux réussis. Le maquillage d’old Amy est aussi particulièrement bien fait. Visuellement, on se délecte vraiment de chaque scène, je crois d’ailleurs que la réalisation n’a jamais atteint un tel niveau.  

 

 


Bon je suis paradoxal. D'accord, j'ai aussi en partie aimé que l’on se concentre sur le trio. Non pas pour la relation Amy / Rory qui est sans cesse remise sur le tapis à toute les sauces (oui je l’ai placée), mais pour les tendances qui s’affichent chez certains personnages et qui témoignent d’une évolution intéressante. Notamment chez Amy. Amy a toujours été « The Girl who waited », et on commence à ressentir chez elle une certaine lassitude quant à sa position par rapport au docteur. Old Amy permet de faire ressortir efficacement cet aspect du personnage, un peu plus sombre et moins unilatéral. Je ne sais pas encore si l’actrice va faire une saison supplémentaire, mais si c’est le cas, ça me semble être une étape nécessaire pour ne pas lasser le spectateur.

 Mais là où l’on dénote une évolution encore plus intéressante, c’est au niveau du Docteur qui ne cesse de s’assombrir à mesure que l'hisoire avance. Insensible face aux accusations de Old Amy, n’hésitant pas à l’abandonner et à mettre un terme à son existence, il apparait de plus en plus guerrier dans sa façon de faire. Les scrupules ne se lisent plus comme avant sur son visage, il paraît s’accoutumer à une routine brutale où les remords n’auraient plus leur place. Cela pourrait-t-il être synonyme d’une scission à la fin de la saison, le Docteur d’une part, Amy et Rory d’autre part ? En tout cas il y a vraiment un gros potentiel là dedans.

 

Bref, j'ai voyagé dans le temps

Comme je le dis en début de critique, l’épisode en lui-même m’a beaucoup plu, et s’il avait été placé dans une saison RTDienne, il aurait sans doute écopé d’un 15-16. Le problème c’est qu’il est en plein milieu d’une saison totalement basée sur le voyage temporel et sur le couple Amy/Rory, et qu’il confirme une tendance assez désagréable dans la direction du show. Un bon épisode donc, mais maladroitement écrit et redondant au possible.

 


J'ai aimé :

  •  La réalisation
  •  Les idées
  •  L'évolution des personnages


J'ai moins aimé :

  •  Les redites dans la relation Rory/Amy
  •  Trop Moffatien dans le style, trop grossier dans le procédé
  •  L'isolation du trio
  •  Le manque de backround


13/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Koss
Koss
"A la fin de l’intro, je n’étais pas loin de me dire qu’on avait là l’un des épisodes dont les fans se souviendraient encore longtemps après, un peu comme Blink ou The Girl in the Fireplace." => A la fin, je me suis exactement dit la même chose. Et, plus je repense à cette épisode (qui semble diviser radicalement les fans, en deux camps), plus que je me dis qu'on a eu le droit à un classique who-sien ; bien meilleur en tout cas que le 6.08 de Moffat. Alors oui, cet épisode fleure le Moffatisme aiguë. Était-ce vraiment évitable ? A y regarder de plus près, les scripts sous l'ère Davis ressemblait à du Davis, ne serait-ce que parce que RDT remaniait presque 90 % des screens après coup. Or, ce n'est pas ce que fait Moffat. Il harmonise juste les loners à l'ambiance de conte-temporel de ces saisons. Cette cohérence est, d'ailleurs, présente dans cet épisode, comme tu le soulignes toi-même. Il faut être un très grand scénariste comme Moffat sous RTD ou Gaiman sous Moffat pour s'émanciper du poids du showrunner dans une série TV, surtout anglaise. Quand au minimalisme que tu reproches à cet épisode, il est toujours plus ou moins présent dans la série. C'est en partie ce qui fait son charme : l'utilisation de 2 pièces et un meublé afin de te faire voyager dans l'Univers. Le show de la BBC est fauché. Je l'ai déjà dit : pour la première fois, le budget adjugé au Doctor n'a pas augmenté. Il faut faire un usage intelligent de l'argent. Et, je trouve que cet épisode y arrive particulièrement bien.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Ce n'est pas ce genre de minimalisme que je reproche. La saison 1 avait beaucoup moins d'argent et parvenait tout de même à décrire un monde et à le faire vivre en dehors de ses protagonistes principaux. Là on a l'impression que l'univers tourne autour d'eux, le backround étant quasi inexistant (prends n'importe quel épisode de la saison et tu verras que, lorsqu'il y a des personnages extérieurs, ils sont soit très mal esquissés, soit présents uniquement pour faire valoir les héros). Pour moi les choses secondaires sont tout aussi importantes, c'est un travail que tout scénariste se doit de faire pour qu'on se sente un minimum impliqué. En tout cas ça me manque cruellement dans Doctor Who. J'ai l'impression d'entrer dans un bunker insonorisé et barricadé à chaque épisode (ça peut être un bunker très chouette, là n'est pas la question :D ). Et ça ce n'est pas du tout une question de budget. "Cette cohérence est, d'ailleurs, présente dans cet épisode, comme tu le soulignes toi-même. Il faut être un très grand scénariste comme Moffat sous RTD ou Gaiman sous Moffat pour s'émanciper du poids du showrunner dans une série TV, surtout anglaise." Peut être bien, n'empêche que le style de Moffat est bien plus lourd que celui de RTD, et n'est (grandement) appréciable qu'à petites doses. Tout ce que tu dis est vrai, mais les faits n'en sont pas moins là : on a une saison avec très peu de bol d'air et beaucoup de redondances dans le fil rouge. Je ne sais pas si c'est la faute de Moffat, peut être effectivement est-il un meilleur showrunner que RTD pour laisser du leste à ses scénaristes... Reste que le résultat obtenu est selon moi plus étouffant. Et à ce moment là la solution serait peut être de faire comme RTD : de remanier tous les scripts et d'avoir un plus grand contrôle sur les scénaristes. Peut être Moffat laisse-t-il TROP de liberté, se contentant de donner des directives générales à chacun ("cette saison sera centrée sur Rory et Amy", "je veux beaucoup de voyage dans le temps", "je veux du conte pour enfant") et d'harmoniser un peu le tout sans vraiment s'inquiéter de la cohérence globale. Après là on entre dans les grosses suppositions...

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Koss
Je trouve, comme toi, que RDT est meilleurs showrunner que Moffat même si ces saisons sont moins bonnes. Étrange paradoxe ... Tu as également raison sur le coté anxyongène de l'ensemble. Les meilleurs épisodes de la saison pour moi (soit l'épisode de Noel + les 2 premiers + The Doctor Wife) sont ceux qui sont le plus aérés. Je pense, plus généralement, que Moffat ne peut pas être showrunner sur une série avec un pool scénaristique. On retrouve le même problème que sur "Sherlock" : le seul épisode qu'il ne gère pas (le 2nd) n'est pas bon, bien qu'en accord avec le ton global de la série. En outre, sur Jekill (que je n'ai pas vu), Moffat a géré TOUS les scénarios sans exceptions. RDT avait cette étrange capacité à tout contrôler et à savoir réutiliser des choses qu'il avait pondu il y a longtemps sans trop savoir où cela allait le mener (l'explication de la folie du Master, par exemple). Big M me semble plus être dans l'hyper-contrôle permanent de son propre travail (on sent qu'il a tout anticipé toutes les possibilités scénaristiques à l'avance), mais ne supervise guère le job de ces autres camarades. Ce résultat, je pense que beaucoup le sentent, de plus en plus, dans cette saison 6.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Voilà, je plussoie. En fait Moffat est un très bon scénariste, mais un showrunner pas vraiment compétent.

Avatar elpiolito
elpiolito
Intéressant votre petit débat les gars et je dois dire que je suis plutôt d'accord sur le fait que RTD gérait mieux ses saisons que Moffat. C'est déjà l'impression que j'avais eu dans la saison 5 (cf mon super bilan de la mort qui tue) et ça se confirme ici. Comme toi Goulou, je sens que l'on est beaucoup trop enfermé cette saison et qu'il manque clairement le grain de folie que la série avait jusque la saison 5. Certes, les épisodes de cette saison ne sont pas forcément mauvais mais à toujours réutiliser les mêmes thèmes, on tourne un peu en rond. Il manque clairement un épisode de grand n'importe quoi avec des personnages débiles et de larges espaces. Sinon, d'accord avec toi sur l'épisode, rien de plus à ajouter.

Avatar Aureylien
Aureylien
Désolé Goulou je fais pas dans la MILF avec problème de personnalité. Par contre je fais dans la teen qui fait du "RPG".

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La vie est pleine de surprise. Par exemple jusqu’à hier, j’étais absolument certain que ma cuisinière avait quatre feux de taille différente, or il s’avère que deux d’entre eux sont de taille identique. Vous vous imaginez mon extrême étonnement face à ce coup de théâtre que me réservait le destin. Et bien là c’est la même chose : je me mets à considérer la saison 6 d’une manière bien différente depuis quelques épisodes. Je la croyais parfaite, elle s’avère en fait bien moins maitrisée que ce que je pensais, surtout lorsqu’on la compare à cet épisode.