Critique : Malaterra 1.01

Le 26 novembre 2015 à 06:54  |  ~ 9 minutes de lecture
France 2 lançait récemment la diffusion de Malaterra, version française du succès anglais Broadchurch. Bonne ou mauvaise idée ?
Par arnoglas

Critique : Malaterra 1.01

~ 9 minutes de lecture
France 2 lançait récemment la diffusion de Malaterra, version française du succès anglais Broadchurch. Bonne ou mauvaise idée ?
Par arnoglas

L’exercice du remake est toujours délicat. Selon le résultat, on peut lui reprocher de ne pas avoir pris assez de liberté et de se rapprocher un peu trop l’œuvre originale, ou au contraire d’en avoir dénaturé son esprit. Après Broadchurch et Gracepoint chez les Américains l'an dernier, Malaterra est une nouvelle adaptation de la série anglaise. Cette fois, l'action se situe en Corse, mais l'histoire reste quasiment la même.

 

Constance Dollé et Simon Abkarian

 

La vie s’écoule paisiblement au sein de la communauté de Malaterra, où tout le monde se connaît, jusqu’au drame : le corps du petit Nathan Viviani retrouvé sur la plage dans le premier épisode. Bouleversée, l’adjudant-chef Karine Marchetti (Constance Dollé) doit faire équipe avec un nouveau boss aux méthodes douteuses qui vient de débarquer sur l’Ile de Beauté, le déroutant Capitaine Thomas Rotman (Simon Abkarian). Ensemble, ils doivent faire tomber quelques masques dans cette petite ville en apparence si paisible, afin de découvir la vérité sur le meurtre de Nathan. De leur côté, les parents Viviani (Louise Monot et Nicolas Duvauchelle) tentent de rester unis face à cette tragédie qui va révéler bien des secrets.

Si certains d'entre vous ont regardé récemment Broadchurch avant de s'attaquer à la version française, l’adaptation est fidèle en tout point : les scènes et les dialogues sont repris au mot et cadre près, le plus souvent dans le même ordre. Ici et là, un changement est fait sur un personnage récurrent plus fougueux (celui de Béatrice Dalle), ou qui change de sexe (le kiosquier soupçonné de pédophilie devient une kiosquière). Il y a donc de quoi s'amuser au jeu des sept erreurs avec Malaterra, mais la série mérite quand même qu'on s'intéresse à elle.

 

 

Le jeu des différences

 

Il n'y a rien de plus difficile que d'échapper à la comparaison lorsqu'on parle de remake ou d'adaptation d'une œuvre étrangère. L'intérêt est de savoir ce que la nouvelle version fera pour s'émanciper de son support pour ensuite proposer quelque chose d'original, tout en évitant de dénaturer ce dont elle s'inspire. Dans cette version, la flic Karine Marchetti est veuve, tandis qu’elle vit en couple dans Broadchurch. Dans les deux cas, elle élève un enfant, l’élément vraiment important. Ces petits changements apparaissent plutôt anecdotiques, comme si les scénaristes (Stéphane Kaminka, Yann Le Nivet, Nathalie Hertzberg et Akima Seghir, une grosse équipe en somme) avaient tenté d’apposer discrètement leur patte, peut-être un peu trop discrètement même. La version corse prend des libertés beaucoup trop tard, en fin de saison, pour dévoiler un(e) tueur(se) différent(e) de la série anglaise, dont on prendra soin de ne pas révéler l'identité.

À l'issue du premier épisode, il est évident que Malaterra dégage une certaine volonté de renouveau dans la continuité, adapter Broadchurch à la française, mais aussi s’adapter aux conditions dans laquelle elle s'est installée : la Corse. La question de savoir si oui ou non il y a comparaison avec son homologue britannique ne se pose clairement pas. En effet, les fils directeurs sont identiques, des scènes sont copiées/collées, des dialogues aussi, et les personnages ont pour la plupart les mêmes traits. Rien de bien nouveau sous le soleil corse. C'est tout juste si les scénaristes accentuent les principaux défauts de Broadchurch, à savoir la musique mélodramatique qui persiste du début à la fin : on se retrouve parfois avec la même suite de notes qui revient pour artificiellement créer une atmosphère triste et angoissante à la fois. Cela dit, au moins les ralentis inutiles n’ont pas été reproduits, relançant un peu l’authenticité de la série.

 

Louise Monot incarne la mère du petit Nathan

 

Ainsi donc, Malaterra fait le choix judicieux de ne pas s'accrocher à ses racines britanniques. Parce qu'adapter, c'est aussi donner sa propre vision de ce dont on s'inspire. Les auteurs ont fait ce choix crucial, tant France 2 risque d’avoir du mal à fédérer ses téléspectateurs avec une histoire radicalement similaire à celle qui leur a déjà servi il y a quelques mois – ils étaient 8 millions pour le lancement de Broadchurch. La chaîne doit probablement compter sur la curiosité du public pour les somptueux paysages corses, filmés par Jean-Xavier de Lestrade (La Disparition) et Laurent Herbiet. De même, l’ambiance, à la fois triste et ensoleillée, s’avère différente de celle – grise et ultra sombre – de son aînée, et la série évite les poncifs et clichés sur les Corses.

 

 

L'enquête corse

 

Malaterra souhaite démarrer prudemment pour mieux voler de ses propres ailes dans les épisodes à venir. Il était évident de toute façon que nous serions face à des ressemblances un peu flagrantes ; l'important est que cela ne se voit pas sur toute la série et qu'elle puisse prendre son envol rapidement. Pour exemple, Gracepoint était allée jusqu'à embarquer David Tennant dans le rôle principal aux États-Unis, et offrir un dénouement un peu différent en guise de seule différence avec la série britannique. Ici, les créateurs ont souhaité disposer d'une latitude bien plus complète et une liberté totale pour la série et pour ses acteurs : certains interprètes n’ont pas vu la série originale (Simon Abkarian, l’acteur principal), afin qu’ils ne s’interdisent rien. David Tennant lui-même a été conquis par le premier épisode de la série française et est convaincu qu'elle peut offrir quelque chose d'original, un signe que l'on peut faire confiance à Malaterra.

 

Thomas et Karine démasqueront-ils l'assassin de Nathan ?

 

La série a quand même quelques divergences marquantes et tranchées avec Broadchurch, là où la sœur américaine n’en avait pas : la disparition du mari de Karine, Timothée, le pendant de Nigel, l’employé du père Viviani qui vit avec la famille. Il ne faut pas oublier de noter que même si les créateurs ont déclaré vouloir faire une série universelle et accessible à tous, y compris ceux qui ont déjà vu la version américaine, Malaterra se déroule en Corse. Par conséquent, le cadre de la série implique toute une image de communauté, de relationnel, de générationnel, de dits et de non-dits. Comme Broadchurch, dira-t-on, mais nous ne sommes pas en Grande-Bretagne. Cet aspect-là aura forcément un rôle à jouer ; et le soleil de l’Île de Beauté ne sera pas pour éclaircir les pistes face à la grisaille londonienne, créant ainsi un style nouveau et dévoilant une réalisation plutôt satisfaisante. Si Malaterra part avec un handicap, elle présente toutefois quelques éléments qui, de sa mise en scène splendide jusqu'à ses idées scénaristiques intéressantes, pourraient permettre de passer outre, voire de les sublimer.

Le gros point faible de ce début de saison est que la série est encore en quête d'identité. Nous l'avons dit, quelques plans et dialogues sont repris à l’identique (la robe de la mère si ce n'est que ça) et des détails gênants de Broadchurch (le médium, l'officier de liaison), témoignant d’un manque d’inspiration au moment de l’écriture, et qui ne disparaissent donc pas. Cela crée une frustration d’assister à un copier/coller manifeste. Même les acteurs ressemblent à leurs modèles originaux : Constance Dollé a des airs d’Olivia Colman, Louise Monot ressemble à Jodie Whittaker. Le côté positif, c'est que les acteurs livrent une très bonne prestation, même si on voudrait quand même qu’Abkarian décoince un peu son visage pour montrer une plus large palette d'émotions. Certains acteurs font même mieux que leurs personnages respectifs dans les autres versions. Nicolas Duvauchelle est crédible en père de famille anéanti, alors qu'Andrew Buchan (Broadchurch) faisait parfois trop dans la retenue et que Michael Pena (Gracepoint) était bien pire.

 

Tout n'est donc pas à jeter dans Malaterra, même si elle a encore du mal à se démarquer de Broadchurch. Nous n'en sommes qu'au premier épisode et il est normal que la série reproduise en partie ce qui a déjà été fait dans l'originale, puisque celle-ci partait avec les mêmes bases. La version française dispose donc de suffisamment d'éléments pour prendre ses marques et proposer quelque chose qui ne ressemble pas à sa grande sœur. Seule la suite nous le dira.

 

J'ai aimé :

 

  •  Une galerie de bons personnages
  •  Des acteurs sympathiques
  •  Une réalisation et un cadre intéressants
  •  Une série qui désire s'émanciper...

 

Je n'ai pas aimé :

 

  •  ... mais encore en quête d'identité
  •  Un avenir encore incertain
  •  Trop de ressemblances dans l'introduction

 

Ma note : 12/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar nicknackpadiwak
nicknackpadiwak
Et tu vas continuer à regarder?

Avatar arnoglas
arnoglas
Avis modéré par la rédaction de Série-All.

Avatar Stean
Stean
Broadchurch remake français, même dans mes rêves les plus fous j'y aurais jamais cru.

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