Critique : P'tit Quinquin 1.01

Le 18 septembre 2014 à 16:28  |  ~ 6 minutes de lecture
Une comédie loufoque et décalée se passant dans le Nord Pas de Calais ? Ne fuyez pas, ce n’est pas Bienvenue chez les Ch’tis ! P’tit Quinquin est un OVNI télévisuel, un mix réussi entre un Twin Peaks coloré par l’accent du Nord et un True Detective mitonné au picon bière.

Critique : P'tit Quinquin 1.01

~ 6 minutes de lecture
Une comédie loufoque et décalée se passant dans le Nord Pas de Calais ? Ne fuyez pas, ce n’est pas Bienvenue chez les Ch’tis ! P’tit Quinquin est un OVNI télévisuel, un mix réussi entre un Twin Peaks coloré par l’accent du Nord et un True Detective mitonné au picon bière.
Par nicknackpadiwak

 

Si vous me pardonnez cette sentence lapidaire en guise d’introduction, Dany Boon est quand même un sacré trou du cul. Et oui. Primo, il a gâché son talent en se fourvoyant dans le mercantile insipide. Secundo, il a engendré une tonne de poncifs sur les habitants du nord de la France. Étant en un, je veux corriger quelques faits :

 

  • On ne mange pas de maroilles au petit déjeuner, je ne connais personne qui fait ça.
  • Il n’y a pas systématiquement une cafetière en train de chauffer dans tous les foyers pour accueillir d’éventuels invités.
  • On n’a pas d’accent. En tout cas, quand on discute entre nordistes, on ne le remarque pas.
  • Il ne fait pas toujours mauvais chez nous. C’est faux. Je connais même une personne qui connait une autre personne dont le voisin a vu le soleil une fois, en vrai dans le ciel.

 

 

Voilà, c’est fait, je peux commencer la critique.

 


 

P'tit Quinquin

 

 

 

Est-ce que t'as pas vu la bande ?

 

 

Un matin, dans un petit village près de Boulogne, dans le Nord Pas de Calais, une vache est retrouvée morte, avec à l’intérieur le corps découpée d’une femme. Le commandant de gendarmerie Van Der Weyden et son adjoint Carpentier mène l’enquête. En parallèle, Quinquin et sa bande de pote, profite de l’agitation pour sortir de l’ennui.

Bruno Dumont  est un artiste français, né à Bailleul (ch’est d’min coin), qui a réalisé sept films. Il est le doppelgänger de Dany Boon, son double maléfique. Car là où Dany Boon polit ses œuvres pour rendre une carte postale aseptisée du Nord, prête à passer sur TF1 en prime, Bruno Dumont met les mains dans le cambouis, fouille dans les entrailles de l’Humanité. Ce qu’il en ressort ne sent pas la rose.

Dans son premier film la Vie de Jésus, il était question de crime raciste. Dans L’humanité, une fille de 12 ans était retrouvée tuée et violée. Dans Twentynine Palms, un road trip se terminait en agression sexuelle. On ne peut donc pas dire que les films de Dumont prêtent le flan à la gaudriole. Jusqu’à P’tit Quinquin.

Car comme veut l’adage, c’est toujours parmi les plus grands austères que se trouvent les plus grands déconneurs. Regardez Pol Pot et Pinochet. Non, autre exemple, regardez Lars Van Trier.  A-t-il jamais été aussi passionnant que dans sa drôlissime série « l’Hôpital et ses Fantômes » ? Qui a pensé un jour qu’il nous plierait en deux avec une caméra cradingue et des personnages complètement allumés ? Le parallélisme entre les deux séries n’est pas gratuit. Les deux partent d’un point de départ conventionnel (qui d’un hôpital hanté, qui d’une enquête policière) pour créer un univers décalé, perturbant, peuplé de personnages bizarres et parfois inquiétants. Mais, aussi,  les deux sont ouvertement drôles.

Car, je n’insisterai jamais assez : P’tit Quinquin est drôle à se pisser dessus.

 

 

Ah c’qu’il a l’air bête !

 

 

Burlesque, non sens, situations grotesques, dialogues saugrenus, sens du détail (les deux gyrophares), l’humour poétique à la Deschiens, tout y passe. Et en ce sens, la scène de l’enterrement restera comme un sommet de loufoquerie rarement vu à la télé française, dix minutes de pure folie. Le « priez pour nous et pour nos pêcheurs » me fera passer l’hiver au chaud.

Et comme toute bonne série, il faut un personnage bigger than life. Trouvé en la personne du Commandant Van der Weyden ! Les cheveux ébouriffés, passant l’épisode à gueuler sur son adjoint et sur chaque enfant qu’il croise, s’annonçant en tirant en l’air avec son pistolet, ce cabotin funambule est désopilant. Rien que l’entendre brailler « Carpentier  ! » provoque chez moi l’hilarité.

 

 

P'tit Quinquin majorette

 

 

Ça va…ça vient...

 

 

Fidèle à son habitude, Brunot Dumont a fait tourner des comédiens non professionnels. Le problème est que je pense même que certains sont carrément non comédiens. Conséquence, la justesse du jeu s’en ressent parfois, et certains sont à la limite du jouer faux. C’est très perturbant au début. Mais, à la longue, cela crée une ambiance, une unité à la série qui renforce son étrangéité. On assiste alors à un défilé de « gueule », dans le sens Michel Simon du terme, de physiques atypiques : des grands tout sec, des gros poilus, des oreilles décollées, des sans dents. C’est simple, on croirait le casting d’un Sergio Léone version frites-fricadelles.

Et au milieu de cette galerie, impossible de ne pas évoquer l’extraordinaire jeune acteur qui joue Quinquin. Si niveau diction, il n’est pas toujours sur la corde juste, il possède une présence indéniable à l’écran. Ce gamin impressionne la pellicule et nous tient en haleine. Bien joué, tchiot biloute.

 

 

P'tit Quinquin

 

 

Donne un zô

 

 

De plus, contrairement à Dany Boon, Bruno Dumont est un vrai metteur en scène. Il n’a pas son pareil pour filmer et sublimer les paysages du Nord Pas de Calais. C’est simple, certains plans sont si beaux qu’on dirait du Renoir. Mais on n’est pas là pour philosopher.

Enfin cerise sur la tarte au maroilles, Dumont arrive à nous émouvoir au détour d’une scène d’accolade entre deux personnages. Salopiot va !

La coupe de bière est pleine.

 

 

 

Dans la famille ultra formaté et ennuyeuse de la télé fiction française, si Braquo ou Engrenage étaient les premiers grands frères turbulents, P’Tit Quinquin est le dernier né, l’Enfant Fou, le gamin dégénéré  qui court dans la maison et renverse les chaises.

Audacieux, drôle, dérangeant,  P’Tit Quinquin est à ne pas manquer.

 

 Hein !


 

Note : 17/20.

 


J’aime :

 

  • L’audace et le ton inédit
  • L’atmosphère délirante
  • La scène de l’enterrement

 

 

Je n’aime pas :

 

  • Certains acteurs jouant « limite »
  • L’enquête qui avance à pas de fourmis.

 

 

Pour ceux qui se demandent, tous les titres des paragraphes sont des chansons du Carnaval de Dunkerque (le seul, le vrai  - après celui de Bailleul - ).

L'auteur

Commentaires

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
A l'opposé de la comédie beauf, l'autre cliché du cinéma français, c'est les "films d'auteurs" chiants... Et vu les quelques extraits que j'ai vu, ça m'a l'air d'en reprendre les recettes... Faut voir...

Avatar Altaïr
Altaïr
Excellente critique Mais gare ! Tu m'as vendu du rêve, maintenant je ne veux pas être déçue :)

Avatar CaptainFreeFrag
CaptainFreeFrag
Tiens bah pourquoi pas, en tant que Nordiste depuis plus d'un an, ça serait dommage de louper ça ! Très bonne critique, sinon.

Avatar Taoby
Taoby
En tant que caricature de sudiste, ça serait dommage de louper ça aussi. Bonne critique qui donne envie effectivement, Lynch à Dunkerke ça peut être... tellement évident.

Avatar Koss
Koss
Comme mes p'tites camarades, excellente critique en effet.

Avatar nicknackpadiwak
nicknackpadiwak
Merci. Mais le plus important : la série, ça vous a plu????

Avatar Taoby
Taoby
Le premier épisode j'ai trouvé ça vraiment sympa et assez atypique Après l'effet de surprise s'estompe, les longueurs s'étire, le rire devient plus rare et plus ça avance plus j'ai eu du mal à comprendre les dialogues. Du coup le 2 eme épisode je l'ai beaucoup moins aimé et je pense que ça va aller dans ce sens pour le reste de la saison. Même si pour moi c'est quand même se foutre un peu de la gueule des gens d'appeler ça série, puisque c'est un film coupé en 4, mais j 'essaierais d'expliquer ça dans des avis plus détaillé, mais déception pour moi. Surtout que j'ai suivi l'interview du real sur le site de la chaine après et bonjour le boulard. Mais merci de m'avoir fait découvrir la série, je ne regrette pas. En revanche c'est dommage de n'avoir signalé nulle part que la série etait diffusé sur Arte le soir même, c'est limite un miracle que je sois tombé dessus 10 mn avant la diffusion.

Avatar Koss
Koss
"En revanche c'est dommage de n'avoir signalé nulle part que la série etait diffusé sur Arte le soir même" Ah si, je l'avais mis sur Facebook et Twitter. Oh wait, tu ne les utilises pas...

Avatar elpiolito
elpiolito
Et puis, c'est pas comme si il y avait un planning de diffusion des séries sur le site et que les dates de diffusion était reporté sur les fiches séries... oh wait !

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