Critique : The Shadow Line 1.03

Le 25 juin 2011 à 04:11  |  ~ 7 minutes de lecture
Un épisode de transition où l'histoire prend enfin tout son ampleur. The Shadow Line cache de moins en moins l'influence de Rubicon. Au programme, un polar cérébral d'une noirceur abyssale et une ambiance étouffante pour une série très exigeante.
Par sephja

Critique : The Shadow Line 1.03

~ 7 minutes de lecture
Un épisode de transition où l'histoire prend enfin tout son ampleur. The Shadow Line cache de moins en moins l'influence de Rubicon. Au programme, un polar cérébral d'une noirceur abyssale et une ambiance étouffante pour une série très exigeante.
Par sephja

Pitch noir

Alors que Jay Wratten se prépare à enterrer son père, Andi Dixon suit les conseils de Gatehouse et va le rejoindre pour lui exposer sa version du meurtre. Il ressort de son témoignage qu'un dénommé Bob Harris serait responsable de cette exécution, un homme protégé par Joseph Bede qui en a besoin pour relancer son trafic de drogues. Du côté des policiers, le doute s'installe concernant l'intégrité de Jonah Gabriel.

 

Un polar sombre, désespéré et exigeant 

Pour cette troisième critique de The Shadow Line, il faut avouer que je suis particulièrement embêté tant la série semble avoir la capacité agaçante de prendre perpétuellement le contre-pied de ce qu'on attend. Suite directe de la course poursuite de l'épisode deux, ce volet ci va se montrer étonnamment lent, posant avec une minutie proche de la maniaquerie les différentes évolutions de l'intrigue. De nouveau, le spectateur est baladé de droite à gauche, mais heureusement avec plus de ménagement que dans le pilote. 

Exigeante, maniaque, poseuse, The shadow Line pourrait être le chef d'oeuvre de cette fin d'année, mais son style froid et austère joue rapidement en sa défaveur, obligeant le spectateur à faire l'effort de s'y retrouver dans une histoire encore assez floue et mystérieuse. Les comédiens, tous remarquables, portent superbement chacune des scènes, avec une mention spéciale à Christopher Eccleston qui crève totalement l'écran lors d'un coup de sang d'une intensité surprenante. 

Intense, voilà l'adjectif qui convient le plus à cette épisode, surtout dans une première partie où Gatehouse va redistribuer les cartes, effaçant petit à petit les traces reliant les coupables au meurtre qui a eu lieu. Les pièces se mettent alors remarquablement bien en place, Jay Wratten devenant un personnage particulièrement tourmenté et attachant, malgré son comportement toujours aussi imprévisible. Sa solitude lors de l'enterrement est à l'image de tout l'épisode, silencieux, triste et plombé par une ambiance d'une noirceur surprenante. 

Joseph Bede, Jonah Gabriel, Jay Wratten vont devoir faire des choix. Ils ne peuvent pas échapper à une version de la réalité réécrite par Gatehouse, confronté à une vie personnelle qui part en lambeaux. Seules les tensions internes au commissariat vont venir gâcher, par un léger manque de subtilité, un épisode digne d'un polar de James Gray, époque Little Odessa. Assumant à lui seul les rôles d'auteur, réalisateur et producteur, Hugo Blick fait le pari du risque maximum en proposant une intrigue à l'exigence surprenante, quitte à perdre au passage bon nombre de spectateurs.

Difficile d'attribuer une note à ce show, tant il faudra attendre le final, dans deux semaines, pour découvrir l'oeuvre dans son ensemble. Car si la narration a une force indiscutable, elle s'avère aussi légèrement poseuse et semble jouer à nous maintenir dans l'ignorance pour mieux accroître l'attente d'un show vraiment original, tellement ambitieux qu'il se doit de nous servir un final à la hauteur de ses ambitions, ce qui est loin d'être fait..

 

 

Des personnages en proie à une solitude extrême

Entre des couples au bord de la rupture et des êtres qui ont tous perdu, The Shadow Line propose une galerie de personnages piégés dans leur propre solitude, ayant depuis longtemps perdu de vue toute idée du bonheur. Joseph Bede voit lentement sa femme atteinte d'Alzheimer perdre tout notion du réel, tandis que sa personnalité s'efface, dévoré petit à petit par une maladie agressive et irréversible. Volant ses derniers instants de conscience, il se sacrifie totalement pour elle et se bat seul pour s'assurer qu'elle puisse bénéficier des meilleurs soins. 

Aucun personnage n'est délaissé, chacun possède ses mystères, les auteurs s'efforçant de donner une vraie épaisseur à la plupart des intervenants. L'assistante de Gabriel, Lia Honey, interprétée par Kierston Wareing, va se retrouver prise entre l'exigence de son supérieur et les nombreux doutes pesant sur l'accident qui lui a valu une balle dans la tête. Remplie de zones d'ombres, cette histoire prouve que les auteurs ont encore beaucoup de points à éclaircir, confirmant au passage l'ampleur de la tâche à accomplir, surtout en seulement quatre épisodes. 

 

 

Criminel numéro un : Jay Wratten

Psychopathe terrifiant, Jay est avant tout dévasté par la mort de son père, qui le laisse seul pour reprendre un empire dont il craint l'ampleur. Malgré ses airs menaçants et son côté imprévisible, il est avant tout un petit garçon qui cherche à trouver le coupable pour l'abattre. Inconscient de l'existence de personnages comme Gatehouse, il se fait clairement manipuler pour nuire à l'entreprise de Joseph Bede. De toute la série, il est sans nul doute le personnage le plus isolé, obligé de se forger une carapace terrifiante pour pouvoir sauver les apparences. 

Rafe Spall, que je ne connaissais jusque-là que par Hot Fuzz, est vraiment de plus en plus convaincant dans ce rôle très difficile, trouvant le ton juste à la fois théâtral et sensible. Moins poseur qu'au début, il essaie de nuancer le style outrancier de son personnage par une utilisation intéressante des silences. De plus en plus ambivalent, sa situation dans la série est telle qu'il devrait sans trop tarder occuper un rôle central, piégé entre la police, Bede et Gatehouse qui tire les ficelles, dans l'ombre. 

Un personnage vraiment réussi, mais d'un étrange complexité, à la fois touchant et inquiétant. Une victime qui a toutes les apparences d'un coupable.

 

Rubicon est-il devenu une référence ?

Polar sombre, lent, esthétisée à l'extrême, The Shadow Line vient nous rappeler l'extraordinaire Rubicon et confirme que le show d'AMC et son esthétique atypique annonçait bel et bien une nouvelle ère dans le monde des séries. Exigeant et ambitieux, les créateurs de show ont le besoin de bousculer les habitudes des spectateurs pour retrouver le plaisir de raconter une histoire et d'échapper au formatage actuel des productions télévisés. Dépassant leur statut de simple divertissement, les séries s'orientent vers une autre forme de spectacle, plus réaliste et clairement imprévisible. 

Tout comme la série de Jason Horwitz, cette série mise avant tout sur un réalisme total dans lequel est injecté des éléments feuilletonnants. Rubicon aura finalement créer un désir chez les Showrunners, celui de raconter de vraies histoires, tout en maintenant un niveau d'exigence maximum. Et cela, personne ne s'en plaindra. 

 

J'aime : 

  •  esthétiquement superbe 
  •  un casting impeccable 
  •  une histoire intelligente qui commence à montrer toute son ampleur
  •  Christopher Eccleston éblouissant 

 

Je n'aime pas : 

  •  une narration austère exigeante envers le spectateur 
  •  un rythme très lent (moi, cela ne me dérange pas, mais je préfère prévenir) 

 

Note : 14 / 20 

Plus lent et sombre que le précédent, The shadow Line est une série toujours aussi exigeante envers le spectateur, aussi froide et cérébral que le superbe Rubicon d'AMC. Dommage que les séquences au commissariat soit un peu décevantes, essayant maladroitement de créer le trouble sur le personnage de Gabriel. Un bon épisode intermédiaire, d'une grande intensité.

L'auteur

Commentaires

Avatar Puck
Puck
Franchement, C. Eccleston, il peut carrément foutre la frousse. Je me le rappelle dans la première saison de Dr. Who, il donnait au docteur une dimension assez inquiétante parfois.

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sephja
Son coup de colère m'a tétanisé. Surtout que son personnage était jusque là parfaitement calme. Meilleur acteur pour l'année prochaine, pas la moindre hésitation (ou au moins dans le top 5)

Avatar Puck
Puck
Au passage, je voulais te signaler qu'il y a un bug avec les images associées... Qui m'empêche notamment de mettre les critiques en une -sinon, ça flanque en l'air toute la liste des articles de une !

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sephja
Je ne sais pas comment mettre les images associés (j'ai vu que Sanschiffre les as trouvé). Help me ! Ce n'est pas grave, mais j'apprécie ton choix de vouloir le mettre en une :]

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