Critique : Treme 2.05

Le 27 mai 2011 à 00:35  |  ~ 6 minutes de lecture
Episode de transition qui amène de nouvelles storylines. Treme évolue lentement et sûrement vers un destin des plus tragiques. Au programme, beaucoup de colère, de frustration et des personnages aux portes du départ.
Par sephja

Critique : Treme 2.05

~ 6 minutes de lecture
Episode de transition qui amène de nouvelles storylines. Treme évolue lentement et sûrement vers un destin des plus tragiques. Au programme, beaucoup de colère, de frustration et des personnages aux portes du départ.
Par sephja

Pitch survivre ensemble, partir seul 

Victime d'une vague de criminalité qui ne cesse de s'intensifier, la Nouvelle-Orléans se renferme sur elle-même, laissant certains habitants seuls face à leur détresse. Ladonna ou le chef Lambreaux font partis de ces victimes isolées qui peinent de plus en plus à lutter contre le destin. La ville connait alors un ultime sursaut d'espoir en organisant une grande manifestation contre la violence et la gestion des politiciens en place.

 

 

Un monde en colère face à une administration dépassée

Alors que les traces de la tempête disparaissent doucement, le traumatisme collectif et psychologique perdure, poussant petit à petit les habitants vers la voie du départ. Totalement autiste, l'administration pratique une politique du chiffre inefficace, préférant la répression aveugle à l'action coordonnée. Devant la frustration qui ne cesse de croître, la population n'a plus que deux choix : se battre ou tout abandonner et partir ailleurs, fuir un univers dans lequel l'être humain est considéré comme un singleton sans droit à la parole.

Si certains comme Davis ou Antoine Baptiste ont su former autour d'eux l'équivalent d'une famille pour exorciser leur peur et trouver une forme d'espoir, d'autres voient lentement leur rêve s'éteindre. Le lieutenant Colson va patrouiller toute la journée pour essayer de se redonner l'illusion d'une maîtrise des choses, avant de constater combien la situation lui échappe. Plutôt que de protéger les victimes, la police ne cesse de prouver son manque de confiance envers la population, en engendrant une détresse encore plus grande chez les victimes. 

Pendant que l'Etat fédéral perd lentement le contrôle de la situation, des entrepreneurs privés commencent à se partager un gâteau particulièrement juteux. Nelson Hidalgo fait partie de ces hommes arrivés dans la ville pour profiter de ce monde à reconstruire et poser la première pierre de leur empire. Malin, David Simon nous en dresse un portrait séduisant, celui d'un homme convaincu que le rêve américain existe si les hommes trouvent le courage d'entreprendre.  

Pour le Chef Lambreaux, la bataille semble s'achever tant il est fatigué des tracasseries administratives et du mépris dont on fait preuve envers lui. Plutôt que d'apprendre à fermer les yeux en faisant de la nécessité une loi, la ville de la Nouvelle-Orléans s'acharne à appliquer des règles totalement obsolètes, brisant au passage le tissu social  et laissant le terrain libre à une violence gratuite et cruelle. Celle-ci gagne lentement la bataille en instillant la peur dans chacun des esprits.

 

 

Sofia Bernette et l'apprentissage de la vérité

Après le suicide d'un de ses enseignants, Sofia va lentement deviner la vérité sur la mort de son père sans parvenir encore à de véritables certitudes. Sa vision est pour l'instant embrumée par sa relation trop affective avec la vie qui l'entoure. Incapable de considérer sa mère en dehors du cadre familial, elle vit la mort de son père comme une punition qui serait venue sanctionner l'une ou l'autre pour une faute dont elle ignore la nature. Incapable de faire vraiment son deuil, elle va découvrir au contact des hommes politiques que la vérité est plus un moyen qu'une fin en soi. 

Loin de tout manichéisme, David Simon dresse le portrait d'une société qui étouffe et qui peine à prendre la distance nécessaire pour avoir une vision juste. Tout comme Sofia, chacun des habitants ne voit que ce qu'il désire voir, une vérité parmi d'autres, une vision pas assez dépassionnée pour être véritablement objective. Nul doute que la découverte des vraies causes de la mort de son père amèneront Sofia à découvrir combien sa conception du réel peut se fonder sur des principes biaisés et un mensonge tragique qu'elle ne parvient pas encore à dissiper.

Si la saison dernière India Ennenga n'avait occupé qu'une petite place au sein de l'intrigue, cette saison la place beaucoup plus en avant, tout en laissant le temps à la jeune actrice de trouver l'interprétation la plus juste de son personnage. Sa performance reste à souligner, tout comme celle de tout le casting toujours aussi remarquable.

   

 

Peut-on reconstruire sans détruire ? 

Question complexe, elle constitue un des éléments centraux d'une série, car la reconstruction de la ville est le centre d'enjeux financiers importants qui ne tiendront pas compte des habitants du Treme. Le moment du changement approche pour chacun des personnages, la Nouvelle-Orléans perdant petit à petit le visage d'avant Katrina. Delmond Lambreaux est le premier à avoir senti le souffle de la tempête, tentant de retrouver dans sa musique le souvenir de son enfance dans le Treme avant qu'il ne disparaisse. 

Certains tentent de faire table rase et connaissent un certain succès alors que les partisans d'une certaine forme de mémoire sont balayés par la valse des bulldozers. Le nouveau monde qui apparaît fait peur et la manifestation finale est clairement une réponse de la population aux désirs des politiques de tout balayer et de rebâtir un monde neuf, un baroud d'honneur de ceux qui refusent de voir se construire l'avenir sans tenir compte de leur opinion. 

Difficile de construire une histoire collective sans que le scénario ne finisse par s'égarer, ne fournissant à chaque personnage que de petites saynètes qui ne permettent pas de construire une histoire. Très agréable, l'épisode ne sert qu'à faire la transition en présentant rapidement les différentes storylines que la suite se chargera d'approfondir. Le potentiel est énorme, l'ambition démesurée et l'inquiétude équivalente tant cette saison pourrait facilement échouer devant la tâche énorme qu'elle s'est imposée.

Treme prend des risques, surprend et laisse craindre à chaque épisode qu'un élément vienne réduire à néant cette belle mécanique. Le scénario, d'une ambition monstrueuse, avance lentement, posant chacun des éléments qui lui permettront d'atteindre son but, sans jamais nous en laisser deviner la teneur. 

 

J'aime :

  •  des thèmes et des personnages forts
  •  un récit très éclaté qui ne sert qu'à mettre en place
  •  une partie musicale bien mieux intégrée au récit 
  •  si David Simon réussit, cette saison risque d'être juste sublime, un monument...


Je n'aime pas :

  •  ... qui pourrait tout aussi bien s'effondrer 
  •  un peu frustrant par son absence de vrais développements 
  •  certaines scènes assez moyennes

 

Note : 14 / 20 

Si les thématiques du "vivre ensemble " et de la solitude dans un monde à la dérive sont passionnantes, le scénario se limite à poser les différentes storylines qui occuperont les épisodes à venir. Réussie, mais aussi frustrante par certains aspects, Treme veut beaucoup et semble parfois trop ambitieuse par rapport à ce qu'elle peut produire. 

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