Critique : Treme 2.08

Le 23 juin 2011 à 05:24  |  ~ 5 minutes de lecture
Un épisode très réussi sur la nécessité de guérir les plaies du passé afin de pouvoir croire en son avenir. Au programme, une population qui se sert de la musique pour chasser les démons du passé afin de croire à la possibilité d'un lendemain.
Par sephja

Critique : Treme 2.08

~ 5 minutes de lecture
Un épisode très réussi sur la nécessité de guérir les plaies du passé afin de pouvoir croire en son avenir. Au programme, une population qui se sert de la musique pour chasser les démons du passé afin de croire à la possibilité d'un lendemain.
Par sephja

Pitch entre passé et futur

Tandis que Delmond tente de créer un album mélangeant le jazz moderne et la musique traditionnelle de la Nouvelle-Orléans, chacun des personnages est confronté à des souvenirs qui refont surface. Pour Davis, Bush et sa gestion de Katrina vont servir de base au succès de son groupe. Ladonna va être confrontée à son propre mensonge, un fantôme du passé qui ressurgit au plus mauvais moment, tout comme Toni Bernette qui va être obligé de parler de son père à Sophie. 

 

Accepter le passé pour pouvoir avancer

Alors qu'un certain vent d'optimisme souffle sur la série depuis la Mardi-Gras, le temps est venu de soigner les blessures du passé, celle qui feront toujours souffrir, mais ne peuvent rester béantes toute une vie. La musique s'inscrit dans ce contexte comme un moyen de chasser les mauvais démons, Davis ravivant le souvenir de l'atroce gestion de l'après-Katrina par le président Bush. Loin de tout message politique, la série fait avant tout preuve d'un profond humanisme en s'intéressant plus aux conséquences de la catastrophe qu'aux responsabilités.

De même, Nelson Hidalgo se refuse de blâmer qui que ce soit lorsque les portes se referment sur lui, les différents personnels de la ville refusant son offre pour fournir différents câblages électroniques à la ville. Ravalant sa rancoeur, il préfère miser sur la force du sentiment de culpabilité des politiques à son encontre, eux qui ont profité de lui sans pouvoir lui rendre la pareille. En choisissant un employé municipal intègre et en donnant un autre sens à sa générosité que l'humiliation d'un simple pot de vin, Hidalgo fait un pari sur l'avenir, celui de gagner l'amitié plutôt que de soudoyer.

Pour Delmond Lambreaux, cette connexion entre présent et passé est un moyen de se rapprocher de son père et de retrouver l'essence de son goût pour la musique. La transmission devient alors plus qu'une simple histoire d'hérédité, elle consiste à prolonger une culture familiale et à prolonger une certaine idéologie de l'existence. Maintenant que la sécurité revient lentement dans les rues, les habitants du Treme reconstruisent leur propre individualité au niveau idéologique, en plaçant en avant l'importance de l'héritage. 

Personne n'oublie, mais le temps est venu d'avancer, de se libérer du poids du passé pour tenter de se focaliser sur le présent. Pour Ladonna, le passé disparaît peu à peu avec l'évacuation de la menace du VIH, chassant lentement de son corps tout souvenir de son agression.

 

L'importance du ressenti sur les faits

Loin d'opter pour un quelconque devoir de mémoire, les auteurs de Treme s'intéressent avant tout au ressenti de chacun des personnages. Pour Sophie et Toni Bernette, le souvenir de Creighton est avant celui d'un mélange de frustration et de colère qui empêche de se rappeler les instants de bonheur. Faire son deuil signifie avant tout chasser le ressentiment, la colère et la frustration pour pouvoir enfin accueillir les bons souvenirs, ceux qui forgent notre conception du bonheur et construisent notre rapport au monde. 

La plongée de Sophie dans une certaine forme de délinquance est avant tout le seul moyen qu'elle a trouvé de chasser toute la colère emmagasinée envers son père. Car le souvenir d'une personne qu'elle a aimé ne peut pas à ses yeux être souillé par la rage qu'elle ressent de n'avoir pu empêcher le pire d'arriver. Plutôt que de rechercher les fautifs, la série cherche à témoigner de toute la souffrance, la tristesse, mais aussi de la joie et l'espoir ressenti par chacune des victimes directes ou indirectes de Katrina. 

Le ressenti avant les faits, voilà ce qui fait la force de Treme. Il est impossible de comprendre le réel, le vécu en se limitant à un simple énoncé des faits. 

 

Construire l'avenir en tentant de corriger ses erreurs

En  choisissant le thème de la renaissance, Treme devient porteuse d'espoir sans servir une quelconque idéologie ou faire preuve de naïveté. Par son rapport avec les enfants, Antoine Baptiste redécouvre le plaisir de la transmission, élément indispensable au développement d'un vrai tissu social. Le contact avec les autres devient alors la clé de la construction d'un monde civilisé où chacun puisse s'épanouir du mieux possible, tout en guettant du coin de l'oeil le prochain coup du destin qui finit toujours par arriver. 

Pour le Chef Desautel, il s'agit avant tout de prendre des risques, avec la conviction de pouvoir y trouver le vecteur de son propre bonheur. En quittant la routine et la sécurité pour un nouveau milieu professionnel moins confortable et sécurisant, Jeanette franchit le pas et retrouve ce frisson de l'aventure dont tout être humain a besoin. L'espoir ne peut venir que de la confrontation à un autre univers que le nôtre, révélant des aspects de notre propre existence que nous n'avions pu envisager jusque-là. 

L'avenir du show devient totalement imprévisible, certaines vérités qui refont lentement surface risquent de provoquer des dégâts considérables en mettant en danger ceux qui cherchent à les faire ressurgir. Comme à chaque fois, le monde est toujours prêt à s'effondrer, surtout lorsque l'homme est convaincu que la bataille est gagnée.

 

J'aime : 

  •  une histoire forte et poignante 
  •  une écriture limpide et d'une grande clarté 
  •  un casting remarquable 
  •  une environnement musical superbe 

 

Je n'aime pas : 

  •  certaines sous-intrigues qui trainent un peu, comme celle du sous-chef de Jeanette 

 

Note : 15 / 20 

Un épisode très positif qui réserve quand même son lot d'instants forts et poignants, tout en essayant de se placer au même niveau que ses personnages. Le ressenti, et pas seulement les faits, pour un monde qui commence à essayer de corriger ses fautes pour pouvoir évacuer toute cette colère et cette frustration accumulée depuis Katrina. 

L'auteur

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