Empire, une série que rien n'arrête

Le 13 mars 2015 à 09:55  |  ~ 10 minutes de lecture
Le soap musical de Fox s'est rapidement imposé comme le plus gros succès de cette saison. Qu'on aime ou pas, retour sur une réussite inattendue mais méritée.
Par arnoglas

Empire, une série que rien n'arrête

~ 10 minutes de lecture
Le soap musical de Fox s'est rapidement imposé comme le plus gros succès de cette saison. Qu'on aime ou pas, retour sur une réussite inattendue mais méritée.
Par arnoglas

C'est un véritable phénomène que vit la télévision américaine en ce début d'année 2015, du moins depuis le lancement de Grey's Anatomy il y a dix ans déjà. Empire, diffusée sur Fox depuis le 7 janvier, vient de réaliser huit semaines de hausse dans les audiences. Une première dans l'histoire pour un nouveau show aux Etats-Unis, passant de 9.9 millions de téléspectateurs (ce qui était en soi un excellent démarrage surtout pour la chaîne) pour atteindre les 13 millions la semaine dernière. Jusqu'où ira-t-elle ? C'est la grande question que se posent tous les analystes audimatique.

Pour tout ceux qui serait passé à côté, Empire est un soap imaginé par Lee Daniels (Le Majordome), sur un producteur hip-hop atteint d'une maladie grave (Terrence Howard), son ex-épouse reprise de justice (sublime Cookie, jouée par Taraji P. Henson) et leurs trois enfants, un homme d'affaires ambitieux mais bipolaire, un auteur-compositeur surdoué et gay et un jeune rappeur immature. Portée par un casting majoritairement composé d'acteurs noirs, Empire s'est aussi illustré auprès de la communauté afro-américaine (au grand désarroi de Black-ish, sitcom diffusée juste en face sur ABC), mais pas uniquement. Si la série est encore loin d'atteindre les scores miraculeux de NCIS, elle est néanmoins parvenue à séduire un public de plus en plus large au fil des semaines, en particulier auprès des amateurs de soaps et de musique, dont la plupart sont des titres originaux.

Après un pilote efficace et rondement mené, quoique trop chargé, peu subtil et lourd dans le traitement des personnages, Empire se révèle être une série beaucoup plus adulte qu'il n'y paraît. Que le spectateur adhère ou pas, Empire fait état de ce qui fonctionne ou ce qui ne se fait plus à la télévision américaine, les goûts et les couleurs, les nouvelles tendances et semble indiquer aux grandes chaînes une idée de ce que doit être un show à l'heure actuelle, sans être prétentieuse. Une série qui à défaut d'être irréprochable, sait vivre avec son temps et son succès n'est pas démérité ni sorti de nulle part, et ce pour quatre bonne raisons.

 

 

Plein les yeux

 

Ce qui frappe au visionnage du premier épisode d'Empire, et des suivants en somme, c'est son obsession à vouloir en mettre plein la figure au spectateur. Lee Daniels et Ilene Chaiken, showrunner de la série et antérieurement créatrice de The L World, dont le talent et le savoir-faire ne sont pas à démontrer, ne lésinent pas sur les moyens et font en sorte que la série appuie sur certains points que les séries actuelles se contentent de survoler. La série joue ainsi beaucoup sur les pauses, les joutes verbales entre personnages ennemis donnant lieu à des règlements de compte jouissifs, les codes du soap tirés jusqu'à la corde, les regards face caméra et les répliques artificielles où les acteurs paraissent s'adresser ouvertement au spectateur.

 

 

Empire 2015

 

 

La caricature est elle aussi poussé à l'extrême mais jamais dans le mauvais sens du terme, d'autant qu'Empire n'a pas peur du ridicule ni d'en faire trop et c'est justement ce qui fait la force du show. La série ose tout et dans le bon sens du terme. Les héros ont beau être parfois antipathiques, se mettent des bâtons dans les roues, se méprisent, se mentent entre eux, leur imperfection n'est pas un problème et ont tous un trait de caractère participant à la grandiloquance de la série. Entre le père Lucious, maître de l'empire familial, perfectionniste et donneur de leçon, Cookie, l'ex-épouse qui dévaste tout sur son passage ou encore Hakeem, jeune gansta oisif et fêtard, tout y passe. Que ce soit les acteurs, tous convaincants, la mise en scène et la musique, Empire assume ce qu'elle est et ses excès ne gâchent en rien le visionnage.

 

Tous différents

 

Une des autres raisons du succès d'Empire est son respect des différences, qu'elles soient ethniques ou sociales voire l'orientation sexuelle. Petit retour en arrière. Empire n'est pas la première série à oser mettre en avant des personnages de couleur. ABC, en la personne de Shonda Rhimes, aura eu l'audace de lancer une des premières séries dont l'héroïne principale est afro-américaine, en l'occurence Scandal en avril 2012, sans oublier How To Get Away With Murder à la rentrée dernière. Avec ces deux séries, la productrice a réussi à relancer le soap de soirée après la fin de Desperate Housewives et au même moment de l'arrivée de Revenge, mais aussi imposer des Afro-américains forts, puissants et charismatiques sans que la couleur de peau ne définissent leurs personnalités. Si Empire n'est pas Shonda Rhimes, elle doit beaucoup à son travail tout en restant culturelle mais jamais sectaire.

 

 

La famille Lyons

 

 

La série est l'occasion de brosser un tableau pas forcément flatteur mais réaliste de l'Amérique moderne (et accessoirement du paysage audiovisuel) et l'utilisation du milieu du hip-hop permet justement d'observer les paradoxes et tensions qui animent la société. Une Amérique patriarchal, machiste, gouvernée par l'argent et le pouvoir, raciste et homophobe, mais qui pullule de talents en tout genre, d'artistes et chanteurs sortis de leurs banlieues, quartiers défavorisés ou petites villes pour devenir riches et célèbres (Lucious en est le parfait exemple). Une Amérique gouvernée par l'argent et qui prétend n'accorder aucune importance à la couleur, au sexe ou à la différence, les riches et les pauvres, les Noirs et les Blancs. Le personnage de Jamal, auteur-compositeur talentueux rejeté par son père, dont l'homosexualité pose problème dans un milieu ouvertement hostile envers les gays, est également une belle illustration de la diversité. Toutes les différences sont montrées et chacun peut se reconnaître et se retrouver dans tous ces portraits, de quoi permettre à la série d'attirer un public extrêmement large.

 

La musique dans la peau

 

 

Rappelons-le, Empire n'est pas tout à fait une comédie musicale, même si la série enchaîne les titres originaux à la pelle, séances d'enregistrements ou encore solos à travers lesquels les frères Lyon expriment leurs sentiments envers leur père, en particulier Jamal (et sa chanson Good Enough dans l'épisode 2). Le show n'a pas peur d'utiliser la musique pour accentuer certains passages émouvants et autres flashbacks sur le parcours semé d'embûches de Lucious et Cookie avant la percée de ce dernier (cf les souvenirs de Cookie sur son ex-mari et sa vie de famille avant son sacrifice ayant conduit à son incarcération). Empire est donc plus une série sur le milieu du hip-hop et du R'n'B sous fond de conflit familial, où les personnages cherchent la réussite pour certains (Andre, Jamal, Hakeem) , pendant que d'autres tentent de conserver ce qui leur reste (Lucious) ou de reprendre ce dont on leur a privé (Cookie).

 

 

Empire 2015

 

 

Le R'n'B est d'ailleurs un genre très peu présent à la télévision et il n'est pas étonnant que les fans de musique se soient jetés sur la série afin de voir ce qu'elle a dans le ventre, ce qu'elle pouvait proposer comme titres originaux et on peut dire que sa stratégie a payé. En bénéficiant de grands noms au générique tels Timbaland, producteur star et dénicheur de talents, mais aussi à l'origine des chansons entendues dans la série, Fox a fait le bon choix et a su s'entourer des meilleurs pour offrir un programme de qualité. Programme qui s'est révélé être aussi un succès commercial encore plus fort que Glee, avec la sortie d'un EP, l'ouverture d'un site dédié à la série, la mise en ligne d'un titre (No Apologies) et la création d'une page Youtube consacrée à la série. Pas étonnant donc qu'Empire continue de séduire autant de monde, sans oublier que le show, en grimpant dans les audiences, aura suscité un effet de curiosité croissant au fil du temps, les spectateurs se lançant dans la série histoire de comprendre les raisons d'un tel plébiscite.

 

 Tragédie familiale

 

Un dernier point certes plus anecdotique mais d'égale importance que les trois premiers: Empire n'est pas qu'une série musicale et familiale, mais une transposition moderne et assumée de la tragédie de William Shakespeare, en l'espèce Le Roi Lear. L'histoire d'un vieux roi puissant, tenant son royaume d'une main de fer, qui réunit ses filles et leurs maris respectifs pour leur annoncer qu'il compte se retirer du pouvoir et sa décision de diviser le royaume entre elles, la plus grande part reviendra à celle qui saura lui déclarer qu'elle l'aime le mieux. Empire ressemble donc comme deux gouttes d'eau à la pièce du grand Shakespeare, un des auteurs qui influencent encore la télévision américaine.

 

 

Empire 2015

 

 

En proposant une nouvelle relecture d'un texte ancien, le show est donc beaucoup plus intelligent qu'on le pensait en dépit de son côté ultra bling-bling et exagéré qui ne sert qu'à mettre de la poudre aux yeux du spectateur. Empire est une série intemporelle, classique au sens théâtral, issue de la tragédie grecque. Une histoire de famille, de coups bas, de trahison, de crimes, meurtres, haine et amour, puissance et gloire, désir et ambition les plus folle et démesurées. Si les amateurs de grands textes ne seront pas forcément séduits, le téléspectateur le plus érudit pourra y trouver son compte, même s'il lui faudra un temps d'adaptation pour se faire à la grandiloquence de la série.

 

 

Aussi, si vous ne vous êtes pas encore plongé dans Empire, la série dispose d'arguments puissants et convaincants pour vous séduire, ne serait-ce que pour ses personnages et son univers passionnant. Fox est parvenue à dénicher son (seul) grand hit de l'année et c'est bien parti pour durer.

 


L'auteur

Commentaires

Avatar nicknackpadiwak
nicknackpadiwak
yo! franchement chouette article! Un jour tu dis "hé les gars, je vais faire un article sur Empire" et dès le lendemain, tu ponds un truc comme ça. Chapeau bas.

Avatar arnoglas
arnoglas
Avis modéré par la rédaction de Série-All.

Avatar nicknackpadiwak
nicknackpadiwak
pas de souci, puisque le résultat est très bien

Avatar Altaïr
Altaïr
Super article, et qui fait envie !

Avatar Charlene2
Charlene2
Bon, je suis noire, il faut que je regarde ça lol. Ton article m'a convaincu

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