Le monde de Breaking Bad #3

Le 12 août 2013 à 15:03  |  ~ 31 minutes de lecture
Troisième et dernière partie de notre dossier sur Breaking Bad. Cette fois, on parle des méchants.
Par Scarch

Le monde de Breaking Bad #3

~ 31 minutes de lecture
Troisième et dernière partie de notre dossier sur Breaking Bad. Cette fois, on parle des méchants.
Par Scarch

Si vous avez raté la première partie

Si vous avez raté la seconde partie

 

Nous voici arrivés à la troisième et dernière partie de ce dossier sur Breaking Bad. Nous avons, jusqu’à présent, étudié les aspects chimiques, métaphysiques, physiques et lyriques de cette série. Nous allons désormais pousser le lyrisme à son paroxysme et entrer dans le vaste univers de la mythologie, ce miroir incorruptible de l’homme.

Reprenons donc notre fil rouge et regardons le chemin parcouru : Walter White est sur la voie de l’homme libre à sa manière. Il veut se débarasser des chaînes qui lui sont attachées depuis trop longtemps et qui l’ont fait passer à coté de la gloire et de l’argent par lâcheté. De ce constat est né Heisenberg, une métaphore du dépassement, de la voie quantique : la bête qui sort de son antre.

Nous avons donc étudié précdemment le développement de la série, celui de son (anti) héros et l’entourage direct de Walter White. Nous nous étions arrêtés sur une présentation rapide de l’adversaire principal d’Heisenberg, celui qui devra aider Walt à se comprendre lui-même par la force des choses.

Rangeons nos microscopes et sortons nos grimoires, Breaking Bad soigne les petits détails mais également les grands. Voyons donc les choses à travers ce nouveau prisme.

 

affiche saison 5 breaking bad

 

Sommaire

 

5/ Du mythe à la logique

 

6/ Le bon, la brute et le truand

 

7/ Vers l'infini et au delà

 

5/ Du Mythe à la logique.

 

a/ Gus Fring, Œdipe et l’image du père

 

Pour créer un nouvel être, il faut d’abord lui trouver un idéal à atteindre, un objectif à dépasser. Gus Fring est à Heisenberg ce que Dark Vador est à Luke Skywalker : une puissance à dépasser et à réorienter.

Gus apparaît comme un homme calme, détaché, courtois mais surtout, déterminé. En parallèle, il est un parrain influent dans le cartel de la drogue qui sévit autour d’Albuquerque. Sa vie privée n’existant plus, il n’a plus aucun frein à son ambition et tout ce qui est à l’œuvre pour créer Heisenberg à partir de Walter White a déjà opéré en Gus. Il est le héros d’une autre histoire, le résultat d’une autre mise en abîme et Heisenberg subit la soumission de Walter face à ce « père » encombrant.

En tant que père, Gus enseignera les rudiments du « business » à son fils spirituel, faisant jouer sa jalousie envers Jesse, montrant ici de l’encouragement et là de la sévérité.

En tant que fils, Heisenberg sait que toute la soumission qu’il éprouve envers ce père spirituel provient de Walter et que le seul moyen de tuer cette image est d’enterrer plus profondément encore son « (w)alter » égo.

La suite, ceux qui ont vu Breaking Bad la connaissent. Pour les autres, sachez que Breaking Bad va au bout des choses. Et lorsqu’il s’agit de traiter l’aspect œdipien de son personnage principal, aucun détail n’est oublié. Dans la légende, Œdipe tue son père, épouse sa mère et se crève les yeux.

 

Walt et gus

 

Mais revenons à Gus Fring. Breaking Bad est volontairement avare de détails à son sujet et pousse le vice jusqu’à faire dire à la brigade des stups locale que son passé n’existe pas avant son arrivée à Albuquerque. Pourtant, le spectateur est amené, au fil des flashbacks sur ce personnage, à l’identifier à Walter. En quelque sorte, Gus est le résultat d’une transformation réussie et assume pleinement l’homme libre qu’il est devenu, sans attache. Gus Fring est déjà devenu Heisenberg à sa façon, représenté par Einstein si vous vous souvenez de l’article précédent.

Cela implique donc une limite dans la conception des choses. Enstein était le patron en physique classique mais refusait de la dépasser par la physique quantique. Dans Breaking Bad, Gus Fring maitrise parfaitement son environnement mais ne va pas au delà de la vision qu’il en a lui-même et cela pourrait lui être fatal. Il est, de plus, toujours prisonnier d’une haine passée envers la famille Salamanca (nous reviendrons sur cela dans le prochain chapitre) et il se complait dans ce sentiment sécurisant qui lui donne toute sa puissance : celui d’avoir fait mieux que l’oncle Tio, son meilleur ennemi.

 

b/ Tout sur Gus

 

Avant de détailler davantage ce personnage, regardons ensemble ce qu’est l’équivalent du cancer de Walt dans la vie de Gus :

 

 

Procédons maintenant de la même manière que pour Walter White :

Vous vous souvenez, lors des deux articles précédents celui-ci, nous avions relié Heisenberg au baryum, Walter White au brome et Gus Fring à l’einsteinium. Nous voyons dans la séquence ci-dessus un autre personnage : Maximino Arciniega que l’on pourrait voir comme l’équivalent de Jesse dans la vie de Walt. Il n’en est rien.

 

Maximino Arciniega

 

Max est présenté dans l’extrait que nous avons vu comme un brillant scientifique et Gus comme l’expert en relations commerciales. De la même manière, Walter White est un brillant scientifique et Heisenberg est un expert en relations commerciales. Approfondissons les points communs entre les deux personnages.

Le nom Max Arciniega est déjà apparu dans la première saison de Breaking Bad, plus particulièrement dans les trois épisodes qui ont attiré notre attention dans les deux premières parties du dossier. Max Arciniega est le nom de l’acteur qui jouait Krazy 8, le “méchant” des trois premiers épisodes. Son nom était lié à l’élément chimique In, l’Indium, qui est, à l’instar du baryum et de l’einsteinium, un métal (consistant).

 

krazy8

 

Revenons au Max qui nous intéresse, celui du huitième épisode de la saison quatre. Ce dernier est interprété par James Martinez et ce nom est lié dans les crédits au néon. Tout comme le brome, c’est un gaz, volatile, inconsistant. Ce gaz donne, emprisonné dans un tube, une couleur rougeâtre, comme le sang que répand Max dans la piscine et comme la couleur du Brome, brun rougeatre.

La mort de ce personnage a créé le Gus Fring que nous connaissons, représenté par l’einsteinium au tableau périodique des éléments et ce dernier est, à l’instar du Baryum, un métal lourd, donc pesant, et né également d’une découverte liée à l’explosion atomique : si le Baryum est obtenu en bombardant de l’uranium avec des neutrons, on obtient l’Einsteinium en bombardant du plutonium avec des neutrons également.

Gus et Heinsenberg naissent donc de la même manière. L’un est représenté au générique par la fumée verte produite par le baryum, et l’autre par le sang de Max qui se répand dans la piscine. L’un est issu de la mort de son génie d’acolyte et l’autre du cancer du sien.

 

c/ Don Eladio et l’oncle Tio

 

Pour continuer à plonger dans l’univers de Gus Fring, et le lier définitivement à celui d’Heisenberg, nous devons également nous interesser aux deux “derniers boss” de l’univers de Gus Fring. Ils sont tous deux présents dans l’extrait que nous avons regardé et sont les deux ennemis ultimes de l’histoire de Gus.don eladio

Eladio Vuente, plus connu sous le nom de Don Eladio, est le grand chef d’un puissant cartel mexicain de la drogue : le “Ciudad Juarez Cartel”. Ce cartel controle le secteur d’Albuquerque dans lequel Gus essaie de se faire une place derrière l’enseigne de son restaurant “Los Pollos Hermanos”. Don Eladio et son cartel sont donc, dans la timeline de Breaking Bad, l’ennemi ultime à abattre pour Gus...

Encore une fois, tout ce qui tourne autour de Walter White dans Breaking Bad se rapporte à Walter White. L’oncle Tio n’était pas l’ennemi de Walter, il était l’homme de main de Don Eladio, l’équivalent de Mike Ehrmantraut (dont nous parlerons plus loin) pour Walter. Don Eladio était, quant à lui, l’équivalent de Gus lui-même dans les hommes à surpasser pour parfaire la transformation de Walter. Là ou les deux histoires diffèrent, c’est que Gus à commencé son histoire là ou Heisenberg devrait en toute logique la terminer, par l’élimination de l’aspect raisonnable et volatile de leur histoire : Walter pour Heisenberg, Max pour Gus.

A partir d’ici, ceux qui n’ont pas vu la série doivent arrêter de lire, nous entrons dans les spoils (partie en italique).

 

Nous savons ce qui est arrivé à Don Eladio et l’oncle Tio. Tout ce qui fait le génie d’Heisenberg est d’être parvenu à détruire tous ses ennemis en les retournant les uns contre les autres. Pour mémoire, voici l’extrait qui montre la simplicité apparente avec laquelle Gus s’est débarassé du Ciudad Juarez cartel :

 

 

Et voici maintenant l’extrait qui montre la simplicité avec laquelle Walter s’est débarassé de son pénultième ennemi :

 

 

En toute logique, si les deux histoires sont inversement parralèles (mort de Max/Walt, mort de don Eladio/Gus Fring, mort de Mike/oncle Tio, la conclusion de breaking bad devrait se solder par la mort symbolique de Walter White, au profit d’Heisenberg.

Pour conclure tout ce que nous avons vu sur Gus, s’il représentait en quelque sorte l’image oedipienne du père pour Walter, sa mort et la conclusion de la première partie de la cinquième saison laissent présager un nouvel objectif à atteindre pour Walter. Nous avons étudié l’objectif, parlons maintenant de l’échelle qui a servi à l'atteindre.

 

d/ Mike Ehrmantraut, Jacob et le droit d’ainesse

 

Nous quittons la mythologie grecque pour l’ancien testament et ses mythes, dont l’un en particulier va nous intéresser pour dresser le portrait d’un personnage dont le capital sympathie atteint des sommets auprès du public. Mike Ehrmantraut.

Avant donc de vous parler de lui, je voudrais vous conter ou vous rappeler l’histoire de Jacob et de son frère Esaü, le même Jacob qui a donné son nom à une échelle que les cinéphiles connaissent bien.

Jacob et Esaü sont les deux fils d’Isaac, lui-même fils d’Abraham, le premier patriarche de la Bible. Ils étaient jumeaux mais Esaü était né le premier. Or, à cette époque, le droit d’ainesse, c’est-à-dire le droit de premier né, prévalait sur tous les autres et le fils ainé héritait de tout ce qu’avait obtenu son père. Il devenait le nouveau patriarche. L’héritage d’Isaac leur père n’était pas n’importe lequel, c’était d’être choisi par Dieu pour donner naissance à la nation d’Israël. C’est donc Esaü l’ainé de quelques secondes qui, logiquement, devrait entrer dans l’histoire. C’était sans compter sur une ruse de Jacob, qui, alors que son frère meurt de faim en rentrant d’une chasse peu fructueuse, lui propose d’échanger son droit d’ainesse contre un bon plat de lentilles. Ce crétin d’Esaü se fait berner et Jacob devient le futur Israël, père des douze enfants qui seront chacun chef d’une des 12 tribus d’Israël. C’est en fuyant son frère, donc sous l’emprise de la peur, que Jacob rêve d’une échelle qui relie Dieu et les hommes, avec des anges, des messagers qui montent et qui descendent de cette échelle.

affiche du film l'echelle de jacob

Il y a bien des interprétations à cette parabole biblique et l’une d’elle, le film éponyme (L’Echelle de Jacob, sorti en 1990) présente l’aspect effrayant de « voir » cette échelle, d’avoir des hallucinations créées par la peur. Dans notre cas, ce n’est pas la peur liée à cette échelle qui importe, c’est Esaü, l’héritier légitime lui-même qui nous intéresse. Mike Erhmantraut est un héritier légitime de Gus Fring. Il est de ce fait une sorte de frère encombrant pour Heisenberg, dans la relation qui le lie à Gus. Nous reviendrons sur cette échelle plus tard.

L’histoire de Jacob et celle de Walter se rejoignent dans le dépassement de l’ainé. Elle est un complément de l’Œdipe précédemment évoqué, le frère est plus délicat à traiter, on s’y attache, on s’y reconnait, on le respecte, il n’est pas inaccessible mais utile bien des fois. L’avantage de Mike sur Walter c’est qu’il est entré au service de Gus bien avant Walt. Il a bien plus de bouteille, de vécu, et surtout, il a trempé dans tous les aspects de l’histoire de la série. Il est donc utile mais dangereux, vu qu’il est l’ainé dans le cœur de Gus. Walter sait que tôt ou tard il devra s’en débarrasser.

Encore une fois, ceux qui ont vu la série connaissent le développement de cette intrigue, qui donne elle aussi lieu à des instants d’une profondeur insondable. Parce que ce qui rend le personnage si attachant tient dans sa dualité avec Walter. Si l’un cherche désespérément à devenir Calife à la place du Calife, l’autre n’attend rien. Il est dévoué à Gus aveuglément. Son nom encore une fois, n’est pas choisi au hasard. Il apparait pour la première fois dans l’épisode sus nommé Crawl Space (le 4x11) et signifie en allemand homme d’honneur, loyal.

 

Mike Ehrmantraut

 

e/ L’échelle de Jacob

 

Ce qu’il y a de bien avec la mythologie, c’est qu’elle autorise toutes les digressions imaginables sur l’âme humaine. Jacob et son échelle sont le troisième cas de la mythologie judéo-chrétienne où un frère est mis en avant au détriment de l’autre, et ce contre tout déroulement logique des choses. Les trois premiers enfants d’Adam et Eve sont dans le même cas : Cain tue Abel pour une obscure histoire de jalousie et c’est Seth qui hérite de la descendance messianique.

 

(Attention spoil en italique) : On pourrait relier cette histoire à l’oncle Tio tuant Gus et c’est Walter qui hérite du marché d’Albuquerque.

 

Puis c’est l’histoire d’Isaac et Ismaël qui reprend le même principe. Ismaël nait en premier, mais suivant la confession religieuse à travers laquelle on lit l’histoire, c’est Isaac qui est choisi ou bien son frère.

Enfin, comme nous l’avons vu, c’est Esaü, l’ainé, qui sert d’échelle à son frère pour que ce dernier devienne l’héritier légitime.

Mike est donc tout au long de la série, non pas un ennemi pour Walter, comme Gus pouvait l’être, mais une échelle qui lui permettra d’atteindre l’homme à abattre. On peut d’ailleurs noter que pour Heisenberg comme pour Gus, l’élimination du “frère” (oncle Tio/Mike) n’est plus qu’un détail une fois le “père” (Don Eladio/Gus) éliminé.

 

Mike

 

f/ Astate

 

Mike est interprété par Jonathan Banks et cet acteur est lié dans les crédits à l’élément chimique Astate. Celui-ci est un halogène, comme le brome, et peut former des liaisons ioniques avec le sodium (Skyler) comme le brome. Il est produit, comme le brome encore, par la désintégration du noyau d’uranium et son nom signifie “instable” (brome signifie puant).

Ce qui le différencie du brome est sa courte durée de vie, sa lourdeur et le fait qu’il soit solide et non liquide à l’état ordinaire.

D’une certaine manière, Mike est donc l’élément qui vient remplacer Max dans la vie de Gus. Il est son aspect volatile : Mike n’a pas d’objectif précis, il exécute les ordres, tout comme Walt exécute finalement les ordres d’Heisenberg. Ainsi, tant que Mike ne lie pas Gus par un sentiment d’attachement familial quelconque, il ne représente aucun danger. Tout ce qui intéresse ce personnage est sa propre survie, celle de Gus et celle de sa petite fille, Kaylee, qu’il va voir en secret.

Maintenant entrons dans les spoilers (toujours en italique) :

Il est intéressant de noter que l’épisode dans lequel Mike meurt est celui qui s’intitule “Say my name” (s05e07)... Cet épisode est celui qui commence par la punchline de Walt dont nous avons vu la vidéo dans un précédent dossier. Au moment ou Walt répond : “You're  God damn right”, il imprime son nom et son existence dans l’histoire de Breaking Bad. Il n’est plus juste une légende. En l’éliminant, Heisenberg élimine un équivalent de son double encombrant et né de ses cendres. Encore une fois, l’ultime meurtre reste à venir...

 

g/ Heisenberg , l’antéchrist et Icare

 

N’ayez crainte, nous n’allons pas parler de satanisme vu que nous ne faisons qu’analyser. L’antéchrist, c’est étymologiquement le contraire du Christ, le messie occidental. Le messie occidental et le messie oriental ne sont pas les mêmes. Si les visions bouddhistes et islamiques voient l’accomplissement messianique comme la délivrance d’un message, depuis Jésus Christ, chez nous, cela s’accompagne obligatoirement d’un sacrifice. Jésus meurt, l’anneau tombe dans le Mont du Destin, Luke perd sa main et apprend que son père est le mal incarné, Néo meurt, Bruce Wayne meurt symboliquement pour devenir Batman, Clark Kent souffre en permanence de sa double identité, Paul Atréide est exclu par les Harkonnens, etc…

 

luke : nooooooo!

 

Autrement dit, le mythe du messie et du sacrifice pour laisser un message positif est régulièrement abordé et ce dans tous les arts. Le mythe de son contraire est bien plus difficile et douloureux à développer. Breaking Bad en est une preuve magistrale. Choisir à chaque rupture, à chaque échec cuisant, la non remise en question, la persistance dans la foi en l’égo pour un homme qui s’est construit une vie de famille, ça ne se fait pas du jour au lendemain. L’élévation inversée du mythe, c’est-à-dire la fermeture totale aux autres pour devenir un électron totalement libre, sans l’aide de personne, est une chose aussi difficile que l’élévation elle-même

Elle est en fait représentée par le mythe d’Icare. Le héros veut atteindre la source d’énergie initiale, la puissance ultime, le père indestructible, le soleil. Mais il ne veut l’aide de personne, il fabrique ses ailes et s’envole. Quand vient l’heure de l’ultime épreuve, celle du feu, autrement dit du changement, les ailes fondent et Icare s’écrase. Icare est stupide mais il représente bien la difficulté que représente l’élévation sans l’aide des autres. Le sacrifice pour soi et uniquement pour soi suppose une maîtrise parfaite de toutes les règles du jeu : physiques, chimiques, sociales, familiales, psychologiques, mythologiques, etc. Breaking Bad présente l’histoire d’un homme qui tente par tous les moyens de s’affranchir de toutes les règles du jeu. De devenir un homme libre par la voie du mal. Nous avons étudié la dualité du héros jusquà maintenant (Walter/Heisenberg, Walter/Jesse, Heisenberg/Gus, Heisenberg/Mike, Gus/Eladio, Gus/oncle Tio, etc...), mais le final, étrangement, se présente davantage comme un duel à trois...

Et cette série n’est pas la première à traiter du sujet avec autant de brio…

 

6/ Le Bon, la Brute et le Truand

 

Si Highlander nous rappelle qu’à la fin, il ne doit en rester qu’un, le Bon, la Brute et le Truand entérine les trois voies de l’accomplissement du héros solitaire (avoir un « pistolet chargé »). Bon, Brute et Truand. Examinons-les ensemble.

 

a/ Le Bon : Hank Scharder

 

Le bon est solitaire mais juste. Il s’attire la sympathie de la veuve et de l’orphelin et persiste dans ce qu’il pense juste, et ce, peu importe l’objectif. Si Clint et son Blondin incarnaient parfaitement la voie du Bon, Dean Norris n’a pas à rougir de son Hank Schrader.

 

 

Hank est droit comme la justice. Il ne cherche pas à détruire le cartel, il croit en ce qu’il fait et l’accomplit humblement. Cela constitue toute la force de ce personnage qui aurait pût être le héros de cette histoire si l’on avait présenté les choses différemment. Il n’a besoin de personne mais attire la sympathie non seulement du public, mais également de ses proches. Il est le héros classique, intelligent, déterminé, juste et humble.

 

Blondin

 

Mais tout bon qu’il soit, Hank n’est pas le seul “bon” de l’histoire. il est celui vers lequel nous nous tournons pour la conclusion finale mais toute l’histoire de Breaking Bad est parsemée de ce modèle de personnage.

Blondin vit au dépend de son parasite, le truand (Tuco) et lorsque le contrat qui les lie est rompu, c’est Tuco qui manque de prendre l’avantage. De la même manière, lorsque Tuco et Blondin se révèlent leur secret, Blondin ralentit sa chevauchée vers le cimetière du duel à trois final pour aider un mourant confédéré. Le manichéisme du film et l’intelligence de Blondin en font un bon gagnant, mais ce schéma de personnage n’est pas forcément celui du vainqueur pour peu que l’on enlève l’aspect moral d’une histoire. Il montre un homme emprisonné par sa morale et n’est donc pas plus libre que le truand et la brute..

 

b/ La brute : Heisenberg

 

Le Sentenza de Sergio Leone est un personnage fascinant. Il incarne un rival dangereux car exactement égal à Blondin. sentenzaSans pitié, intransigeant et obstiné, il poursuit également un but et c’est ce qui lui donne toute sa force : l’argent. Sa force réside dans la matérialité de son objectif et il est aussi charismatique que le bon.

Walter White étant « mort » dans le sac qu’on a envoyé dans la rivière au début de l’histoire (the cat’s in the bag and the bag is in the river), Heisenberg tient le rôle de la brute. Son objectif est clair : l’argent et le pouvoir. Bien que ne disposant pas du capital sympathie propre au bon, la brute déstabilise par son manque d’humanité. Rien ne l’arrête et cela rend ce personnage plus dangereux que le bon lorsque l’on enlève tout l’aspect moral de l’histoire : si la brute n’a pas la morale avec lui, il a la liberté... Sentenza n’est ni ralenti par sa générosité, ni gêné par son rapport au truand.

Il serait par conséquent hasardeux de croire que Hank sera le vainqueur du duel à trois final car rien n’empêche de penser que la brute Heisenberg n’inversera finalement pas les rôles.

 

c/ Le Truand : Jesse/Walter

 

Le truand est aussi doué que les autres mais il n’a d’autre but que de les parasiter, c’est-à-dire de profiter de leurTuco richesse ou de leur gloire. Tuco, le truand de Leone, vit à la solde de Blondin. Il se livre aux autorités pour que ce dernier empoche la prime et le libère. Il est donc entièrement soumis à la volonté des autres mais est un élément capital dans l’équation finale. Lorsque le truand de Leone devient un élément libre, il apparait dangereux pour Blondin. De la même manière, Jesse semble bien souvent dangereux pour Walter lorsque leur relation se fragilise car il sait tout ce dont est capable Heisenberg. Malheureusement pour lui et à l’instar du Tuco de Leone, au moment où il a son pistolet chargé en direction de Walter, il cède aux manipulations de ce dernier.

 

Jesse Pinkman évolue, en bon truand, aux côtés de Walter White depuis le début de la série. Il est le personnage le plus mystérieux et le plus insaisissable. On ne sait pas ce qu’il sait et par conséquent, on ne sait pas ce qu’il mijote pour le final. Toujours est-il qu’en suivant le schéma que propose la série, Jesse est allé des deux côtés de la barrière et ce, de lui-même. Il est tombé amoureux, et il a tué. Et il s’est remis en question à chaque sacrifice. Il ne serait pas étonnant de voir ce truand, parasite apparent, sortir vainqueur du duel à trois final. Parce que son pistolet semble aussi chargé que celui de ses deux compères.

Nous pouvons également penser à Walter dans le rôle de truand, ce qui mettrait définitivement Jesse hors jeu et donc totalement libre de toute influence. Il est possible que Breaking Bad respecte finalement le schéma de Leone... Heisenberg la brute meurt, tué par Hank le bon, et c’est Walter White qui creusera en prison...

 

d/ Les autres bons, brutes et truands

 

Dans les schémas de personnages que nous venons d’évoquer, nous pouvons inclure Walter White, qui est le bon quand Heisenberg est la brute et Jesse le truand. Nous pouvons également inclure Max Arciniega en bon quand Gus est le truand et Don Eladio la brute.

On peut continuer comme cela pour tous les trios qui se sont formés dans la série. Le plus marquant étant Tuco, le neveu de l’oncle Tio qui prend la place de truand entre Heisenberg et Hank au début de la série. Il se fait tuer alors qu’il recharge son arme lors d’un duel contre Hank. Il n’avait pas son pistolet chargé et Hank... si.

Ce n’est pas la brute qui s’est faite abattre... Heisenberg continuera de creuser la tombe de Walter White tant qu’aucun pistolet chargé ne l’en empêchera.

Il ne reste plus qu’à ouvrir les paris sur les deux catégories qui divisent finalement le monde de Breaking Bad : qui aura le pistolet chargé ? Qui creusera ? Et du coup, qui va mourir ? La conclusion de la mi-saison 5 porte à croire que la morale revient. Hank semble avoir compris qui est le véritabkle Heisenberg, tout comme Blondin savait quelle était la tombe ou il fallait creuser quand Tuco savait où était le cimetière.

 

Tio Salamanca

 

7/ Vers l’infini et au-delà…

 

Breaking Bad est une œuvre d’art. Un chef d’œuvre de ce dérivé du septième art qu’est la série télévisée. Comme tous les chefs d’œuvres, il existe une infinité de possibilités d’exploration et d’analyse. Comme toutes les œuvres majeures, la série brasse avec beaucoup de talent tous les thèmes qui entrent en compte dans l’exploration de l’âme humaine.

Vous l’aurez remarqué, nous avons très peu évoqué la technique. Et en même temps, les plus observateurs d’entre vous savent qu’une œuvre dans laquelle aucun détail n’est oublié est réalisée, écrite et interprétée avec bien plus de conviction qu’une simple œuvre commerciale. Nous aurions pu parler des séquences de pré-générique inspirantes, des myriades d’idées de réalisation que la série présente, mais tout cela semble couler de source tant le sujet est maitrisé par Vince Gilligan.

De notre humble avis, Breaking Bad est une œuvre que tout amateur de série TV doit garder en mémoire et conserver dans sa collection. Si un épisode parait ennuyeux, c’est bien souvent parce qu’un détail nous échappe, mais il n’y a pas une pièce du puzzle qui n’amène inexorablement à l’accomplissement de Walter White.

Malgré toutes les allégories et les digressions que nous venons de traiter autour de cette série, nous n’avons fait qu’ouvrir des pistes. Les mythes de la création biblique d’Adam et Eve, de Prométhée, du diable et du purgatoire auraient pu être abordés. Nous aurions pu entrer dans le détail sur d’autres personnages comme Tuco ou les jumeaux mexicains, parler de la transformation physique de Walter White après la métamorphose Heisenberg ou encore consacrer un chapitre entier à l’oxygène de l’histoire (au générique), Saul Goodman, qui donne mine de rien le liant de toutes les intrigues.

Nous aurions pu aussi constater qu’à l’instar de ces bandes dessinées qui formaient un dessin quand on collait la tranche de tous les albums, même les titres des épisodes montrent quels sont les épisodes importants pour l’histoire et quels sont ceux qui sont consacrés à l’approfondissement des personnages. Par exemple, les épisodes 1, 4, 10 et 13 de la seconde saison donnent une indication sur ce qu’il se passe à la fin de cette saison. En mettant leur titre bout à bout, on obtient « 737 down over ABQ » autrement dit un Boeing 737 va s’écraser sur Albuquerque.

Enfin, nous aurions pu scruter l’histoire à travers les mythes sanscrits relatifs au cycle, le Mandala, le Yin et le Yang et nous serions toujours retombés sur nos pattes, comme le chat de Schrödinger. Cela demanderait un travail infini et un roman de plusieurs tomes pour détailler tout ce qu’est et devient Breaking Bad.

Ce monument de la télévision revient le 11 août pour se terminer par un énigmatique « Felina » le 29 septembre. Pour participer au soupir de soulagement mondial que représentera ce point final, nous vous donnons rendez-vous sur Série-All pour débattre de nos critiques sur les 8 derniers épisodes d’une série qui représente à elle seule ce qu’il s’est fait de meilleur ces 6 dernières années en matière de série TV.

En espérant vous avoir donné envie de plonger ou de replonger dans ce show, les paris sont ouverts et la parole est à vous…

 

 

Le Bon ? La Brute ? Ou… le Truand?

L'auteur

Commentaires

Avatar ndanan2212
ndanan2212
Fe Li Na(3 éléments) pour le titre de l'épisode de finale Breaking Bad, ça rapporte à quoi?

Avatar Scarch
Scarch
Putain, mais c'est pas con du tout ça. Je vais regarder.

Image Breaking Bad
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