Place aux jeunes
Le cold-open de "Babylon" est assez long, et nous plonge dans une atmosphère assez pesante, puisqu’on suit un Musulman se préparant pour quelque chose. En ces temps troubles, on se doute de ses sombres desseins. Dans une scène bien sentie, on est soufflé par la conclusion d’une violence directe, assez rare dans la série. Un discours politique fort, d’autant plus surprenant qu’il vient s’intégrer, encore une fois, dans une saison qui a peu de temps pour marquer son public. Nous retrouvons ainsi Mulder et Scully dans leur sous-sol, et deux nouveaux agents, Miller et Einstein, se présentent à eux. C’est le moment pour Scully de faire référence au pilote dans une ligne de dialogue très nostalgique, mais un peu bancale quand on sait que la première rencontre entre Mulder et Scully a eu lieu en mars 1992, pour un pilote diffusé en septembre 1993. Une incohérence sur laquelle Chris Carter n'est jamais revenu.
Cependant, on peut penser que Carter a une idée derrière cet épisode. Pendant les premières minutes, on sent que l’épisode va partir sur une étude de l’identité de la série à travers deux agents, représentant un miroir rajeuni de Mulder et Scully. Mais "Babylon" joue sur des tableaux trop différents, il y a des thématiques brossées qui ne permettent pas une critique juste et définitive de l’épisode. Que les fans de la première heure se rassurent. À l’instar des épisodes précédents, Chris Carter n’oublie jamais de leur glisser des petites attentions bienvenues. Si les clins d’œil manquent parfois de légèreté – les deux jeunes agents sont des copiés-collés de Mulder et Scully, jusque dans leur personnalité – la série se permet un hommage sympathique aux Lone Gunmen. Mitch Pileggi fait un retour trop discret dans le costume de Walter Skinner, et l’on espère seulement que toute la générosité visible depuis le début du revival aboutira à une onzième saison qui saura, et pourra, prendre son temps.
Étrange et déroutant
Entre terrorisme, au-delà, croyances et ouverture d’esprit, l'épisode est à l’image d’une saison 10 qui falsifie l’identité de la série, en proposant des épisodes coincés entre plusieurs tonalités et thématiques. "Home Again" tranchait dans le vif avec deux histoires qui semblaient différentes, et "Babylon" joint maladroitement des intrigues un peu trop forcées. On passe d’un acte terroriste à un trip hallucinogène peu crédible, qui tranche avec le ton de l’enquête. Même six personnages de l’univers X-Files, dont Einstein, sont ridiculisés et perdent leur charisme, avec cette scène sortie du cerveau un peu trop dérangé de Carter. Le créateur a écrit peu d’épisodes décalés, mais a écrit des chefs-d’œuvre, comme "Prométhée post moderne" (saison 5, en noir et blanc) ou "Les Amants Maudits" (saison 6) qui étaient bien dosés. Il a commis "Doubles" (saison 7) considéré comme un des plus ratés de la série. "Improbable" (saison 9) est un cas étrange.
"Improbable" reste un épisode qui divise les fans. Coup de maître ou coup d’épée dans l’eau, l’épisode rejoint "Babylon" dans la tentative de fournir un script au message fort, mais à l’impact inexistant. En parlant musique, c’est encore surprenant de voir X-Files terminer par une chanson pop connue ("Ho Hey" des Lumineers). On s’était habitué à du Moby en saison 7 ou à des standards. Encore une fois, X-Files pointe son nez vers une modernité un peu accessoire, déroutante, qui réveille notre fibre critique. Ce n’était pas l’un des pires épisodes de la série, mais pas le meilleur de cette saison. Nous sommes pris entre deux courants critiques. La scène finale est plutôt apaisante, comme si la musique donnait un air moderne à la série, une atmosphère détendue et sûre d'elle. Revenir sur une note de poésie avec ce son venu d'ailleurs est peut-être la touche qu'il fallait pour donner un autre regard au message de cet épisode.
L’épisode reste tout de même une proposition audacieuse, au sein d’une saison qui se risque à vouloir trop donner en trop peu de temps. Qu’une série fantastique porte un message aussi audacieux sans en oublier son essence, c’est l'idéal. Il lui manque juste de la rigueur scénaristique, quand la rigueur morale, elle, est de toutes les images. Mais le caractère hautement transgressif de l’ensemble laisse apparaître une force de création qu’il convient de soutenir, pour espérer la voir un jour reprendre sa pleine mesure. "Babylon" est-il un chef-d’œuvre incompris qui sera mieux accueilli dans quelques années ? Est-il un épisode foncièrement raté qui prouve que Carter ne peut pas rivaliser avec Darin Morgan ou Vince Gilligan ?
Un épisode qui démarre avec de bonnes intentions, mais part dans tous les sens pour livrer un résultat parfois incohérent. Le point de départ est audacieux et intéressant, le problème étant que tout finit par dérouter le spectateur à force de vouloir jouer sur tous les tableaux. Toujours est-il que l'on ne s'ennuie pas, en espérant que le season finale – suite directe du season premiere – soit à la hauteur des attentes.
J'ai aimé :
- Le choc des générations Mulder/Scully - Miller/Einstein.
- Une thématique contemporaine et assez bien développée.
- Quelques clins d'œil bien placés.
Je n'ai pas aimé :
- Un épisode qui en dit trop pour pas grand chose.
- De nombreux passages qui laissent perplexe.
- Un manque de rigueur scénaristique.
Ma note : 12/20.