Le 3 mars dernier a débuté sur la chaîne américaine History la série « Vikings », qui nous racontera l’épopée de Ragnar Lordbrok, ce héros viking qui d’après la légende guida son peuple vers nos vertes prairies de France et d’Angleterre, où ils laissèrent le souvenir inoubliable que l’on sait.
Aux commandes se trouve Michael Hirst, un scénariste anglais habitué des fictions historiques à gros budget mais pas toujours très fines (The Tudors, The Borgias, Camelot, etc…)… de quoi craindre le pire ?
Une série opportuniste ?
Alors que la troisième saison de Spartacus bat son plein et que Game of Thrones revient dans quelques semaines, l’apparition d’une nouvelle série sur les vikings pourrait s'interpréter comme une manière de capitaliser sur la popularité actuelle des massacres virils « à l’ancienne » et des ambiances médiévales. La campagne de pub « a storm is coming » visait d’ailleurs très clairement les fans de Game of Thrones en faisant directement référence à son slogan « Winter is coming ».
Pourtant, à la vue de ce pilote très réussi, il est évident que cette nouvelle série a l’ambition d’être bien plus qu’une pâle copie…
Oh, il y a des similarités avec Game of Thrones (les corbeaux, la décapitation vue à travers les yeux d’un enfant, …) ! Mais certaines sont inévitables : il n’est en effet un secret pour personne que G.R.R. Martin, l’auteur du roman sur lequel est basé Game of Thrones, s’est inspiré des coutumes vikings pour créer son peuple des fer-nés, rude peuple de navigateurs vivant de pillages et menés par la famille Greyjoy– et que ses peuples du nord ont également une parenté avec les vikings.
Mais ce pilote a une identité suffisamment forte pour que ces similitudes ne dépassent jamais le stade de simples points communs anecdotiques.
Lagertha (Kathryn Winnick) , épouse farouche de Ragnar
On aurait également pu craindre que « Vikings » ne lorgne trop vers le racolage « à la Spartacus » (série que j’aime beaucoup au demeurant). En effet, il l’a prouvé à de maintes reprises, Michael Hirst aime la démesure, pas toujours de très bon goût – et connaissant la réputation pour le moins « virile » de nos blonds voisins du nord, on pouvait craindre que la série ne mise sur le sexe, la violence et le spectaculaire…
Eh bien, aussi étonnant que cela puisse paraître, il n’en est rien : ce pilote contourne les clichés bourrins qui collent à la peau des vikings, et ne contient plus de scène racoleuse une fois passées les deux premières minutes (d’ailleurs ratées). Par la suite, il n’y a plus ni sexe, ni violence gratuite, ni de scène de fanservice magnifiant la beauté des acteurs –alors qu’il y aurait matière !
L’épisode impose d’emblée une identité visuelle sobre et forte, un rythme calme et introspectif, limite contemplatif par moment. Alors bien sûr les amateurs d’action (et de cul) seront probablement déçus, mais j’ai pour ma part trouvé cette ambiance de bon goût, originale et envoûtante.
Un héros charismatique
Outre cette ambiance, s’il fallait retenir une seule chose de ce pilote, ce serait son héros : Ragnar est en effet de tous les plans, ou presque, et promet d’être un personnage fascinant.
Ragnar, c’est un peu Thorgal version blond aux (magnifiques) yeux bleus : un homme courageux, à la fois guerrier et fermier, bon père de famille et époux aimant d’une femme de caractère, béni des dieux (ou tout du moins persuadé de l’être – il voit Odin partout !)… mais Ragnar, c’est aussi un peu Christophe Colomb, un rêveur qui voudrait explorer les mers de l’ouest contre l’avis de tous ou presque, et qui serait prêt à tout pour cela – y compris abandonner sa famille et s’opposer à son chef…
Ragnar (Travis Fimmel)
Mais surtout, Ragnar c’est Travis Fimmel. Personnellement avant de regarder « Vikings » je n’avais jamais entendu parler de cet acteur australien. J’ai donc fait mes recherches, et j’ai découvert qu’il était surtout connu… pour avoir posé pour les sous-vêtements Calvin Klein ! Sa plastique parfaite a d’ailleurs manifestement laissé un souvenir mémorable si j’en crois mes recherches sur google image (oui, j’ai beaucoup souffert en faisant des recherches pour cet article… !).
Mais loin d’être juste une (très) belle gueule, c’est surtout dans ce pilote un acteur excellent. Il interprète Ragnar avec beaucoup de subtilité et en fait un homme charismatique et attachant, mais aussi étrange, ambigü et mystique, qui observe le monde avec en permanence un sourire plein de dérision aux lèvres…
Face à lui, on trouve une galerie de personnages secondaires prometteurs même si encore peu développés. Si j’attends encore d’être convaincue par le Jarl Haraldson (Gabriel Byrne) ou par Rollo, le frère de Ragnar, en revanche la femme de Ragnar (qui me rappelle un peu Scarlett Johanson, mais j’ai peut-être fumé…) et Floki le bâtisseur de bateau qui parle aux arbres promettent d’être charismatiques eux aussi, et hauts en couleur.
Les vikings, un peuple barbare ?
L’autre aspect qui m’a passionnée dans ce pilote, c’est la façon dont est dépeinte la culture viking. Oh, attention, il ne faut surtout pas prendre cette série comme un documentaire : Hirst a la réputation d’être assez cavalier avec la réalité historique !
Mais, même s’il n’est pas exact (mais vu qu’il s’agit d’une légende, est-ce si grave ?), le monde qui nous est dépeint est extrêmement crédible, et met en avant des aspects de la culture viking qui sont assez éloignés des stéréotypes. Plutôt que de mettre l’accent sur leur image habituelle de guerriers sanguinaires, la série s’attache à nous montrer une société rude mais organisée, régie par des lois strictes, et peuplée essentiellement de fermiers superstitieux. Certes, ces fermiers se transforment en guerriers de temps en temps, le temps de piller les côtes voisines pour mettre un peu de beurre dans les épinards, mais ils sont pour le moment essentiellement pacifiques.
Floki (Gustaf Skarsgard)
Et, surtout, la série met l’accent sur l’aspect à mon avis le plus fascinant de la culture viking : leur âme d’explorateurs et leur génie de la navigation. Avant l’an 1000, les vikings avaient en effet établi des colonies en Islande, au Groënland (ils sont fous ces vikings !) et découvert l’Amérique. La série choisit de raconter les prémices de ces grands voyages, alors qu’ils n’avaient encore jamais osé naviguer en direction de l’ouest – j’ai adoré la scène où Ragnar explique à son frère Rollo l’invention simple mais géniale qui lui permettra de naviguer à lattitude constante, et la pierre de soleil (l’anecdote est d’ailleurs vraie : on a réellement trouvé de ces cristaux de calcite dans des bateaux viking).
En choisissant d’emblée de placer la quête de Ragnar sous le signe de l’exploration et de l’aventure et non de l’exploit guerrier (du moins pour le moment, j'imagine que ça changera), ce pilote se démarque de 99% des œuvres de fiction sur les vikings. Et rien que pour ça, la série s’annonce passionnante à suivre !
J’ai aimé
- L’interprétation de Travis Fimmel dans le rôle de Ragnar
- Que la femme de Ragnar sache se défendre toute seule (oui je sais je suis prévisible)
- Les scènes autour du Thing
- Voir des vikings autrement qu’en barbares sanguinaires
- Les paysages splendides
- L’aspect mystique, présent mais discret
- La scène de la « boussole » et de la pierre de soleil
J’ai moins aimé
- Quelques petites maladresses de réalisation
- Quelques personnages qui peinent encore à convaincre
Note : 14/20
Un pilote très attachant et original qui contourne les clichés sur les vikings et présente un héros charismatique dans une quête pleine de promesse – il ne reste plus qu’à espérer que la suite de la saison transformera l’essai.