Chaque saison d’American Horror Story, c’est un peu comme un cadeau que l’on est pressé de déballer. À chaque fois, on est presque toujours certain d’y découvrir une excellente surprise. Cette quatrième saison ne semble pas vouloir échapper à la règle. Après la maison hantée, l’asile de fou et le couvent pour jeunes sorcières, la série nous transporte cette fois-ci en plein cœur des Freak Show, ces petits spectacles où étaient exposés des monstres humains. Suite à ce premier épisode, un constat s’impose alors et il semble que Mr Murphy soit vraiment très doué pour faire des cadeaux.
Un univers passionnant
Avec American Horror Story Freak Show, Ryan Murphy affirme toujours plus son goût prononcé pour le fantastique, les univers macabres et les monstres en tout genre. La seule différence, c’est que cette fois, il décide de placer son intrigue dans un univers vraiment passionnant, et qu’on a rarement l’habitude de voir au cinéma ou à la télévision. Si on pense instantanément à des films comme It de Tommy Lee Wallace ou Freaks de Tod Browning dont on trouve des références ici et là au cours de l’épisode, le sujet reste suffisamment passionnant, rare et original pour attirer l’attention… Même s’il paraît évident que ce concept ne s’adressera sûrement pas à tout le monde, on a du mal à voir comment les fans de la première heure pourraient ne pas apprécier cette nouvelle aventure.
D’autant plus que la série est toujours aussi bien produite. Les décors, les costumes et les maquillages sont vraiment convaincants et facilitent clairement notre projection dans cet univers glauque, sombre et terrifiant qui prend place dans les États-Unis du début des années 50. Côté réalisation, c’est Ryan Murphy lui-même qui prend les commandes et dans l’ensemble, on peut dire qu’il assure le job. Comme toujours, l’épisode est agréable à regarder et la qualité est une fois de plus au rendez-vous.
Comme c’est souvent le cas dans American Horror Story, le jeu sur les couleurs et les lumières est une réussite. Le spectateur se retrouve ainsi plongé dans un monde bourré de contrastes. Les couleurs chaudes et enfantines du cirque et des extérieurs viennent s’entrechoquer avec les couleurs froides et austères de l’hôpital et de certains intérieurs. L’image se retrouve ainsi contrariée autant que la psychologie des protagonistes qu’elle présente et qui, pour la plupart, sont constamment tiraillés entre le bien et le mal, leur humanité et leur monstruosité, leur innocence et leur culpabilité.
Au final, on est face à un épisode esthétiquement réussi, aussi agréable pour les yeux que pour les oreilles. En effet, la musique participe grandement à l’élaboration de cet univers étrange en même temps que d’en renforcer la dimension oppressante. Sur ce point, il n’y a pas grand-chose à redire et le contraire aurait été très surprenant. Après tout, s’il y a bien une chose sur laquelle on ne peut pas douter à propos de cette série, c’est bel et bien de sa qualité esthétique.
Une intrigue (étrangement) cohérente
Si American Horror Story est toujours parvenu à proposer un univers esthétique de qualité, ça n’a pas toujours été le cas de ses intrigues qui très souvent ont la fâcheuse tendance à s’emmêler les pinceaux. Pour exemple, on se souviendra que les deux précédentes saisons, Asylum et Coven, s’étaient progressivement perdues au milieu d’une multitude d’intrigues secondaires et pas toujours pertinentes, rendant leurs propos parfois trop confus pour être réellement captivants.
En découvrant ce premier épisode de Freak Show, on ne peut qu’être surpris de découvrir une intrigue étonnamment fluide, simple d’accès et cohérente. L’histoire est celle d’Elsa Fraülein qui tente de réaliser son rêve de devenir une grande vedette en essayant par tous les moyens de maintenir à flots son « cabinet des curiosités ». Pour y parvenir, elle recrute deux sœurs siamoises incarnées par une Sarah Paulson plus épatante que jamais. Elle voit ces deux créatures comme des sauveuses et espère qu’elles attireront plus de monde. Au même moment, un clown terrorise la ville en commettant des meurtres et des enlèvements, ce qui a le don de pousser les autorités à s’intéresser d’un peu trop près au cirque d’Elsa.
Le scénario évite les rebondissements inutiles et ne cherche aucunement à nous embrouiller. Bien entendu, ce n’est que le premier épisode et il y a de fortes chances pour que la série retrouve ses vieux travers au cours des prochaines semaines. Mais pour le moment les personnages et les enjeux sont établis de manière claire et précise. On ne peut que saluer cette initiative qui rend le récit cohérent et encore plus intéressant et palpitant. Cependant, force est de constater qu’à trop vouloir prendre le temps de poser les bases de son récit, l’épisode n’évite pas quelques longueurs, qui heureusement, ne gâchent jamais le plaisir de la découverte, et c’est bien là l’essentiel.
Du côté des thématiques, on devine assez rapidement là où la série veut nous emmener. La monstruosité humaine semble être l’un des ressorts dramatiques du récit et l’inspiration penche clairement du côté du film de Tod Browning précédemment cité. Comme le réalisateur américain des années 30, les « freaks » forment une communauté solidaire et l’idée est de présenter des individus rendus monstrueux par les humains eux-mêmes et par leur peur de l’autre et de l’inconnu. L’une des scènes finales de l’épisode au cours de laquelle les « Freaks » organisent un rituel sanglant va dans ce sens. Alors qu’ils aspirent à être considérés comme autre chose que des monstres et qu’ils ne supportent plus d’être perçus comme tels, ils commettent un acte qui les fait définitivement basculer dans la pure monstruosité.
Des personnages fascinants
L’une des grandes forces de la série a toujours été les personnages qu’elle s’emploie à mettre en scène et qui sont souvent passionnants. Ils permettent toujours d’aborder des thématiques pertinentes allant de la maternité au racisme, en passant par les liens mère-fille, la vieillesse ou encore le nazisme. Cette quatrième saison nous réserve, elle aussi, son lot de protagonistes captivants.
Parmi eux, on retiendra forcément Elsa Fraülein, la propriétaire de cette caravane de l’étrange, interprétée par la sublime et talentueuse Jessica Lange. Rien que pour sa prestation volontairement anachronique du « Life on Mars » de David Bowie, cet épisode vaut le détour. La chanson correspond bien à la psychologie du personnage et si on sait passer outre l'anachronisme, on prend plaisir à regarder ce petit instant musical (même s'il apparaît évident qu'il ne faudra pas en abuser à l'avenir). L’actrice trouve ici un rôle à sa hauteur lui permettant une fois de plus de démontrer tout l’étendue de son talent. Elle incarne une femme complexe et ambivalente, à la fois passionnée et obstinée, gentille et effrayante, enjouée et triste. Elle aussi a sa part d’ombre et derrière son apparente bienveillance envers les monstres, elle cherche avant tout à accomplir sa propre destinée. La dernière scène au cours de laquelle on découvre ses véritables intentions et son handicap est vraiment touchante.
Autres personnages intéressants de cet épisode : Bette et Dot, les sœurs siamoises engagées par Elsa pour inverser la situation délicate dans laquelle se trouve le cirque. Elles sont interprétées par Sarah Paulson et l’actrice se révèle bluffante en jouant brillamment deux rôles complètement opposés, puisque les deux sœurs n’ont ni le même caractère, ni les mêmes envies et encore moins les mêmes sentiments. L’une est coincée, sérieuse et renfermée sur elle-même, l’autre est sociable, joyeuse, souriante et veut profiter de la vie. Certes, on est dans la caricature, mais cela ne dérange pas vraiment étant donné le contexte dans lequel elles évoluent et cela a même tendance à enrichir le propos de l'épisode. Chacune d’elle a son propre avis sur la nouvelle vie que leur offre Elsa et si pour l’une il s’agit d’une descente aux Enfers, pour l’autre, c’est le paradis qui s’offre à elle. Cette opposition entre les deux sœurs est d’autant plus captivante que le spectateur a accès à leurs pensées. Une fois de plus, cela donne un personnage complexe et intrigant. Une vraie bonne idée.
Dans la famille des personnages prometteurs, je demande également Jimmy, un jeune homme incarné par Evan Peters et dont les mains déformées semblent plus utiles que n’importe quel sextoy pour les ménagères américaines des années 50. Fils de la femme à barbe interprétée par l’excellente Kathy Bates, ce dernier aspire à une autre vie et ne supporte plus d’être traité comme un monstre. Son personnage promet de nombreux rebondissements pour la suite.
Enfin, comment finir cette critique sans évoquer LE personnage attendu de cette saison : je parle bien entendu du clown. C’est John Carroll Lynch qui prête ses traits à ce personnage maléfique et flippant. L’acteur que l’on a déjà pu rencontrer dans des films comme Zodiac de David Fincher, Gran Torino de Clint Eastwood ou encore Shutter Island de Martin Scorsese, propose une interprétation juste et toute en subtilité, digne des meilleurs films d’horreur et qui ferait même frémir de peur le clown interprété par Tim Curry dans It. On ignore encore ses véritables intentions, mais il y a fort à parier qu’il n’a pas fini de nous effrayer.
Cette nouvelle saison d’American Horror Story est définitivement pleine de promesses et s’annonce sous les meilleurs auspices. L’univers est vraiment plaisant, le scénario cohérent et les personnages fascinants. On émettra malgré tout quelques doutes concernant certaines scènes inutilement excessives et sur les quelques longueurs qui ponctuent le récit, la faute à des séquences parfois trop bavardes. On aurait parfois préféré des silences qui ont souvent tendance à accentuer la dimension inquiétante et oppressante des scènes, comme c’est le cas de celles avec le clown et qui sont particulièrement efficaces. Quoi qu’il en soit, on a hâte de découvrir la suite de ces monstrueuses aventures avec l’espoir bien entendu de ne pas être déçu. Après tout, ça existe aussi les cadeaux empoisonnés…
J’ai aimé :
- L’univers passionnant et référencé
- L’intrigue assez simple à suivre
- Jessica Lange et sa prestation décalée de « Life on Mars »
- Sarah Paulson, la véritable bonne surprise de cette saison
- Le clown vraiment excellent
- Le générique bien glauque
Je n’ai pas aimé :
- Certaines scènes inutilement excessives, violentes et/ou provocantes
- Quelques longueurs
- Des scènes parfois trop dialoguées
Ma note : 15/20
Il y a plein de bonnes idées dans cet épisode et l’on a vraiment envie d’en découvrir plus.