Writing is a process
Mike Noonan est un auteur de best seller au sommet de sa gloire, son dernier livre s'étant classé parmi les meilleures ventes, confirmant sa capacité à captiver son auditoire. Son secret réside dans l'équilibre que lui apporte sa femme Joe avec qui il partage une relation très particulière, elle pratiquant la peinture dans sa maison familiale au bord du lac pendant qu'il écrit. Seulement, lorsqu'elle décède heurtée par un camion, sa vie bascule totalement, surtout qu'il découvre des secrets sur son épouse qui le pousse à partir pour cette demeure familiale.
Résumé de la critique
Un épisode divertissant que l'on peut détailler ainsi :
- une histoire signée Stephen King au démarrage remarquable
- un épisode qui oscille entre le très bon et le médiocre
- des comédiens impeccables, avec un Pierce Brosnan surprenant
- une première partie pas totalement convaincante
Le refus du deuil
Pour commencer, sachez que cette critique ne contiendra aucun spoiler pour ceux qui n'ont pas lu le roman, texte dans la veine de "La part des ténèbres" ou "Misery". Comme toujours chez Stephen King, le contexte mythologique supplante toujours l'intrigue qui se place à un niveau seulement décoratif dans le premier acte, faisant le choix de privilégier avant tous les personnages. Auteur à succès en pleine gloire, Mike Noonan possède un lien fort avec son épouse Joe, l'entraînant dans une profonde dépression suite à son décés accidentel, durant lequel il devient incapable d'écrire
Sur une base sombre et triste, Stephen King choisit de raconter l'histoire d'un homme qui refuse le deuil et cherche à tout prix à garder le souvenir de sa femme bien vivant. Cette partie de l'épisode est absolument remarquable tant le récit rend hommage aux qualités de conteur indiscutable du "Bestselleraurus" avec un ton mélancolique étonnant pour une histoire forte et personnelle. Comme toujours chez King, la peur vient d'abord de l'éventualité, elle n'est que le fruit de l'anticipation du spectateur devant les failles dans le réel que l'auteur construit peu à peu.
Bag of Bones est avant tout une histoire motivée par l'amour des personnages, le maître de l'horreur possédant un talent indéniable pour brosser des portraits de personnages complexes et en souffrance. Tiré de sa propre expérience après l'accident dont il a été victime, Stephen King nous fait entrer dans le quotidien d'un homme détruit, vivant au travers des dernières traces de souvenirs de son épouse qu'il garde précieusement en refusant sa mort. Quand l'éventualité de pouvoir communiquer avec elle commence à apparaître, Mike se laisse dépasser par son imaginaire, son désespoir ne trouvant de réconfort que dans son besoin de croire à cet échange impossible.
Entre cauchemar et illusion, il commence à découvrir une femme différente de ce qu'il croyait, surtout que l'ouverture qu'il a trouvé sur le royaume des morts permet à d'autres créatures d'apparaître, des fantômes issus du passé. Impuissant à ramener sa femme à la vie, cette histoire est avant tout celle d'un deuil impossible, celui d'un homme qui s'enferme dans l'illusion de pouvoir ramener à la vie son épouse par la force de son esprit. Un portrait poignant, celui de la peur de la mort et de cet au-delà qui recèle toute une souffrance et une colère totalement incontrôlable et impossible à apaiser.
La difficulté de communiquer avec les vivants
Mais si Mike occupe toute la place à l'image, c'est bien Jo qui est au centre de cette histoire, une épouse modèle en apparence qui va s'avérer avoir de nombreux secrets. Personnage complexe et plus secrète qu'il n'y parait, elle est typique des romans de Stephen King, à la fois chaleureuse et mystérieuse. Pour cette histoire, l'auteur n'hésite pas à ressortir ses figures féminines classiques avec une afro-américaine trop libérée pour son époque et le fantôme d'une petite-fille qui incarne le cauchemar ultime de la violence faite aux plus fragiles, dont les cris peuvent résonner même de l'au-delà.
En pénétrant l'univers intime de son épouse, Mike découvre une femme secrète et hantée qui peint des portraits de personnages en rapport avec l'histoire de Dark Score Lake. La ville est en effet sujette à de nombreux meurtres en rapport avec le lac et la souffrance des victimes semblent avoir ouvert une brèche entre le royaume des morts et des vivants. Mais plutôt que de miser sur une surenchère d'effets visuels, la minisérie a l'intelligence dans un premier temps de miser sur le suggestif plutôt que l'apparent avec l'utilisation intéressante d'une clochette.
Seulement, si l'écriture est assez brillante, la mise en scène et le montage vont faire preuve d'un manque de subtilité flagrant, accumulant les coups de percussion inutiles avec une bande-son assez agaçante. De même, le montage passe de plans très longs et fascinants à des séquences de flashs totalement ridicules et inefficaces. Avec ses gros sabots, Mick Garris semblent douter de la qualité de ce premier acte, comme un conteur qui parsèmerait son histoire de : "Mais après cela va devenir super flippant avec ça et ceci" au lieu de profiter du rythme plutôt lent pour poser son univers.
Dès qu'elle délaisse l'idée de départ et l'ambiance mélancolique au profit de plans séquences maladroits, Bag of Bones nous fait sortir de l'épisode, peinant à faire exister l'univers autour du lac. Heureusement, les comédiens vont rattraper le tir, sauvant l'intrigue d'une mise en scène qui cherche inutilement à en mettre plein la vue.
Des acteurs très convaincants
Si la mise en scène poussive fait fréquemment sortir de l'histoire entre ralenti inutile et figure stylistique clichée et maladroite, le talent remarquable de Pierce Brosnan suffit à nous replonger dans cette histoire fascinante. Le comédien s'en donne à coeur joie et compose un personnage très réaliste, justifiant par sa seule performance le visionnage de Bag of Bones. Les séquences où ils croient parler avec son épouse sont bluffantes, l'ancien James Bond prouvant au passage qu'il peut être un comédien particulièrement intense.
Essayant d'opter pour un comportement le plus naturel possible, Pierce Brosnan forme avec Annabeth Gish un couple convaincant, donnant beaucoup de crédibilité au premier acte de cet épisode. La redécouverte du village de son enfance va s'avérer beaucoup trop superficielle, se reposant sur quelques personnages vite brossés, comme autant de clichés trop vite survolés. Malgré leur talent, les autres comédiens peinent à exister vraiment, la faute à une construction du récit assez maladroite et sans profondeur concernant le lac et les fantômes qui l'entourent.
Au final, tous les comédiens sont vraiment bons, mais le temps d'exposition alloué à leur personnage ne permet pas d'exister réellement. Nul doute que la seconde partie saura offrir un peu plus de matière à un univers jusqu'ici assez décevant pour une intrigue trop pressée d'arriver à la partie surnaturelle de l'intrigue.
Un premier acte en demi-teinte
Comme toutes les adaptations télévisées de Stephen King, Bag of Bones n'échappe pas à certains défauts récurrents liés à la richesse des romans de Stephen King. Doté de plusieurs niveaux de lecture, les livres du maître de l'horreur sont difficiles à retranscrire à l'écran sans sacrifier une dimension du récit. Si le portrait du héros est en tout point remarquable, exemple parfait de la capacité de l'auteur à inscrire fortement son récit dans le réel, l'univers autour du lac pâtit d'un manque de crédibilité inquiétant à l'approche du second acte.
En conclusion, un divertissement plaisant qui se montre assez fidèle et profite de la performance assez étonnante de Pierce Brosnan en mari détruit par la perte de son épouse. Dommage qu'une bande-son agaçante et des effets de mise en scène balourd viennent encombrer une intrigue qui aurait gagné à faire preuve de retenue. Les séquences "bandes annonces" inutiles et peu attractives sont de loin les plus agaçantes, tout comme les scènes de rêves censées faire monter la tension, mais qui peinent à créer le moindre trouble.
Heureusement, la qualité de l'intrigue permet de passer outre les fautes de goût du réalisateur et d'apprécier une qualité dans les personnages et la narration indiscutable.
J'aime :
- un récit à la fois intime et très efficace
- Pierce Brosnan absolument impeccable
- les séquences où la présence des fantômes est suggérée
Je n'aime pas :
- les suites de flash totalement inutiles
- la description des habitants du village beaucoup trop survolée
Note : 13 / 20
Une première partie inégale, brillante par la force de son point de départ et la qualité de ses interprètes et décevantes par l'utilisation de succession de flashs et d'effets sonores peu convaincants. Heureusement, la performance surprenante de Pierce Brosnan suffit à apprécier ce premier acte assez immersif de Bag of Bones.