La fascination pour la perversité
Une princesse de la couronne anglaise est enlevée et une vidéo est aussitôt envoyée sur YouTube demandant une rançon bien particulière contre sa libération. Le premier ministre est aussitôt révéillé, car la demande des ravisseurs le concerne explicitement, ceux-ci menaçant de tuer la jeune femme s'il ne s'exécute pas. Leur demande est assez simple : le premier ministre devra forniquer avec un cochon sur la télévision nationale, en direct et sans truquage, filmé selon les règles du Dogma 95.
Résumé de la critique
Un épisode lamentable que l'on peut détailler ainsi :
- une forme séduisante, un récit rythmé et volontairement impersonnel
- un fond inexistant pour une série qui se limite à faire de la provocation
- un final ridicule qui pointe du doigt notre goût pour le voyeurisme
- plus qu'une série, un pamphlet déplaisant
La forme au dépend du fond
Il y a deux jours, je reçois un mail m'invitant à découvrir "Black Mirror", une série anglaise produit par Channel 4 au pitch totalement invraisemblable. Poussé par ma curiosité maladive, je m'attable devant un show qui démarre pour le mieux : image léchée, belle photographie et une ambiance thriller forte qui démarre avec l'enlèvement d'une princesse. Les acteurs ne sont pas connus et convaincants, permettant d'accepter un pitch assez singulier et qui me laisse espérer un complot à grande échelle, les exigences délirantes des assaillants ne pouvant logiquement n'être qu'un voile de fumée.
Seulement dès la scène où le premier ministre insiste sur son refus total de céder à ce chantage ridicule, quelque chose me dérange. En effet, les assistants se montrent hésitant à dire non, comme s'il é"tait envisageable d'accepter de telles conditions. Aussitôt, un malaise étrange me gagne, mais les origines anglaises de ce show me font espérer une touche de second degré qui n'arrivera, hélas, jamais. De plus, hormis le premier ministre, aucun personnage n'est développé, les scènes se limitant à opposer des groupes de citoyens déshumanisés à un homme seul.
En effet, au-delà de son pitch singulier, Black Mirror cache un néant terrifiant, un épisode qui ressemble plus à un pamphlet moqueur contre le voyeurisme de masse qu'à un vrai récit. La seule certitude après cet épisode est que Black Mirror ne raconte rien, les scénaristes montrant un mépris terrible pour l'être humain, ne ressentant aucun besoin de donner du sens à leur histoire.
La frontière entre provocation et obsénité
Sans aucune narration, c'est un spectacle télévisuel vidé de tout contenu que nous invite Black Mirror, les auteurs voulant adapter la structure des programmes télévisés à une fiction. La façon dont Twitter, Facebook occupe une place prépondérante dans la décision des politiques est une bonne idée, mais ne sert qu'à pointer du doigt la bêtise de la masse. Le seul suspens de l'épisode se résumera en un seul point : va-t-il ou non se taper le cochon, programme peu reluisant d'une fiction ridicule. En donnant les clés de la décision politique à l'opinion, les auteurs vident l'intrigue de toute subtilité, transformant le thriller en vaste farce.
Seulement, là où l'aspect provocateur pourrait être amusant, l'humiliation vécue par le personnage principal est simplement insupportable. La série se regarde assez vite comme un vulgaire bizutage, poussant le calvaire du spectateur jusqu'au bout en révélant le point crucial du scénario, à savoir qu'il n'y en a pas. Le spectateur se transforme alors en voyeur et la provocation en obscénité, humiliant l'être humain par le poids d'une opinion hilare devant ce spectacle vide. La série cache en fait derrière ses airs de thriller une dénonciation de donner un trop grand pouvoir à l'opinion publique.
Comprenez-moi bien : Black Mirror n'est pas raté, elle atteint parfaitement son but à savoir attaquer le spectateur sur sa tendance à être de plus en plus désensibilisé. La scène finale montre la foule ecoeurée, incapable de quitter des yeux un spectacle qu'il attendait hilare une bière à la main quelques minutes auparavant, symbole du profond mépris des scénaristes pour l'être humain. A la fois moraliste, menteuse et hypocrite, la série Black Mirror intéressera tous ceux qui goûteront au plaisir d'un show s'amusant à pousser des êtres humains à accepter l'inacceptable avec le soutien d'une opinion hilare et complice.
Un scénario abominable
Entre accumulation de flashs spéciaux qui font du bruit, mais ne raconte rien, une scène d'action ridicule et inutiles où des agents abattent une journaliste, Black Mirror fait globalement du remplissage pendant trente minutes. Seul le premier ministre est un peu approfondi, personnage plutôt digne, mais qui refuse d'opposer sa fierté personnelle à une opinion publique qui veut voir son spectacle. Filmé avec un réalisme terrifiant, la scène finale n'est que le constat d'une série qui se trompe en fait sur tout : ce n'est pas avec fascination que l'on regarde cet épisode, mais par conviction que ce pauvre homme refusera de se soumettre, même pour sauver une vie.
Seulement, j'ai choisi de spolier pour couper l'herbe sous le pied de ces auteurs lamentables dont le scénario abuse de la provocation pour cacher son abyssale nullité et son absence remarquable de cohérence. Totalement invraisemblable, le final est bâclé en quelques secondes, empêchant le spectateur de se rendre compte de la totale invraisemblance de l'ensemble. Certains riront évidemment, trouveront ce spectacle amusant, régressif et y verront une forme artistique, je n'en doute pas. Ceci n'est pas une critique totalement objective, juste l'opinion d'un spectateur qui voit dans ce show une forme de facilité, les auteurs se débarrassant par la provocation du souci consistant à écrire une histoire.
Que ce soit Kubrick ou Fassbinder, ces génies m'ont appris que la provocation n'est intelligente que lorsqu'elle s'arme d'un sens du second degré qui s'acquiert en sortant le récit de la réalité. Orange Mecanique est l'exemple parfait de ce qu'est la provocation constructive, petit bijou d'intelligence et de drôlerie, à l'opposé total de ce spectacle lamentable.
Tout est bon dans le cochon
Alors que les auteurs peinent de plus en plus à se montrer original, Charlie Brooker a opté pour la solution la plus simple : opter pour la provocation gratuite tout en faisant preuve d'un manque d'originalité total. Seul le pitch sort de la routine, point de départ invraisemblable d'une intrigue poussive et ridicule qui ne fait pas le travail d'installer aucun personnage, l'intrigue policière ne servant qu'à justifier la scène finale. Plus que l'aspect provocateur, c'est la fainéantise de ces pseudo-auteurs qui agace, proposant une intrigue totalement ratée.
En conclusion, une série qui s'auréole d'une bonne réputation sans aucune raison alors qu'elle est sans nul doute le spectacle le plus lamentable vu cette année à la télévision. Beaucoup aimeront surement, les avis positifs fleurissant à chaque recoin d'Internet, mais je voulais juste dire que derrière un pitch faussement original se cache une intrigue fainéante et idiote. Un seul conseil, passez votre chemin si vous aimez les histoires et faites l'impasse sur ce sommet d'idiotie qu'est Black Mirror.
J'aime :
- la photographie est élégante
- les acteurs qui font de leur mieux
Je n'aime pas :
- le scénario stupide et incohérent
- l'état d'esprit ridicule
- le final d'une bêtise insondable
- les gens qui qualifient ce genre de série "d'oeuvre subversive"
- la vision de l'homme horriblement méprisante
Note : 07 / 20
Si, dans un premier temps, le show fait illusion avec une mise en scène intéressante et une photographie étonnante, la suite n'est que l'expression d'un scénario totalement idiot et irresponsable. Essayant de provoquer le spectateur, Black Mirror abouti au résultat inverse de celui espéré, la dénonciation de l'influence des réseaux sociaux manquant cruellement de subtilité