Pitch hypostase
Suite à un accident de voiture, la neurochirurgienne Megan Hunt s'est retrouvé atteinte de parastésie, un engourdissement chronique des doigts dont elle ne peut se débarrasser. Incapable d'avoir la précision nécessaire à l'exercice de son travail, elle se retrouve mutée dans un laboratoire spécialisé en médico-légal où elle acquiert rapidement une forte réputation de tête de mule égocentrique.
Une héroïne au centre, tout le reste à l'extérieur
Megan Hunt (Dana Delany, plutôt juste et impliquée) est l'héroïne de cette série policière où le personnage principal va totalement cannibaliser toute l'attention durant quarante minutes, sans jamais véritablement convaincre. Les autres personnages seront à peine esquissés, aucun ne semblant en mesure de faire face à son monumental ego et à son style plutôt direct. Son personnage est le seul moteur de la série, et l'intégralité des intrigues tourne autour d'elle, jouant fréquemment sur l'opposition entre la réussite de sa vie professionelle et son incapacité à renouer avec son ancienne famille.
Car Megan est un accroc du boulot, à tel point qu'elle fait aussi celui des policiers (John Carroll Lynch et Sonja Sohn, vraiment peu mis en valeur) en les accompagnant durant la plupart de leurs déplacements. Sa présence, absolument non justifiée, donne lieu à des scènes à la limite du surréalisme, le personnage donnant son opinion à tout bout de champs de manière assez pénible. Le scénario, convaincu visiblement que sa force réside en son héroïne, va s'acharner à la placer au centre de chaque conversation, quitte à créer rapidement un fort sentiment de lassitude.
Heureusement, si Megan est la meilleure dans son travail (la série insiste beaucoup là-dessus), sa vie privée témoigne de son incapacité à gérer travail et famille correctement. Séparée de son mari, elle demeure incapable de se rapprocher de sa propre fille, malgré les conseils de son collègue Nicholas Bishop (Peter Dunlap, qui fait le métier), personnage étrange dont on se demande régulièrement ce qu'il fait là.
Un genre où la concurrence est rude
Après la vision, difficile de donner une impression précise tant on passe fréquemment du bien au passable, du sympathique à l'irritant, la faute à un scénario qui veut clairement trop en faire en survendant une héroïne qui s'avère finalement décevante. Nul doute qu'une meilleure répartition des tâches entre Megan et les deux policiers aurait donné une intrigue plus équilibrée et moins risible, l'héroïne s'avérant plus agaçante que charismatique.
Seulement, le plus gros problème de Body of Proof est que les antennes américaines sont actuellement pleines de ce type de série (Bones, CSI, Rizzoli and Isles) et qu'il sera difficile de s'imposer sans jouer la carte de la surenchère. Nul doute que le talent des comédiens, s'il est enfin mis à profit, ainsi qu'une brochette de personnages secondaires efficaces, permettra à cette série de trouver sa place dans ce secteur hyperconcurrentiel.
Malheureusement, en misant tout sur son héroïne, le pilote a voulu si bien faire qu'il a détruit une bonne part de sa crédibilité. Car il possède un défaut colossale, une erreur tellement énorme que j'ai préféré la garder pour la fin.
Une série très/trop propre sur elle
Rarement un épisode ne m'aura laissé une impression aussi mitigée que celui-ci, comme si un détail énorme clochait dans ce tableau idéal. Pourtant dotée d'une direction artistique sérieuse, la série est surtout vide de la moindre saleté, le réalisateur choisissant de ne montrer pas la moindre image choquante. Le show nous présente une médecine médico-légale bien propre sur elle, blanche comme un sou neuf, aucun corps ne subissant le moindre signe pouvant révéler sa nature.
Bien que n'ayant jamais travaillé dans le médico-légal, je suis stupéfait de la blancheur des blouses des légistes, image parfaite d'une science propre, où les cadavres ne portent jamais les stigmates de leur propre mort. Ce point est à mes yeux le plus décevant, car j'espérais une immersion dans le métier de légiste, des scènes reconstituant fidèlement leur travail, à l'opposé total de ce que la série propose.
Un bilan déprimant
Bref, je pense que Body of Proofs va avoir beaucoup de mal à me convaincre, la faute à un pilote trop propre sur lui et une héroïne plus qu'agaçante. Loin de proposer une vision réaliste de la mort, le show ne prend aucun risque en proposant des cadavres semblables à des mannequins d'exposition, sans tache ni signe de décomposition. De même pour une héroïne qui focalise toute l'attention, sans que jamais ne soit justifiée sa quasi omniprésence.
Je regarderai encore quelques épisodes, mais je ne peux que sanctionner une production aussi ratée.
J'aime :
- Dana Delany qui n'a pas un rôle facile
- une réalisation de bonne facture
Je n'aime pas :
- totalement irréaliste
- des seconds rôles qui ne servent à rien
- fréquemment risible
- même les cadavres respirent la propreté !
Note : 07 / 20