Il y a de cela un an, la CW sortait une série dont le titre en a fait tiquer plus d’un. Avant sa sortie, Jane the Virgin provoquait le mépris et les moqueries. Au mieux on en parlait comme d’un bon nanard que l’on pourrait – avec le temps – aimer détester. Lors de la diffusion du pilote, on a assisté à une série rafraîchissante, drôle et menée d'une main de maître. Comme par magie, toutes les critiques ou presque ont fermé ce qui leur sert de clapet.
Désormais, la CW place ses espoirs non plus dans une vierge enceinte mais dans une ex-petite amie folle. Commençons par le début : moment synopsis. On suit Rebecca (Rachel Bloom), jeune et brillante avocate à New-York qui décide, après avoir croisé son ancien petit-ami dont elle ne s’est jamais remise, de partir à West Covina, en Californie. Là où ce dernier habite…
Disons-le tout de suite, ça ne donne pas franchement envie. Couplé au fait que Crazy Ex-Girlfriend est un titre de série n’inspirant pas du tout confiance, ça sent le bust à plein nez. Les femmes sont déjà assez mal représentées à la télévision comme cela, elles n’ont pas besoin d’un autre clou sur leur tombe. Si l’on réussit à passer outre ces facteurs-là, il nous reste une série portée par Rachel Bloom, chanteuse de son état, et créée par Aline Brosh McKenna (Le Diable s’habille en Prada). Initialement prévue pour Showtime – où elle aurait probablement obtenu sept saisons – elle se retrouve finalement sur la CW – où elle obtiendra probablement sept saisons.
En plus de son titre, Crazy Ex-Girlfriend possède d’autres composantes promptes à décourager n’importe quel sérievore. C’est une comédie musicale de quarante minutes. Cash, trois potentiels obstacles à un éventuel visionnage. Showtime possède en outre une réputation de chaîne sulfureuse. C’est là où il faut être pour parler – beaucoup – de sexe, voir – beaucoup – de sexe ou encore faire –beaucoup – de blagues racistes et/ou de mauvais goût. Le passage à la CW inquiétait un peu, puisque Rachel Bloom se devait d'adapter son ton au changement de chaîne. Et enfin, la vidéo promotionnelle était nulle et pas drôle, jusqu’à en devenir gênante.
Ça aurait découragé le plus aventureux des être humains mais je ne suis pas n'importe qui. Je suis un gros drogué des séries. Et qu’importe tous les défauts de base ! L’envie de ne pas passer à côté du début d’un nouveau phénomène critique est bien plus forte que la peur de regarder une belle merde. Me voici donc présent pour vous livrer ma critique du pilote de Crazy Ex-Girlfriend !
Non Rebecca, tu n’es pas folle !
Crazy Ex-Girlfriend repose en grande partie sur les épaules de Rachel Bloom, qui s’en sort d'ailleurs très bien. Elle ne portraie pas Rebecca comme une victime, elle ne tombe pas dans la caricature. Rebecca est névrosée certes, mais par-dessus tout elle est triste. Son boulot d’avocate représente une vie que sa mère a voulue pour elle, une vie pour laquelle elle n'a jamais eu le moindre mot à dire. Elle s’y jette à corps perdu, avalant médocs sur médocs pour garder le rythme et fuir la tristesse. Par ailleurs, sa mère semble être une horrible personne. On ne la voit jamais en chair et en os dans le pilote – ce qui est d’ailleurs très bien pensé – mais ses paroles suffisent amplement.
Son obsession pour Josh (Vincent Rodriguez III), son ancien petit-ami, n’est dès lors pas liée à une quelconque folie. Cela lui rappelle seulement une époque où elle faisait ce qu’elle voulait, où elle était heureuse dans son camp de vacances avec son copain, découvrant de nouvelles choses et ne se souciant pas du futur. En le suivant à West Covina, elle cherche seulement à retrouver la jeune fille amoureuse qu’elle était.
Encore une fois, le titre est trompeur et il ne faut pas se baser dessus. S’il est clair que ce pilote ne passerait pas le test de Bechdel, je me demande si ça n'en serait pas le but. Rebecca a grandi dans un monde où les comédies romantiques, aussi bien que les comédies musicales, font l’apologie de l’amour improbable – et bien souvent impossible. Un monde où une chanson suffirait à justifier tout comportement. Un monde où les grandiloquents gestes d'amour seraient toujours couronnés de succès. Est-ce que ses décisions font d’elle une personne folle ? Bien sûr que non. Elle a certainement la folie des grandeurs mais elle est résolument courageuse pour croire autant au pouvoir de l’amour. Et puisque je suis extrêmement littéral comme gars, petit interlude musical !
Un ton impertinent et décalé
Ce qui surprend très vite dans Crazy Ex-Girlfriend se trouve être le ton employé, bien différent de ce à quoi l'on aurait pu s'attendre en se basant sur le titre ou sur le long trailer. Pas de doute, Rachel Bloom a réussi le passage au network classique. C’est impertinent, drôle, acerbe même. Et une blague sur le « problème juif », une autre sur l’épilation du cul… y en a pour tout le monde. À tel point que l'on peut penser que les mecs à la CW se sont bourrés la gueule avant de donner leur accord. Quoiqu’il en soit, ça dépote. Comme d’habitude il y a du bon et du moins bon, mais la liberté de ton inspire une grande confiance pour la suite.
À côté de l’acerbe il y a également le rose bonbon pas loin. Qu’il soit littéralement sur la robe de soirée de Rebecca ou dans l’ambiance générale de la série, ce côté licorne-cœur-cœur a de quoi dérouter, intriguer et finalement charmer. On retrouve d’ailleurs du Jane the Virgin dans Crazy Ex-Girlfriend, dans le sens où la fortune joue un rôle proéminent dans ce pilote. À tel point qu’il faudrait que les dirigeants de la CW commencent à la payer.
Mais surtout, y a des putains de moments musicaux ! Et ils sont trop bien ! Over the top, grandiloquents et désarmants par la confiance totale qu’ils possèdent, ils sont de très bonne qualité. Les chanteurs sont bons et les chorégraphies sont juste assez ridicules pour que l’on accroche tout de suite. N’oubliant pas d’être drôles, les passages musicaux sont également extrêmement littéraux. À un moment, il est question de destinée. On se retrouve sur le plan suivant dans une boîte de striptease en compagnie d'une danseuse nommée Destiny. Et le deuxième interlude déconstruit totalement la représentation sexualisée du corps de la femme. Je sens que je vais aimer cette série.
Des personnages secondaires à peine esquissés
Le problème du pilote réside dans l’absence de profondeur de ses personnages secondaires. On ne sait pas grand-chose de Josh, l’objet de la trop grande affection de Rebecca. Par ailleurs, il apparaît être un gros boulet bien stupide. Peut-être que c’est le but encore une fois. Ou peut-être que je suis jaloux.
Les nouveaux collègues de Rebecca semblent hauts en couleur, même s’ils ne bénéficient pas de beaucoup de temps d’écran. Darryl (Paul Gardner) possède un huitième de sang indien dans les veines – ça me rappelle avec émotion Dave d’Happy Endings –, une femme qui va bientôt devenir son ex, et une fille. Quant à Paula (Donna Lynne Champlin), on ne sait pas grand-chose d’elle, excepté qu’elle est une paralegal avec 15 ans d'expérience qui ne s’en laisse pas compter. Et elle chante très bien.
Enfin, Greg (Santino Fontana) ne dépasse pas vraiment sa case de love interest maladroit. Barman ami avec Josh, il en pince clairement pour Rebecca. Mais bon, pour une fois que c’est un mec qui est l’intérêt amoureux, ça a le mérite de changer du quotidien.
Crazy Ex-Girlfriend est une très bonne surprise. Acerbe, impertinente et ne reculant devant aucune forme d’humour, elle possède également ce qu’il faut de nunuchitude pour créer un cocktail explosif. Bénéficiant qui plus est de numéros musicaux inspirés et d'une interprétation sans faille de Rachel Bloom, la série est tellement énergique dans ce qu’elle essaie de nous vendre qu’elle nous donne réellement envie de revenir la semaine prochaine. Alors s’il vous plaît, ne vous arrêtez pas au titre et donnez une chance à cette ex-petite amie pas si folle que ça !
J’ai aimé :
- Rachel Bloom. Je ne sais pas pourquoi mais elle m’a fait totalement craquer. Je crois que je vais déménager à West Covina.
- Les moments musicaux.
- La juxtaposition de la candeur et de l’acerbe, qui donne au pilote une vraie personnalité.
- La voix de la mère de Rebecca.
- Le passage avec le rappeur. Juste parfait.
Je n’ai pas aimé :
- Josh. Non, je ne suis pas jaloux. Non. C’est juste un boulet.
- Le reste des personnages secondaires. Ce n’est pas que je ne les ai pas aimés, c’est juste que je n’en ai pas vu assez.
Mises en garde :
- L'équilibre entre le nunuche et l'humour au vitriol est toujours difficile à maintenir.
- Cela peut vite tourner à la caricature.
Ma note : 15/20.