Être scénariste de Desperate Housewives, cela ne doit quand même pas être facile tous les jours. Écrire des scénarios, être inventif, créer une histoire qui tienne la route… Soyons clair, cela lui demande trop de temps au scénariste. Tout ça alors qu’il pourrait se faire un petit golf en buvant une pina colada bien fraîche sur la piste du Lost Canyon Golf Club, à Los Angeles. Alors oui, le scénariste de base de DH serait tenté de bâcler son travail vite fait et mal fait. Mais il ne le fait pas. Car le scénariste est beaucoup plus futé que cela. Il connait, lui, le secret de Desperate Housewives. Il sait comment faire un bon épisode de remplissage sans que le public n’y voit rien.
Prend ton stylo bic quatre couleurs, ta copie double petit carreau format A4 et note la recette suivante :
Ingrédient numéro 1 : Jamais, tu ne feras évoluer des personnages.
Cet épisode m’a vraiment fasciné. Pendant 45 minutes, j’ai eu les yeux grand ouverts en me demandant si on ne se foutait pas de ma gueule. Nous sommes en huitième saison de DH et pourtant depuis le pilot, rien n’a changé :
- Lynette est toujours aussi chiante.
- Gabrielle est toujours aussi stupide.
- Susan est toujours aussi naïve et maladroite.
- Bree est toujours aussi désespérée.
Il suffit d’imaginer la diffusion de cet épisode en saison 1 pour se rendre compte qu’il n’y aurait aucun faux raccord scénariste. Depuis 15 ans, se multiplient les prises d’otages, les accidents d’avions, les tornades et pourtant rien ne bouge vraiment à Wisteria Lane. Pourtant, quand on regarde la vie mouvementée de nos héroïnes, on serait, peut-être, en droit d’attendre à une évolution de leur personnalité. Mais non. Jamais. Rien. Nada. Bienvenue dans un monde figé.
Ingrédient numéro 2 : Tu feras croire quand même croire à tes spectateurs qu'il y a une évolution
Bob, le scénariste de DH, est un sacré pervers. Il a parfaitement conscience de cette situation. Alors, pour que les spectateurs ne lui en veuillent pas d’être pris pour des cons, il montre à l’écran des progrès dans l’attitude de ses personnages. Entre Lynette qui reconnait face caméra son côté donneuse de leçon et Gaby qui se décide de réviser avec sa fille, les exemples, dans cet épisode, sont légions. On a un début, une fin et du changement entre les deux. C’est parfait, les encarts publicitaires se vendent et Bob est content. Sauf que tout cela sera remis à zéro dans l’épisode suivant.
Gabrielle Solis était devenu mon personnage préféré dans Desperate Housewives précisément pour ça : c’est le seul personnage qui ait vraiment évolué. C'était le personnage que j'aimais le moins et c'était devenu le plus intéressant. Mais depuis le début de cette saison, cette évolution s’est arrêtée nette. Après avoir atteint une certaine maturité l’an dernier (si on met de côté ce fâcheux passage sur les poupées), Gaby n’a cessé depuis de régresser pour retourner au stade pourrie-gâtée de la saison 1. Cette ultime remise à zéro n’augure vraiment rien de bon pour la fin du show.
Ingrédient numéro 3 : Tu mixeras, à toute vitesse, les intrigues dans tous les sens
J’imagine que, pendant la post-production, la machine à découper-copier-collera a dû fonctionner à plein. Gabrielle qui tente de masquer quelque chose (en l’espèce son ignorance) à des clients potentiels ? Déjà vu dans un épisode de la saison six où Carlos et Lynette cherchaient à décrocher un contrat pendant que cette dernière tente de cacher le fait qu’elle soit enceinte. Bree qui va dans un bar pour se dévergonder ? Déjà vu cette saison avec Lynette qui faisait la même chose pour se consoler de sa rupture avec Tom. Déjà vu aussi en saison une quand Eddie convainc Susan de faire la tournée des bars avec elle. Lynette qui tente de résoudre un problème électrique ? Déjà vu… bon ok, c’était dans Friends.
Ingrédient final : Jamais, tu ne feras avancer ta trame principale.
Au début de l’épisode, il nous est montré que quelqu’un surveille Bree. Bim, générique ! L’épisode recyclage se passe tranquillement et à la fin… à la fin, il nous est montré que quelqu’un surveille Bree. Je ne comprends même pas pourquoi le réalisateur a choisi de montrer cette scène. Entre un cliff tout pourri et pas de cliff du tout, je crois franchement que le choix est vite fait. Plus globalement, il reste encore une petite douzaine d’épisodes et on ne sait guère plus sur l’intrigue principale que depuis la fin du season premier. Comme j’aurais pu écrire cette dernière phrase pour l’ensemble des saisons de la série, je présume, comme beaucoup dans les avis, que nous allons avoir droit à un joli Deus Ex Machina.
Assaisonnement : Et une morale douteuse, une !
Avant de conclure, il me faut revenir un instant sur la storyline de Susan. Ce n’est pas tant qu’elle soit réellement passionnante, mais plutôt qu’elle dégage un arrière fond nauséeux. Explication : afin de sortir de sa dépression névrosée, Susan décide de se faire un petit road-trip pour voir la famille d’Alejandro. Pendant ces investigations, elle découvre que la nouvelle belle-fille de l’ex beau-père de Gaby (vous me suivez toujours ?) a elle aussi été violée. Et Susan d’être soulagée…
Oui, oui, tu as bien lu : « soulagée». Elle le dit elle-même à la fin de l’épisode. Un dimanche soir de 2012, un des shows les plus regardés de l’Amérique vient de nous justifier en direct-live la peine de mort. C’est génial. Nan mais vraiment. Je fais ma vierge effarouchée alors que je sais pertinemment que l’ensemble de l’Entertainment US est pro-républicain, pro-peine de mort et anti-avortement. Sauf, d’habitude, c’est beaucoup plus explicite et clair (Ex : la légitimation de la torture dans 24h Chrono). Dans cet épisode, je trouve le message assez pernicieux. Grosso-modo, l’épisode dit cela : il est possible de tuer quelqu’un en cas de légitime défense, surtout s’il s’avère après coup que le mort était vraiment un bon salaud. Susan, Lynette, Bree et même Gaby peuvent toute passer à autre chose puisqu’elles ont mis fin aux jours d’une mauvaise personne. Leur attitude distanciée, pendant la première moitié de saison, est justifiée rétrospectivement par ce dialogue nocturne. Emballé, c’est pesé !
Je n’ai pas aimé :
- Une non-avancée volontaire de l’intrigue principale.
- Un recyclage évident des intrigues secondaires.
- Une morale finale douteuse et puante.
- Ricardo Antonio Chivara qui en une scène parvient à être encore plus mauvais que Teri Hatcher sur l’ensemble de la saison. Un vrai travail d’Actor Studio. Chapeau mec !
J’ai aimé :
- Bree, nue dans la piscine.
- Bree, sexy cougar et pilier de bar.
- Bree, coquine buvant un verre de blanc cul sec.
- En fait, ils devraient rebaptiser le show « Desperate Van de Kamp ». Je suis tout à fait sûr que cela serait beaucoup mieux.
Ma note : 09/20