Il me faut le confesser d'emblée, tel un pécheur devant le Grand Moineau : Game of Thrones m'a pris au dépourvu, cette semaine. Et pourtant, quels espoirs légitimes avais-je placés en cet épisode ! Après deux livrées cataclysmiques en terme d'écriture et de mise en scène, je m'attendais une fois de plus à me farcir un bel étron dans la droite lignée de cette logorrhée télévisuelle sans queue ni tête. Et je m'y étais préparé. J'avais sorti l'artillerie lourde. Cette critique allait être mon chef-d'œuvre. Une symphonie meurtrière. Un carnage en la mineur.
Oh, the things I'll do to you, Game of Thrones !
Eh bien que nenni ! Envahis par le même sadisme qui amène un enfant à fouler du pied une fourmilière (ou pousse des scénaristes à massacrer sans vergogne leur histoire et leurs personnages... oh wait !), ces infâmes trolls de D&D (David Benioff et D.B. Weiss, showrunners de la série) décidèrent de me déposséder de ce plaisir suprême. Car le bon sens et l'éthique journalistique m'obligent à l'avouer : oui, cet épisode rattrape quelque peu les pathétiques errances de ses deux prédécesseurs. Oui, cet épisode propose autre chose qu'une pénible fuite en avant scénaristique. Oui, cet épisode est correct, tout simplement.
On se calme et on boit frais
Et pour cause, après avoir foncé à tombeau ouvert dans toutes les facilités scénaristiques et pièges télévisuels possibles et imaginables depuis le début de la saison, Game of Thrones pose enfin le rythme cette semaine. L'occasion de souffler un peu, et surtout de laisser s'exprimer ses personnages dans des scènes qui, si elles n'apportent certes pas toutes grand chose à l'intrigue, ont au moins le mérite de les émanciper de leur statut de caricatures ambulantes.
Tyrion qui, la semaine dernière, enchaînait les blagues sur les bites et les idées à la con (sérieusement, il y en a qui ont trouvé ça bien, le truc avec les dragons ?), se voit ainsi gratifié d'une scène qu'on pourra qualifier d'amusante, où l'on retrouve avec un plaisir coupable quelques vestiges de sa gouaille d'antan. C'est pas encore la panacée, mais on s'en contentera.
Hardcore drinking game (of Thrones) : se faire un shot à chaque fois qu'un personnage évoque les parties d'un autre. Grosse cuitasse assurée !
Il en est de même pour d'autres personnages dont les apparitions, à défaut de génie, font au moins montre de pertinence : on pensera ainsi au monologue de Varys, qui souligne une fois de plus, si besoin était, l'ambiguïté de son caractère, ou encore aux séquences de King's Landing, qui permettent au Grand Moineau de se racheter de son élan de nanardise de la semaine passée, et aux deux tourtereaux Lannister de constater encore une fois leur position d'ostracisme (même s'il m'est, à titre personnel, insupportable de retrouver Jaime aux basques de Cersei : quel retour en arrière depuis la saison 5 !). On n'oubliera pas de noter, enfin, le retour de Sam, Gilly ou encore Qyburn, absolument impeccable dans la maigre scène qui lui est accordée.
Le passé, le passé envolé
Mais ce ralentissement salutaire des intrigues permet surtout aux scénaristes d'explorer une thématique qui était profondément incompatible avec la précipitation absurde et désordonnée dont faisaient preuve les épisodes précédents : le rapport au passé.
Passé qu'il s'agit d'aplanir et d'oublier pour renaître du côté d'Arya, dont la magnifique séquence, montée et rythmée à la perfection, éveille même quelques sentiments de nostalgie à la mention des Stark et du Limier. Un superbe moment pour un personnage que je vois bien devenir l'une des grandes surprises de la fin de la série, véritable force de la nature faisant office de facteur X dans un Westeros en crise totale.
Il était sympa, ce remake de Daredevil !
Passé dont il faut affronter les conséquences pour Daenerys, personnage profondément moderne confronté au traditionalisme d'une société conservatrice, et pour Jon, dont les (ultimes ?) scènes au Mur s'avèrent maîtrisées de bout en bout, de la résurrection contemplée par un saint Davos au bord de la crise de foi, au douloureux mais nécessaire exercice de la justice (et vu le final absolument grotesque de la semaine dernière, c'était loin d'être gagné !).
Passé démythifié, enfin, dans la très belle séquence de la Tour de la Joie, qui oppose les problématiques de l'histoire et de la mémoire à travers la relecture d'une des légendes fondatrices de l'univers de Game of Thrones. Je suis, d'ailleurs, un mordu de Suarez des aventures dans le temps de Bran et Von Sydow, et du charme suranné de leurs conversations végétales. Et je milite pour en faire un gimmick régulier de la saison, sinon plus (cf. Le Coin du Fan un peu plus bas).
Mémo pour Altair et Koss : ceci est une belle composition d'image. Cordialement, CFF.
Bref, ce retour au passé fait du bien, et montre que malgré sa consternante frénésie, la série n'a pas encore perdu toute notion de continuité et de cohérence, et n'a toujours pas tiré un trait sur son identité (le poids des événements d'autrefois ayant toujours été l'un des grands thèmes phares de la saga).
Espoirs Morghulis
Hélas, Game of Thrones ne serait pas Game of Thrones sans ses ineffables travers (de porc sel-poivre : un cookie pour celui qui me trouve la référence en commentaire). À commencer par son mauvais goût caractéristique, qui se manifeste au moins une fois par épisode depuis la saison 5. Ici, c'est un pet. Et encore une putain de vanne génitale. Voilà, voilà. Merci, les gars.
On pourra également reprocher à l'épisode quelques maladresses de mise en scène et de montage (cadrages parfois un peu hasardeux, transitions abruptes ou hors-sujet...), mais rien de très méchant par rapport aux semaines précédentes (il suffira de comparer la scène de combat de la Tour de la Joie avec celle de Brienne dans le season premiere pour s'en convaincre).
Maester Pet-Selles, ha ha ! C'était CFF, en représentation tous les 13 novembre au Bataclan (merde, le mauvais goût c'est contagieux, apparemment)
Ces quelques défauts restent néanmoins mineurs à côté du gros point noir de l'épisode, à savoir la pitoyable scène de Winterfell, navrante à tous points de vue. Outre le fait que le Nord nous est désormais présenté comme une sombre terre peuplée d'abrutis, de sadiques, de violeurs et de pédophiles (il est loin, le temps du « King in the North »), c'est surtout cet ahurissant deus ex machina autour de Rickon qui vient nous achever. Cette absurdité est juste un non-sens scénaristique, et illustre tout à fait le diktat de l'histoire sur les personnages mis en avant par l'ami Koss la semaine dernière. Car il existe deux issues, désormais, pour Rickon : soit il meurt, et son intrigue aura probablement été le pire gâchis de l'histoire de la série (oui, oui, pire que la mort de Barristan en saison 5), soit il vit, sans doute pour servir d'improbable appât à Jon Snow / Sansa (ce serait vraiment une idée de merde, mais à ce stade, qui sait), ce qui viendrait totalement contredire les actions de Ramsay dans l'épisode 2. En effet, quel intérêt aurait un homme, prêt à sacrifier son père et sa belle-famille pour le pouvoir, à laisser vivre une telle menace envers son trône ? Aucun, à part faire avancer une histoire qu'il subit au lieu de la construire.
Quoi qu'il en soit, cette scène nous rassure sur un point : la GoT Magic et l'écriture de poussin, c'est pas fini ! On a presque failli avoir peur...
Au final, Oathbreaker s'avère être un honnête épisode, que d'aucuns qualifieront « de transition », mais qui fait office de petite bouffée d'air après un début de saison catastrophique. On est certes encore très loin de la qualité des premières saisons (qui ne sera probablement plus jamais atteinte), mais c'est à ce genre de planches qu'il faudra désormais espérer s'accrocher pour éviter de se noyer dans les insondables abysses de la médiocrité, vers lesquelles dérive de plus en plus dangereusement Game of Thrones, saison après saison.
J'ai aimé :
- Arya, enfin Personne. On s'en bat les reins, c'était bien.
- Le Mur, ou comment retomber sur ses pattes après un retourné scénaristique foireux.
- Le remake des Visiteurs avec Bran et Von Sydow.
- Beaucoup moins de WTF que d'habitude (y aurait-il un rapport avec l'absence de Dorne et des Greyjoy ?).
- Un épisode qui sonne comme une lueur d'espoir dans la nuit.
Je n'ai pas aimé :
- Me faire couper l'herbe sous le pied par Dumb et Dumber.
- L' « « « « « humour » » » » » à base de teubs et de flatulences (ça va, j'ai mis assez de guillemets ?).
- Rickon et Ramsay, parce qu'il fallait bien respecter le cahier des charges de la connerie.
- M'être tellement fait entuber dans les saisons et épisodes précédents que j'ai l'impression de me contenter de pas grand chose, au final...
Ma note : 13/20.
Le Coin du Fan :
- Il n’y a pas de Dieu. Lorsque Melisandre demande à Jon Snow ce qu’il a vu « de l’autre côté », celui-ci lui répond qu’il n’y a rien. Beric Dondarrion avait fait une réponse similaire en saison 2 (voir ci-dessous). Une manière élégante de souligner que l’ensemble des croyants de la série se battent pour de fausses convictions :
- « Je suis le roi ». Tommen aurait peut-être mieux fait de plus écouter son grand-père avant de prononcer cette phrase :
- Un acte désespéré. On peut voir sur l’image ci-dessous que Sir Aliser Thorne tente de s’échapper en se brisant le pouce :
- La théorie de la boucle temporelle. On s’aperçoit, dans cet épisode, que Bran peut interagir dans le passé. Il interpelle Ned et celui-ci se retourne. Imaginons un moment que Bran, en dépit des recommandations de « la corneille à trois yeux » poursuive dans cette voie. Imaginons qu’il tente, par exemple, de prévenir Aerys II Targaryen des événements à venir. Or, ce roi Fou était principalement connu pour « entendre des voix ». Et si c’était Bran, ces voix ? Cela fera de Bran l’alpha et l’omega de la série. Celui par qui tout a commencé. En effet, on se rappelle que c’est la chute de Bran de la tour de Winterfell (où celui-ci observait Jaime et Cersei) qui a été un important élément déclencheur de la série.
- Enfin, les esprits facétieux auront noté que cet épisode était diffusé le jour de la fête des mères américaine (qui n’est pas la même que celle française). Or, dans cet épisode a lieu l’épisode de la Tour de la Joie qui est le début de la révélation sur l’identité de la mère de Jon (voir critique de l’épisode précédent pour plus d’explications). À noter que la série est assez coutumière du fait puisque Tywin était mort le jour de la fête des pères, il y a deux ans.
Bonus :
- La puberté « particulière » de la série :
- Jouez avec nous dans notre grand jeu du Bingo Mort. Une colonne de complétée = Une boîte de pépito envoyée !
À la semaine prochaine pour toujours plus de blagues douteuses !