... Je crois bien que je ne t’aime plus, Game of Thrones. Plus comme avant en tous cas.
Nous avons vécu une relation assez passionnelle, toutes les deux, pas vrai ?
Tu te souviens de nos débuts passionnés, quand j’attendais chaque nouvelle rencontre le cœur battant comme une jeune adolescente amoureuse ?
Et tu te souviens quand nous avons frôlé le divorce en saison 5, quand tu étais devenue tellement infréquentable tellement tu te complaisais dans le sordide ?
Je t’ai haïe, à cette époque… et puis j’ai recommencé à bien t’aimer en saison 6, quand tu t’es enfin résolue à simplifier l’intrigue du roman pour lui donner une structure plus adaptée à tes capacités d’écriture limitées au format sériel. Et, même si tu optais alors trop souvent pour la facilité et la simplicité, tu avais gagné un côté pop-corn aussi plaisant qu’une bonne fanfic, qui avait fini par me réconcilier avec toi. Ce n’était plus la passion des débuts, mais tu m’émouvais encore par moments.
Mais, hélas, depuis cette saison, je me rends compte que je ne ressens presque plus rien pour toi. Ce n’est plus ni de l’amour, ni de la haine, mais bel et bien une indifférence croissante. Et il n’y a rien de pire que l’indifférence…
Oui, je sais, c’est triste. Moi aussi, je pleure un peu, là.
Mais tu as bien changé, tu sais ? Moi aussi, j’imagine, depuis tout ce temps… Sept ans, c’est long ! Mais tout de même…
Des personnages simplistes
Moi, je t’aimais pour tes personnages hyper cohérents, hyper construits, complexes, non-manichéens, qui évoluaient au fur et à mesure du récit ! Mais alors regarde, regarde un peu, je ne vais pas me taire parce que t'as mal aux yeux ! Que sont-ils devenus, tous ? Des personnages simplistes, prévisibles, des méchants très très méchants et des gentils dont on sait très bien qu’ils finiront forcément par s’accorder !
Tiens, dans cet épisode, la rencontre entre Jon et Daenerys, tu sais que ça fait vingt ans que je l’attendais ??? Vingt ans ? Vingt ans pour… ça ? Pour une scène qui fait l'effet d'un soufflé trop vite sorti du four ? Une scène cousue de fil blanc qui fait passer une fois de plus Jon pour un neuneu ? ("Comment ça, je vous jure sur la tête de mon père () kya des vilains zombies trop pas cools qui vont tous nous tchuer, et vous me croyez pas ??? Bâtards () !").
Ma réaction devant la quasi-totalité de cette scène
Jon et Tyrion qui se retrouvent, ça aurait dû faire plus d’étincelles qu’un simple résumé des épisodes précédents ! Que dire de Sansa et Bran, le roi du tact ("au fait, je t’ai pas vue depuis des années donc je vais te parler de ton viol dont je suis au courant grâce à mes pouvoirs chelous, au fait, ça gaze ?"). Et de Euron et Jaime ("elle aime les doigts dans le cul, ta sœur ?").
Et que dire de Sansa qui dit à Littlefinger que Cersei a tué son père, sa mère et son frère alors qu’en fait si tes scénaristes n’avaient pas une mémoire de linotte malade ils se rappelleraient que Cersei n’est en réalité responsable d’aucune de ces trois morts ???
Bon, j’avoue que tu t’es un peu rattrapée sur la fin avec le savoureux dialogue entre la Reine des Épines et Jaime, mais vu que la scène était aussi un peu un suicide scénaristique par ailleurs, je n’ai pas réussi à profiter autant des dialogues que j’aurais dû…
Plus de tension dramatique
Ah, et puis je t’aimais aussi pour ta gestion lente et patiente de la tension dramatique… Tu te souviens quand la mort d’un personnage important me faisait l’effet d’un coup de poing dans le ventre ? Quand tu prenais le soin et le temps de lentement construire ton intrigue et que l’évènement apparaissait à la fois logique et inexorable, choquant comme il se doit et résolument poignant ? Quand tu savais patiemment mettre en danger tes personnages sur un fil si mince qu’on tremblait pour eux à chaque instant ? Quand ton monde semblait parsemé d’embûches et de serpents ?
Ah, c’était le bon temps… Maintenant on sait que quoi qu’il arrive, les gentils s’en sortiront avec facilité et sans danger, qu’ils n’ont plus rien à craindre d’autre qu’un éventuel coup de guillotine de tes scénaristes – guillotine qui s’abattra de toute manière sans prévenir, donc sans qu’on ait le temps de s’en émouvoir. C’est donc au tour d’Olenna Tyrell de rejoindre toute sa famille dans la tombe. Et comme pour Margaery, qu’on avait pourtant tant aimée, c’est amené de telle façon… qu’on s’en contrefout comme de notre premier plat de nouilles.
Elle qui était l'un des piliers de la série. Merveilleusement interprétée par Diana Rigg.
Franchement, y’a pas comme un malaise, là ?
Franchement, ce gif me procure plus d'émotion que l'épisode tout entier
Et je passe sur l’écriture… Tyrion qui fait une explication de texte expliquant le contenu des images pour expliquer les péripéties militaires débiles de l’armée de Daenerys (qui visiblement avait piscine le jour où il a fallu prendre des décisions…), avec des apparitions aléatoires d’armées Lannister/Greyjoy ?
Je dis non. Juste non.
Un monde vide, sans mémoire ni cohérence
Mais je crois que le pire, c’est à quel point tu as dénaturé ton monde. Ce monde si riche, peuplé de cultures diverses, de myriades de personnages complexes, d’intrigues géopolitiques super crédibles. Maintenant on a l’impression qu’on est face à une poignée de personnages qui jouent à une partie de Risk. Et encore je suis gentille.
Parce que tu as oublié des joueurs en route, genre Littlefinger, qui, en tant que souverain du Val, devrait être l'un des acteurs majeurs de l’échiquier politique de Westeros, et non l’intrigant qu’il semble être dans les derniers épisodes. Cersei, qui a quand même fait sauter au napalm la moitié de Port-Réal et fait un coup d’État, et qui ne trouve pas grand monde pour le lui rappeler et semble hy-per populaire (la foule de Port-Réal est... ??? dans cet épisode ?). Et apparemment elle va rembourser les dettes du royaume grâce à une pochette surprise ?
Et puis bien sûr, il y a les joueurs dont tu cherches purement et simplement à te débarrasser de manière totalement cynique et je m'en-foutiste. Allez hop, exit les Martell, les Tyrell, oubliés le Val et le Conflans... Là encore, tu dénatures complètement ton récit.
Mais le pire, ce sont les apparitions aléatoires d’armées aux endroits où ça t’arrange. Ça, c’est vraiment très, très mal. Ça tue toute ton intrigue géopolitique, c’est juste n’importe quoi !
Du coup, Game of Thrones, j’ai envie de te donner un conseil : joue au jeu de plateau qui porte ton nom. C’est un hy-per bon jeu. Et tu y apprendras beaucoup : tu verras que pour gagner une guerre, il faut réfléchir un peu aux endroits où on place ses armées, ses soutiens, ses bateaux (non parce que la téléportation c’est vraiment de la triche, faut que t’arrêtes). Qu’il faut réfléchir à ses alliances (autrement qu’en les sortant du chapeau, hein !), à ses coups de bluff, à l’effet de surprise. À son influence politique, à sa force militaire, à l’approvisionnement de ses armées. À l’hiver qui vient…
Je tiens à préciser que je n'ai aucune action dans le jeu de plateau Game of Thrones
Ça risque d’être dur à entendre mais que veux-tu, j’ai mon franc-parler : oui, Game of Thrones, une simple partie d’un jeu de plateau un peu bien fichu crée une intrigue géopolitique considérablement plus cohérente et intéressante que celle que tu nous proposes. À vrai dire, j’en viens à penser qu’un générateur de scénario aléatoire ferait du meilleur boulot que toi.
Bref : ressaisis-toi !
J’ai aimé :
- Le dialogue Jaime-Olenna : « There are lessons in failure » / « You must be very wise now ».
- Le fait que la mort de Myrcella n’ait pas été totalement oubliée, en fin de compte.
- Heureusement qu’il reste quelques bons acteurs malgré tout.
- Oh les jolis paysages !
Je n’ai pas aimé :
- Trop de facilités tue la facilité.
- Trop d’incohérences achève de miner le peu de crédibilité de l’intrigue.
- Le fait que le déroulement de l’histoire soit cousu de fil blanc – ou bien au contraire totalement aléatoire.
- Ne plus ressentir la moindre émotion, surtout dans les scènes de rencontres et de retrouvailles très attendues, ainsi que dans les scènes de mort de personnages importants.
- Sentir l'indifférence arriver à grand pas.
- Les dragons, c'est bien, mais où sont les loups ?
Ma note : 08/20.
Le Coin du Fan :
- La justice de la Reine, en deux actes :
- Toujours sur Cersei, sa servante (Bernadette) semble suivre son évolution capillaire à la lettre :
- Jon Snow a beaucoup appris des sauvageons :
Tormund : "Tu as passé trop de temps avec nous, Jon Snow. Tu ne pourras plus jamais t'agenouiller de nouveau."
Daenerys : "Je présume, Seigneur, que vous êtes ici pour vous agenouiller ?"
Jon : "Non."
- Tel père, tel fils. Dans cet épisode, Jon Snow affirme à Daenerys ne pas aimer tuer... Comme son père :
"Il aimait marcher au milieu du peuple. Il aimait chanter avec eux."
"Rhaegar n'a jamais aimé tuer. Il adorait chanter." (comme Jon aussi)
- Nous n'en n'avions pas parlé auparavant, mais le générique a un peu évolué :
Cette comparaison "Avant/Après" montre la progression de la glace sur la mer. Ce passage pourrait éventuellement servir aux marcheurs blancs pour contourner le mur.
- Des problèmes avec la chronologie de la série et de l’épisode en général ? Pas de problème, le livre a la solution pour vous :
"Certains chapitres se passent pendant un jour, certains pendant une heure seulement et d'autres, un mois ou la moitié d'une année."
George R. R. Martin
À la semaine prochaine avec la critique de Galax !