Critique : Game of Thrones 2.04

Le 03 mai 2012 à 09:07  |  ~ 10 minutes de lecture
Depuis le début de la série, il manque quelque chose à Game of Thrones. On m’aurait demandé un épisode plus tôt ce que c’était exactement, je n’aurais pas su répondre, tout simplement parce que je n’en avais même pas conscience. Mais cet épisode, de par sa qualité exceptionnelle, comble une carence et m'a fait mettre le doigt sur certains éléments qui faisaient défaut à la série.

Critique : Game of Thrones 2.04

~ 10 minutes de lecture
Depuis le début de la série, il manque quelque chose à Game of Thrones. On m’aurait demandé un épisode plus tôt ce que c’était exactement, je n’aurais pas su répondre, tout simplement parce que je n’en avais même pas conscience. Mais cet épisode, de par sa qualité exceptionnelle, comble une carence et m'a fait mettre le doigt sur certains éléments qui faisaient défaut à la série.
Par Gouloudrouioul

Argh, non, c’est bon, vous pouvez ranger vos fourches. Je ne remets pas en cause la qualité générale de la série, bien sûr qu’elle reste très bonne. Si je devais situer le problème, je dirais qu’il se trouve au niveau de l’immersion. Il y a comme un mur entre les personnages et moi, une barrière qui m’empêche de m’immerger pleinement dans les différentes histoires. Pourtant je suivais la série sans m’en rendre compte, sans doute trop émerveillé par le formidable niveau de l’ensemble.

 

Game of Threnoes S02e04

 

Le fait est que Game of Thrones possède une quantité incroyablement élevée de storylines, et qu’il est par conséquent difficile de s’impliquer durablement dans l’une d’entre elles. C’est en tout cas ce que j’ai commencé à me dire en ce début de saison 2, qui nous mitraille de lieux et de personnages sans vraiment laisser le temps à l’empathie de naître chez le spectateur.
Mais ensuite je me suis mis à penser à The Wire. The Wire, qui possède également une quantité astronomique de storylines et qui arrive malgré tout à maintenir l’implication du spectateur. Cela prouvait que le problème n’était pas là, fondamentalement. Mais où pouvait-il donc se situer alors ?

 *suspense insoutenable*

En fait, j’ai eu ma réponse dans cet épisode. Ce qu’il manquait à Game of Thrones, c’était tout simplement un peu de vie. On les voit tous, depuis le début, s’agiter, comploter, dialoguer, avec moultes belles tournures, dans de beaux décors. Mais il ne suffit pas qu’ils nous décrivent oralement leur tristesse, leur joie ou leur crainte pour que l’on se mette à s’attacher à eux. Moi, en tout cas, ça ne me suffit certainement pas. Cet épisode réussit à pallier cela en montrant l’univers de la série sous un angle tout à fait nouveau : celui de l’horreur, de la déchéance. On sort, en quelque sorte, des nobles aspirations de tous les personnages, et on descend à une échelle plus humaine, moins politique, où les gens agissent davantage en fonction de leurs émotions qu’en fonction d’une stratégie à long terme.

 

Ah, the horror !

 

Comme l’a très bien dit CaptainFreeFrag dans sa critique, l’épisode précédent amorçait déjà cette volonté des scénaristes de se concentrer sur l’humain, plus que sur les situations. Mais ce qui le différencie avec l’épisode de cette semaine, c’est que celui-ci fait beaucoup moins dans la dentelle. Peut-être que certains n’aimeront pas, trouveront qu’il y a trop de surenchère. Moi je trouve au contraire que cela permet de montrer les hommes de la série (au sens large) sous un tout autre jour. C’est moins propret, plus rugueux, et beaucoup plus percutant. Comme si on nous exposait enfin des choses que l’on s’était gardé de nous montrer, comme si on dévoilait des aspects du monde de Game of Thrones que l’on voyait vaguement, de loin, le reste du temps. Il y avait certes du sexe, du sang, de la cruauté, mais ça restait tout à fait gentillet par rapport à ce qui nous est montré ici. On plonge dans une toute autre noirceur, qui me plaît énormément.

 

Game of Thrones

 

Je crois que pour toutes ces raisons, la storyline d’Arya est celle qui me plaît le plus, et ce depuis le début de la saison. Elle est en dehors de toute considération politique et suit son chemin dans un monde qui va mal. C’est par ses yeux que l’on découvre à quel point les petites querelles des nobliaux du coin engendrent la misère et la désolation sur le reste de la population. Et puis elle n’agit jamais en fonction de ses intérêts personnels, elle subit constamment le cours des évènements. C’est d’autant plus flagrant dans cet épisode, où elle se retrouve plongée dans la crainte de mourir à tout moment, selon le bon vouloir d’un simple seigneur.

Je vous le dis droit dans les yeux, à travers les nombreux pixels qui nous séparent : j’ai trouvé l’ambiance totalement folle. On ressent toute l’horreur de l’endroit, toute la cruauté de la chose, on voit à quel point les gens ne sont que du bétail dont la vie n’a aucune espèce d’intérêt. On comprend qu’Arya n’est qu’un grain de sable, jeté dans un engrenage qui la dépasse totalement.

Mais c’est tout l’épisode qui évolue sous la main de fer de la cruauté. Parallèlement, les autres personnages sont eux aussi loin de refreiner leurs pulsions barbares, à commencer par Joffrey qui se surpasse dans une scène absolument terrible de sadisme. Ce gosse est irrécupérable, vraiment. Vivement qu’il crève. (je précise que je n’ai pas lu les livres, donc aucun spoiler à l’horizon).


Tyrion se laisse également aller à ses penchants sauvages, et use et abuse de la peur avec son très cher cousin pour le faire chanter. Voilà que se dévoile à nos yeux un autre aspect du personnage, qui se dote d'une cruauté perfide et souriante, particulièrement appropriée à un nain. Le fait que les scénaristes attribuent au personnage une facette un peu plus machiavélique est appréciable. Cela permet de le nuancer, et de flouter du même coup la limite entre les manipulateurs sournois de la série et ceux qui conservent encore une éthique. Rien n'est binaire dans Game of Thrones, et cette scène est là pour nous le rappeler.

 

Félicitations ! C'est... une ombre informe et malfaisante... BEuragellhhhh..

 

Pourtant, ce qui fait que cet épisode est aussi puissant, c’est parce que cette noirceur contient paradoxalement une certaine beauté. Alors, je ne sais pas, peut-être que j’hallucine. En tout cas, j’ai personnellement trouvé l’épisode empreint d’une poésie et d’une profondeur que je n’avais pas perçues auparavant. Je ne parle pas d’une beauté purement formelle, je parle d’une beauté brute, sans fioriture, qui percute par sa sauvagerie. Je me suis senti touché par quelque chose de bien moins superficiel et de plus véritable que ces intrigues politiques où règne l'hypocrisie. La scène finale en est assez représentative, à vrai dire. Au-delà du choc provoqué par la surprise, il y a un aspect fascinant dans cette masse organique qui sort du ventre et qui se convulse, presque ineffable. Et puis bon, formellement tout court, il faut avouer que c’est assez magnifique. Moi j’en en ai eu des petits frissons, en tout cas.

 

Ouiiiiin ! Ouiiiiiiiiin !!
Ouiiiinnnn !! Ouiiiiiiiinnnn !!!!

 

D’ailleurs au niveau de la forme, Game of Thrones atteint des sommets qu’elle n’avait, je crois, jamais atteints. La musique commence à posséder une vraie identité et à être très agréable à écouter indépendamment de ce qui est montré à l’écran. La réalisation est tellement impeccable que j’ai eu à choisir entre une quinzaine de screenshot pour illustrer la critique. Tous, je dis bien tous, les plans sont magnifiques. Surtout qu'encore une fois les effets spéciaux sont d’une qualité remarquable pour une simple série. Il n’y a qu’à voir les décors de la ville-dont-je-ne-me-rappelle-plus-le-nom-où-arrive-Daenerys pour en avoir le cœur net.

En fait, une partie de l’épisode semble préparer le terrain pour la guerre à venir. Il y a tout d’abord le passage des Dothrakis et la petite piqûre de rappel comme quoi, quand même, la déesse des dragons, elle est pas venue crever sous le soleil pour compter les grains de sables et qu’elle compte poser ses fesses sur le trône de fer un jour ou l’autre. Cette scène apporte d’ailleurs son lot de choses intéressantes, à commencer par la présentation d’un peuple aux coutumes singulières, qui m’intriguent beaucoup. Elle permet également de montrer à quel point Daenerys n’est qu’une gamine qui n’est pas encore rodée à l’art de la diplomatie et qui se laisse facilement emporter par ses pulsions.


Mais quand il s’agit de la guerre, Renly et Stannis Baratheon répondent eux aussi présents. Leur rencontre, brillamment dialoguée, annonce un conflit beaucoup plus imminent qui risque bien de déclencher pas mal de trucs et de faire un petit effet boule de neige dans le royaume de Westeros.

 

Le mot de la fin

 

Le tout est d’une fluidité assez étonnante étant donné le nombre de scènes et de personnages différents. C’est tout aussi bien construit que l’épisode précédent alors que celui-ci présentait tout au plus trois storylines majeures. Ici, tout s’entrecroise à la perfection, ce qui bien prouve que le problème n’est pas dans la multitude, mais dans la façon dont les choses sont racontées. Pour tout vous dire, je n’ai littéralement pas vu le temps passer. Game of Thrones a une capacité d’immersion infinie, un monde passionnant et complexe qu’elle n’a pas assez exploité dans le passé, au profit des intrigues internes. C’est extrêmement dommage, parce que quand elle le fait on se retrouve happé dans son univers comme dans aucun autre univers à la TV.

 

Game of Thrones 

 

Avec cet épisode, Game of Thrones arrive à dépasser les simples histoires de trahisons et de complots et s’enfonce plus profondément dans les facettes obscures d’un monde décadent ainsi que dans la psyché des personnages, sans tomber dans le descriptif à outrance comme ce put être le cas auparavant. Frôlant par instant le sublime, la série prend une direction plus sombre et monte considérablement en puissance alors même que la guerre menace d’éclater à tout moment.

 

J'ai aimé :

  •  L'entrée dans l'horreur
  •  Le changement dans la narration (comme dans l'épisode précédent)
  •  La place accordée à la psychologie des personnages
  •  La claque visuelle que je me prends à chaque scène
  •  La musique, de plus en plus magnifique

 

Je n'ai pas aimé :

  •  ...
  •  !


16/20

L'auteur

Commentaires

Avatar Koss
Koss
Excellente critique mon cher Goulou. On sent bien le noob qui parle et ça, ça fait bien plaisir. Et très bonne vanne de Taoby dans les commentaire sur 39-45. Passons maintenant à la rubrique : Les Questions du Noob : Une seule question cette semaine : les types avec les pancartes publicitaires au look d'Assassin's Creed, ce sont les prêtres de la mort ou juste de simple convoyeur de fond de cadavre ou les deux ?

Avatar CaptainFreeFrag
CaptainFreeFrag
Ouais, ce sont les Soeurs du Silence, les prêtresses de la mort : elles s'occupent des cadavres, les ramassent parfois, les lavent, les veillent... En gros, elles ont un boulot sacrément excitant !

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Merci beaucoup tout le monde :) @Taoby : Ahah ouais. J'ai même failli comparer cet épisode à Berserk dans la critique mais je me suis abstenu. En tout cas je trouve que l'univers s'en rapproche de plus en plus et ça, ça me plait. @Garulfo : C'est là que je suis content de ne pas avoir lu les livres ! Comme je n'avais pas vraiment d'éléments de comparaison, j'ai quand même bien pris mon pied pendant le face à face grâce à la qualité des dialogues. Et l'ampleur de la chose, je trouve qu'on la ressent quand même, même si elle est juste suggérée par les drapeaux et autres... Par contre oui, ça aurait été bien qu'ils se débrouillent pour glisser subtilement dans la conversation le nombre d'hommes, histoire qu'on se fasse un peu une idée. Mais ça sera sûrement pour le prochain épisode, ça. @Altaïr : En fait c'est pas vraiment la beauté technique qui m'a frappée (même si parfois, wow, quand même), c'est plutôt le propos de fond de l'épisode. Par contre je trouve ça dommage qu'on ne montre pas cette espèce de guerre psychologique avec les Lannister dont tu parles, ça aurait été vraiment cool. Je me félicite encore une fois d'avoir résisté à la tentation de lire les bouquins, ça m'empêche toute frustration pendant l'épisode ! (et ça permet à Koss de me traiter de noob)

Avatar Koss
Koss
@ Goulou : Je m'inclue aussi dedans.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Oui je sais bien, pas de souci :D (au contraire même !)

Avatar yannick511
yannick511
Garulfo je ne pense pas qu'i faut comparer chaque scène de cette série avec chaque chapitre du livre car là c'est sûr tu vas aller de déception en déception. Il n'y a jamais mieux que l'original. Tu as eu la malchance de lire les livres et d'autres la chance de ne pas l'avoir fait. Mais c'est bien une série télé que l'on est en train de contempler et je pense qu'il faut le faire comme tel, et non pas comme une comparaison avec un livre.

Avatar pihug12
pihug12
Pourquoi les Dothrakis traversent tout le désert vers l'est (pour arriver à Qarth), alors qu'ils souhaitent récupérer le trône de fer à l'ouest ? J'ai peut-être raté les explications, mais j'ai l'impression qu'ils évoluent à l'aveugle.

Avatar Gouloudrouioul
Gouloudrouioul
Je pense que c'est parce qu'ils n'ont plus aucune ressource pour aller à l'ouest et qu'ils sont donc obligés de faire une halte à Qarth pour rester en vie.

Avatar CaptainFreeFrag
CaptainFreeFrag
Jorah Mormont l'explique dans le premier épisode : s'ils vont à l'Ouest, ils ont toutes les chances de tomber sur un khal qui réduirait leur petite troupe à néant ou à l'esclavage. Pas cool pour la Mère des Dragons !

Avatar pihug12
pihug12
Mais quel serait l'intérêt des khals à se combattre entre eux ? Les Dothrakis n'ont-ils pas un même "but" commun ? Bravo pour les quatre premières critiques au passage. J'ai pris beaucoup de plaisir à les lire.

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