Je crois que j’ai eu de la chance… la chance de critiquer les deux épisodes que j’aimais le plus dans la saison ; deux épisodes qui sont selon moi des piliers soutenant un ensemble parfois un peu trop inégal et inférieur à la saison 1. Le quatrième et le neuvième… Des emplacements stratégiques si vous voulez mon avis et qui ont permis de maintenir solidement certaines fondations ébranlées par la multitude des personnages et les élans clipesques de la mise en scène (mais gardons ça pour le bilan de saison).
Rythme !
Parce qu’ici pas question de s’égarer aux quatre coins du monde. Non, les regards se braquent sur un seul lieu et un seul évènement. C’est d’ailleurs ce qui rend l’épisode si intense : rien ne vient distraire l’attention du spectateur de cette affaire de première importance. L’immersion est totale. Il suffit d’éteindre ses lumières, de s’asseoir confortablement, d’attendre les premières notes du générique… Et là, la magie prend, cette impression d’être comme au cinéma, à espérer fébrilement la bataille du siècle dans un film que l’on attendait avec impatience. Le lieutenant de Stannis apparaît, marche jusqu’à la proue de son navire ; puis long plan séquence sur les dizaines de bateaux qui avancent silencieusement derrière lui. La musique devient entraînante. Et là, on sent que quelque chose de lourd se prépare.
Je ne pense pas que Game of Thrones ait jamais aussi bien géré le rythme d’un épisode. Forcément. La série était toujours là, à jongler avec les différents personnages et les différentes histoires, empêchant le spectateur de s’immerger durablement. C’était agaçant, et surtout terriblement frustrant au vu du potentiel sous-jacent de chaque storyline. Après avoir vu cet épisode, ma frustration n’en est que plus grande. Pourquoi, Ô dieux des séries, ne pas avoir calqué le schéma de cet épisode sur tous les autres (un évènement, un seul, par semaine) ? Car cet épisode était parfait - oui vous dis-je - parfait, au niveau du rythme et de la montée en puissance. Un instant j’ai eu peur que l’on ait trop de scènes de batailles inutiles, trop de parlotte chez les réfugiés, que l’introduction traîne en longueur… Mais que me fourrais-je le doigt dans l’œil.
Les actions et les coups de théâtre s’enchaînent ici avec la fluidité d’un (insérer ici un truc fluide stylé). Il n’y a jamais la place pour l’ennui. Quand la dose de sang, d’hémoglobine et de rugissements guerriers se fait trop importante, on part se délecter des dialogues entre Cercei et la petite princesse, pile le temps de nous redonner envie de refaire un tour sur le champ de bataille. Quant à l’introduction, elle est juste assez longue pour nous donner envie de balancer notre écran par la fenêtre de par la tension qu’elle provoque, et juste assez courte pour que l’on ne passe pas à l’acte. C’est ce que j’appelle le dosage parfait.
Il faut aussi signaler que la spécificité de cette bataille est qu’elle est porteuse de tonnes et de tonnes d’enjeux. Il est évident qu’une bataille pour une bataille, pour attirer un peu les gros crétins comme moi qui adorent les trucs épiques, n’aurait pas fait le même effet. Ici, on sait que l’issu des combats pourrait très bien changer radicalement la face du monde de Game of Thrones, et c’est aussi en grande partie ce qui nous tient en haleine.
Kabouuum
Mais l’aspect cinématographique de l’épisode ne se limite pas qu’à sa seule narration. Tous les moyens sont mis en œuvres pour marquer cette bataille d’une pierre blanche dans l’histoire des séries… A commencer par les moyens financiers qui permettent un nombre hallucinant de figurants et de plans larges qui ont pour ma part largement contribué à me faire sentir l’ampleur de l’évènement. On pourrait facilement rétorquer que cela n’a rien à voir avec l’ampleur d’une centaine de milliers d’orques avançant vers le gouffre de Helme, et que, quand même, ils auraient largement pu faire mieux avec le même budget. Ce à quoi je répondrai que l’on est trop habitué au numérique, et que l’on ne se rend plus très bien compte de ce que cela signifie : 1- Un budget colossal et énormément de travail (pour faire les dragons et l’ombre, ils ont dû casquer), 2- Une perte importante de réalisme, qui serait également une perte pour la série elle-même.
Oui, la bataille impliquait deux camps opposés aux effectifs nombreux, oui cela se devait d’impressionner le spectateur. Devait-ce pour autant justifier la démesure ? M’est avis que Game of Thrones a choisi le juste milieu… Sûrement en fonction de ses propres limites budgétaires, mais également je pense par choix de réalisation. Comment mieux retranscrire l’horreur d’une guerre, sa dureté, sa froideur, qu’en filmant la nuit, dans le brouillard, avec des plans serrés et des figurants humains ? Ce n’est pas comme si l’on ne montrait rien, comme si on sentait la série limitée dans ce qu’elle voulait raconter. Au contraire, elle se sublime au niveau de la mise en scène, et décrit l’horreur qui règne sur ce champ de bataille avec une grande efficacité.
Et puis elle sait se lâcher quand cela est nécessaire. Je suis content qu’elle l’ait fait d’ailleurs. J’aurais râlé si elle ne l’avait pas fait. Cette scène des explosifs, je l’ai trouvée merveilleuse. Je crois que j’ai personnellement était tout autant ébahi que les personnages par ce soudain feu d’artifice d’effets spéciaux. C’était bien joué de mettre ce petit tour de Tyrion au début de la bataille, comme une sorte de stimulant, qui allait annoncer la couleur de la suite.
Malheureusement - et c’est bien là l’un des seuls défauts de l’épisode – cela n’annonce pas vraiment la couleur de la suite. Quelques flammes vertes de ci-de là sur la plage, quelques petites carcasses de bateau discrètement disséminées… Apparemment, c’était un véritable cauchemar de flamme dans le livre, chose qui n’est pas vraiment exploitée dans l’épisode, ou trop peu longtemps. C’est dommage.
Half man ! Half man !
Oui, bon. Vous l’aurez compris. C’était bien fait gnagnagna, le juste milieu gnagnagna.
Mais en fait, ce qui m’a le plus captivé dans cet épisode, c’est sa dimension humaine, et comment la guerre permet de développer des choses que la série n’avait jamais auparavant pris la peine de développer. Encore une fois, j’ai trouvé ça dommage. Dommage qu’il faille attendre une guerre pour se rendre compte de l’ambiance sale et virile qui règne parmi la garde royale. Dommage qu’il faille attendre le son des tambours pour que l’on réalise les enjeux qui planent sur les simples plébéiens de la cité. Cela, la série aurait largement pu le développer dans les autres épisodes, ce qui aurait ajouté une toute autre dimension aux différentes intrigues politiques.
En tout cas j’ai trouvé l’approche très intéressante, et cela m’a permis de m’attacher un peu plus à King’s Landing, à ses us, ses coutumes, et aux simples gens qui suivent irrésistiblement le flux des querelles des hautes instances.
A vrai dire la guerre permet également une entrée dans la psyché de chacun des personnages beaucoup plus aisée que d’ordinaire. Dès que les protagonistes de Game of Thrones ont à gérer un évènement de taille, exit leurs manières ampoulées, leurs petits sourires sournois, et place aux vraies émotions qui n’ont pas lieu d’être dans la politique.
Hum… Mais qu’est-ce que je raconte moi… Bien sûr que les vraies émotions ont lieu d’être dans la politique. C’est la série qui nous fait croire le contraire.
En tout cas il y a une véritable empathie qui se crée à mesure que l’épisode avance, chose que je n’avais presque jamais ressentie auparavant dans la série.
Face à l’implacabilité de la guerre, les personnalités se découvrent et les voiles tombent. Certains s’émancipent, d’autre se révèlent au grand jour et les choses sont remises à plat, les cartes redistribuées après une saison entière de non-dits.
- Tout le monde est désormais au courant que le roi n’a pas l’once d’une couille et ne ferait rien pour sauver son peuple, ce qui risquerait bien de changer fortement la donne par la suite.
- A l’inverse, Tyrion met enfin à profit toutes ses capacités de leader, et montre qu’il peut être un excellent commandant. La situation se retourne : lui qui était détesté à cause de la réputation de Joffrey est finalement aimé de ses hommes après la désertion de son neveu.
- Le Limier part pour de bon, dans une scène que j’ai trouvée absolument géniale (je ne parle pas de celle où il est terrifié par les flammes, qui ne dure pas assez longtemps à mon goût), où il s’émancipe de toute étiquette et où il annonce très simplement et très dignement qu’il démissionne. A ce point précis du récit, le personnage prend une toute autre épaisseur. Moi qui n’étais pas particulièrement fan, il me tarde maintenant de le voir évoluer.
- Sansa suit ses pas, et ose enfin trouver le courage de s’enfuir. Elle aussi bénéficie d’un soin particulier et apparaît étrangement de plus en plus sympathique durant l’épisode, alors même qu’elle persiste dans son rôle de princesse pourrie gâtée.
- Cersei se voit attribuer une place importante, même si pas forcément nécessaire sur la fin. Ses monologues restent malgré tout très bien écrits et permettent au spectateur de changer un peu sa vision du personnage. Ce n’était pas nécessaire pour moi. Je l’adorais déjà.
- Stannis apparaît comme un dirigeant né, et son capital sympathie explose durant la bataille, alors qu’il fonce en première ligne (moyennant quelques incohérences que nous oublierons quand je claquerai des doigts… *clac*) sans craindre la mort une seconde. C’est d’ailleurs l’une des choses qui nous fait sérieusement douter de l’issue de la guerre.
Game of Thrones… Tu es parcourue d’éclairs de génie, et dès que tu t’enfonces dans la noirceur de ton univers tu entraînes le spectateur avec toi. Que ce soit des batailles, des tortures ou des monstres-bébés-pétrole, cela est toujours un prétexte pour visiter les motivations obscures de chacun des personnages et les ressortir au grand jour. C’est plus que jamais le cas dans cet épisode. La dernière scène contient d’ailleurs ce mélange d’horreur et de beauté qui caractérise de plus en plus la série. Pour moi elle marque clairement l’apogée de l’épisode, même si elle n’induit aucun véritable cliffhanger. Elle est magnifique esthétiquement et terriblement intense dans son sujet.
Au final...
Un épisode sans aucun propos et totalement incohérent, qui gâche tous ses moyens en choses inutiles et qui rate complètement le coche quand il s’agit de peindre l’ambiance de la guerre. Cela aurait pu être l’épisode qui aurait fini de brouiller les limites entre le cinéma et les séries. Ce n’est au final qu’une énième erreur d’HBO, la chaîne maudite qui enchaîne fisaco sur fiasco malgré un budget phénoménal.
… Nooooon, je déconne. Ca c’était pour ceux qui lisent la conclusion avant tout le reste. Ca leur apprendra.
Les attentes pour le dixième épisode sont en tout cas énormes. Même s’il n’y a eu aucun bouleversement majeur, la guerre est passée par là et a déchaîné des passions qui risquent de ricocher un peu partout dans le Royaume des Sept Couronnes. Tout le défi reste maintenant de faire tenir ces conséquences en un seul épisode.
Je n'ai pas aimé :
- Les quelques incohérences... Peut être, un peu. Mais regardez, hop, je claque des doigts.
J'ai aimé :
- Enfin une bataille à gros budget dans une série !
- Le rythme, radicalement différent.
- Le fait que les enjeux et les conséquences de la guerre soient finalement bien plus nombreux que ceux attendus.
- Ce que ça déverouille chez certains personnages.
- Tout le reste. Tout tout tout.
17/20