"Une couronne, même en enfer, me fait roi"
Malgré les confessions de Lee Moran, la justice refuse de libérer Daniel Grayson, essayant de trouver une faille dans cette étrange histoire de suicide. Pendant ce temps, Emily va à la rencontre de sa demi-soeur Charlotte et découvre que celle-ci a mené ses propres recherches sur son père biologique, traversant une grave crise d'identité. Elle découvre alors une étrange photo de David Clarke datant du jour de sa mort, révélant certains secrets que Nolan s'est efforcé de lui dissimuler.
Résumé de la critique
Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une héroïne en quête de vérité
- l'assèchement des sentiments comme moteur de la tragédie
- esthétiquement superbe, mais un rien déséquilibré entre les intentions et le fond
- une tonalité mélancolique assez juste
Ad perpetuam Rei Memoriam
La fin de saison approche pour Revenge et il est temps de dissiper certains secrets tout en laissant apparaître une orientation claire pour les trois derniers épisodes. Ainsi, le tueur mystérieux du père d'Emily a enfin un visage tandis que les Grayson s'entre-déchirent avec la conclusion d'un procès qui marque la fin de l'union sacrée, posant clairement la question de l'avenir pour Conrad. Celui-ci subit un dernier coup de Victoria qui choisit de briser en partie leur pacte de silence pour le punir d'avoir détruit sa relation avec Dominik, laissant apparaître une vérité manipulée par ses soins pour faire endosser à son ex-mari le rôle du méchant.
Pour Emily, la révélation sur la mort de son père la ramène à tenter de reconstituer les derniers instants de David Clarke pour trouver la piste de son meurtrier. Une quête qui va la pousser à déterrer de nombreux secrets assez inattendus, les auteurs retrouvant leur capacité à nous prendre au dépourvu lors de sa confrontation musclée avec Nolan. Sur un registre moins théâtral et plus sensible, Gabriel Mann abandonne sa morgue habituel et apparaît dans toute sa faiblesse, loin de l'arrogance de nouveau riche qu'il affichait dans les premiers temps, le début de l'hiver venant révéler la vraie nature de chacun des personnages.
La réponse concernant l'identité du meurtrier de David Clarke va venir des Grayson, le temps gardant la trace des faits par le biais d'un journal écrit dans l'urgence qui marque la volonté des auteurs de sortir du cadre confortable du début de saison. Plus abrupte et moins superficielle, l'intrigue gagne en épaisseur et permet d'installer une tension supplémentaire alors qu'Emily approche de son but. Le problème se pose alors sur sa capacité à sortir du cadre des informations fournies par son père et à pousser plus loin l'investigation pour découvrir le secret caché derrière son meurtre.
Compliquant la situation d'Emily, ses révélations laissent entrevoir la nécessité d'inscrire son plan sur une durée plus longue, l'obligeant à trouver un point d'ancrage auprès de la famille Grayson. La nature de ses sentiments envers Daniel devient décisive, la romance des premiers jours cédant place à la froideur mécanique du quotidien, alors qu'une distance s'installe entre les deux. Particulièrement bon depuis deux épisodes, Joshua Bowman va être la surprise de ce dernier acte, son interprétation gagnant en finesse depuis le virage tragique du show.
L'hiver et ses conséquences
Le grand changement de cette fin de saison de Revenge est formel, l'irruption de l'hiver venant éteindre les passions du début de saison et d'un été léger et plein d'espoir réduit à quelques souvenirs. Le cerveau prend alors le pas sur le coeur et le soap léger et foisonnant laisse place à une tonalité tragique séduisante, preuve que les auteurs maîtrisent parfaitement la forme de leur série. Donnant une place importante aux saisons, les auteurs surprennent sur ce point, proposant un choix esthétique inattendu, celui d'inscrire la série dans un torrent de couleurs pâles et ternes, donnant le ton d'un script où la raison et le matérialisme viennent terrasser les utopies ensoleillées d'une insouciance sur le point de s'éteindre.
Ainsi, le personnage de Daniel marque un virage totalement inattendu, confronté à un choix entre l'honneur de sa famille et ses rêves utopiques d'adolescent, entre l'influence d'Emily et celle consistant à assumer son rôle dans la famille. Moins naïf, il fait le choix le plus responsable, montrant un désir inattendu de s'affirmer en optant pour la famille au détriment de sa liberté. Devenu jaloux et faible à cause d'Emily qu'il associe désormais inconsciemment à son inculpation et à la mort de Tyler, le fils préféré choisit sa voie, marquant le début d'un hiver par sa volonté de refonder la famille autour de lui.
Chargé de signification, le coup de théâtre de l'interview de Daniel montre le nouveau niveau de subtilité inattendu atteint par Revenge, marquant une cassure dans la relation d'Emily avec son fiancé. Le rythme se ralentit et les romances du début de saison s'étouffent peu à peu pour virer au règlement de compte, comme dans le cas de Declan et de Charlotte où les meilleures intentions du fils Porter ne font que détruire les derniers sentiments qu'elle avait pour lui. L'hiver tombe sur les coeurs et l'esthétique s'en ressent, avec une tonalité plus sombre dans les musiques qui cherche à appuyer l'orientation tragique de cette fin de saison.
Une musique très réussie, une réalisation parfaitement soignée qui fait le charme de l'épisode, mais se heurte à quelques lacunes, l'intrigue se révélant un ton en dessous des ambitions affichées par les scénaristes. Abandonnant définitivement le registre du soap, Revenge est plastiquement remarquable, mais se heurte assez vite aux limites d'une intrigue moins solide que prévue.
Nature morte
La scène qui m'intéresse à ce point de la critique concerne Emily, celle-ci éteignant une bougie discrètement, offrant la vision d'une nature morte sur la table du salon. Ces références répétées à la peinture sont autant d'éléments soulignant le soin apporté à l'esthétique de la série, les auteurs montrant une ambition à vouloir gagner en respectabilité. Seulement, si les intentions sont louables, le résultat ne parvient pas à convaincre totalement, la faute à un personnage de David Clarke qui n'existe qu'au travers de quelques flashs, présenté selon le seul point de vue d'une fille entièrement vouée à sa cause.
Malgré ses nombreuses qualités et le travail impressionnant des auteurs, certaines ficelles sont un peu trop apparentes et les luttes de pouvoir entre Conrad et Victoria s'essoufflent peu à peu, reposant de plus en plus sur l'indéniable talent des comédiens. Certaines facilités sont à souligner, comme l'ellipse concernant les moyens avec laquelle Emily remonte la trace de l'ancienne alliée de son père, donnant un léger manque de crédibilité à une storyline parfaitement bien mise en valeur. En effet, si Revenge excelle dans la narration des luttes de pouvoir, elle peine à régler certains détails comme le destin de Dominik et d'Amanda Clarke, encore en suspens.
Le spectateur reste conquis, mais si Revenge offre un divertissement de grande qualité par le travail de ses auteurs du point de vue esthétique et certains rebondissements bluffant, il manque cette touche d'imprévisible, ce sentiment d'une direction forte dans la progression du récit pour être totalement comblé. Trop ambitieuse, l'équipe créative offrent un show rempli de promesses, mais qui ne parvient pas à satisfaire totalement un spectateur devenu difficile, malgré l'orientation inattendue et surprenante d'une fin de saison au ton résolument mélancolique.
La vengeance est un plat qui se mange seul
Après un début de saison frénétique sous le signe du chaos et de la passion, Revenge joue, par le biais d'un saut temporel, sur le registre de la mélancolie, tristesse par rapport à une magie estivale qui a disparu. Ainsi, les histoires d'amour virent à l'aigre, les familles se désagrègent et la nature triste de Daniel a pris le pas sur son idéalisme. Un mouvement d'ensemble très bien orchestré lors de la confrontation entre Jack et le fils Grayson, venant témoigner de l'absence d'illusion et le cynisme de celui-ci, ne s'envisageant plus qu'au travers de son travail au sein de l'entreprise familiale.
Loin de demander l'absolution, les personnages de Revenge font le choix de céder à leur désir de pouvoir, préférant la corruption du pouvoir à ses désirs de liberté qu'Emily s'est lentement efforcée de détruire. En conclusion, un épisode élégant et captivant, mais qui ne renoue qu'en partie avec ce style très immersif qui faisait la force du show à la mi-saison. Esthétiquement très soigné, il achève la mutation d'un soap léger et sympathique à une tragédie intense, emplie d'un profond cynisme concernant l'âme humaine. Malgré quelques fautes de goût, difficile de ne pas apprécier une série aussi ambitieuse formellement, mais qui pêche par orgueil à cause de quelques facilités narratives trop flagrantes.
J'aime :
- la performance de Joshua Bowman
- la scène de l'interview de Daniel
- les révélations sur Nolan
- la direction artistique impeccable
- le décor hivernal
Je n'aime pas :
- quelques facilités dans la progression de l'intrigue
Note : 15 / 20
Un épisode très réussi qui confirme le travail impressionnant des auteurs concernant la forme d'ensemble du show, avec une gestion des couleurs ingénieuses. Très bons, les acteurs, Joshua Bowman en tête, sont au diapason d'une histoire qui séduit par sa tonalité mélancolique, mais se permet quelques facilités regrettables qui gâchent le visionnage.