Une modification totale de la forme
Thanksgiving approche, l'occasion pour Tessa de regretter une fois de plus l'époque où elle vivait à New-York avec son père, découvrant une conception de cette fête très différente à Chatswin. Lors d'une séance chez le coiffeur avec Dallas, elle obtient de celle-ci qu'elle l'emmène à New-York où elles vont, par inadvertance, apercevoir Georges en compagnie d'une jeune femme. Pendant ce temps, les Shay préparent leur grand Thanksgiving familial, offrant à Lisa l'occasion parfaite pour s'opposer à sa mère.
Résumé de la critique
Un épisode vraiment réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une révolution dans le ton et la forme qui fait du bien
- le duo Tessa - Dallas plus efficace
- une profusion de personnages qui laisse beaucoup de regrets
- une nouvelle orientation à confirmer

La déclaration d'indépendance de Chatswin
Habituel spectateur déçu de Suburgatory, je me désespérais à trouver le courage d'un épisode de plus, inquiet par le mauvais souvenir des habituels épisodes Thanksgiving bien pensant et balourd. Pourtant, à ma grande surprise, cet épisode m'apparaît clairement comme l'un des meilleurs de la saison, laissant un grand espace d'expression à des comédiens jusqu'ici restreint à ne jouer que les figurants. Une raison à cela, l'explosion du cadre restreint de la série, abandonnant Tessa et Georges au profit des autres habitants de Chatswin et en particulier de la famille Shay.
Devenu agaçant à occuper perpétuellement le devant de la scène, la famille Altman est abandonnée par des scénaristes qui osent enfin donner un peu de matière aux trois familles principales qui composent ce quartier. Les Shay sont les premiers à sortir de leur rôle de voisins énervants pour devenir une entité à part entière, offrant un peu d'espace à une Ana Gasteyer vraiment formidable en mère manipulatrice. Les personnages s'épaississent et le mari de celle-ci forme avec elle un duo très complémentaire, se posant en victime volontaire subissant perpétuellement le caractère de son épouse.
Chatswin prend son indépendance au sein d'un récit foisonnant et un rien chaotique, mais qui accorde enfin un peu d'espace à une troupe de comédiens assez étonnant, tout en détruisant en partie l'identité de la série. L'occasion de constater qu'en insufflant un peu de vie à leur univers, les auteurs semblent avoir trouvés un espace de liberté synonyme de créativité, avec plusieurs dialogues vraiment amusants. Moins railleuse et plus humaine, Suburgatory se transforme pour le mieux et sort de son cadre trop rigide pour se recentrer sur le thème de l'identité maternelle.
La fille et le substitut de mère
Malgré ses efforts pour atteindre Georges à travers elle, le substitut de mère du titre désigne New-York et non Dallas, The Big Apple ayant occupée pour elle presque maternel. Finalement, son refus de Chatswin vient surtout de sa peur de perdre son identité et de son besoin de conserver une attache avec certaines valeurs, cette ambiance particulière qui définit les grandes villes. Quiconque à voyager sait qu'une ville a toujours une ambiance, un climat que le différencie d'une autre, un caractère fort dont il est difficile de s'arracher.
Le voyage de Dallas et Tessa à New-York est peu crédible, mais marque une modification profonde et importante dans les rapports entre ces deux personnages. Si la découverte de la liaison de Georges n'apporte pas grand chose en apparence, elle modifie la relation entre les deux, brisant le lien fusionnel entre Tessa et son père. Le substitut de mère devient alors Dallas, celle-ci partageant avec elle un souvenir fort, s'associant dans son inconscient avec la destruction de l'image du père. Le thème de départ sur l'image maternelle revient alors au coeur de l'intrigue, à savoir la peur de Tessa par rapport aux autres femmes et son refus de voir celle-ci s'immiscer dans leur existence en la privant de son pouvoir.
En plaçant l'intrigue du point de vue des habitants de Chatswin, Suburgatory oblige ses personnages principaux à s'intégrer et à établir des connexions, ouvrant le spectateur sur un univers surprenant. Différentes conceptions du bonheur s'affrontent lors du repas final, les mères jouant un rôle de baromètre dans ce domaine au sein des familles.

Les indiens, les pèlerins et la difficulté d'être heureux ensemble
La scène finale est très intéressante, car elle prouve que Suburgatory réussit dès qu'elle recentre son récit sur un thème principal : la famille comme concept abstrait, mais aussi de concret comme moteur de l'aspect comédie du show. Voir les maris se faire désavouer par leurs épouses est un vrai bonheur, offrant un catalogue de personnages étonnants, femme castratrice pour certains, manipulatrice ou juste lassée. Leur besoin d'avoir le contrôle sur leurs maris vient en écho au cauchemar de Tessa de voir une autre femme s'insinuer dans sa relation avec son père.
Si sa colère peut paraître pour de la jalousie, la vérité est bien plus complexe : en vivant une histoire d'amour à New-York, c'est Tessa qu'il trahit et la raison même de leur présence en banlieue. En déménageant, il n'a finalement pas cherché le bonheur de sa fille, ni le sien, bouleversant au passage l'axiome de départ de la série, posant du même coup la question du véritable motif de leur présence à Chatswin. Creusant ses propres origines, Suburgatory cherche à modifier son identité en profondeur, la dynamique actuelle du show peinant à offrir un vrai espace de créativité aux auteurs.
Plus ouverte sur les autres, la série déplace son centre de gravité, libérant les Altman d'une partie du poids en se focalisant sur le quartier en général. Les nombreuses scènes chez les Shay sont suffisamment réussies, malgré un final un peu maladroit et facile, pour confirmer la nécessité de poursuivre cette modification, donnant une bouffée d'air à une série qui en avait bien besoin.
Un changement à confirmer
Malgré un scénario maladroit et des personnages difficiles à identifier, cet épisode m'a particulièrement plu, surtout par son côté foisonnant et plein de promesses. Espérons que ces nouveaux individus seront exploités par la suite, le show proposant un esprit de troupe assez réjouissant au travers d'une vision cynique et réjouissante du couple. Moins fermée sur son duo vedette, Suburgatory nous offre un épisode en forme de bol d'air, en espérant que le suivant ne nous enferme pas de nouveau dans l'univers fermé de la famille Altman.
En conclusion, un épisode assez réussi, modifiant en profondeur l'identité de la série avec un certain culot, allant jusqu'à remettre en cause son principe de départ. L'intrigue délaisse Georges et Tessa pour se concentrer sur différentes familles, donnant un peu d'épaisseur à un univers franchement réjouissant. Le conflit entre les Shay, porté par une Anne Gasteyer impeccable, est le point d'orgue qui prouve que Chatswin est le vrai coeur d'une série qui gagne à se montrer plus humaine.
J'aime :
- le casting plutôt réjouissant
- le changement dans la structure de la narration judicieux
- une vision du couple féroce et plutôt drôle
Je n'aime pas :
- un scénario moyennement crédible
- un changement d'identité brutal entraînant une multiplication excessive des personnages
Note : 13 / 20
En abandonnant ses personnages principaux au profit d'un univers qui gagne en épaisseur et devient un peu moins caricatural, Suburgatory entame une métamorphose qui apporte un vrai espace de liberté aux auteurs. Un épisode plutôt réussi et sympathique, mais qui marque une remise en cause profonde du point de départ du show, mais ouvre une perspective d'évolution plutôt réjouissante.
