Faire le choix de suivre son instinct
Will Mc Avoy est le présentateur d'une émission d'information, il est réputé pour son sale caractère et son style évasif concernant son opinion personnelle, en particulier concernant la question politique. Seulement, lors d'une conférence avec deux autres éditorialistes, il prend brutalement le parti d'attaquer une jeune étudiante en affichant sa déception concernant l'évolution de l'Amérique et son refus d'adhérer à l'un ou l'autre de deux grands partis. Après plusieurs semaines de vacances forcées, il revient au sein de sa Newsroom et découvre que son producteur exécutif part sur un autre créneau avec une bonne part de son équipe.
Résumé de la critique
Un épisode assez captivant que l'on peut détailler ainsi :
- un énergie remarquable et une qualité d'écriture indéniable
- le combat entre idéologie et pragmatisme
- un pilot très bien structuré et efficace
- une jolie réussite
La patte Aaron Sorkin
Après ce pilot de The Newsroom, une première chose saute directement aux yeux, à savoir le talent de dialoguiste d'Aaron Sorkin, créateur pour les plus jeunes d'entre vous de l'excellente The West Wing. Dans chaque réplique, le spectateur retrouve ce mélange entre subtilité et intensité qui fit les beaux jours de NBC dans les années 90, surtout lors d'une scène d'ouverture remarquable qui pose parfaitement le personnage principal. En quelques répliques, le portrait est brossé, clair et dynamique, celui d'un éditorialiste blasé qui ne croit plus en un débat démocrate - républicain stérile et dans l'idée que l'opinion d'un homme, même bien argumenté, puisse convaincre qui que ce soit.
Pourtant, après ce démarrage remarquable et malgré la performance de Jeff Daniels, le show peine à se maintenir à ce niveau de qualité, les premières séquences dans la Newsroom laissant une impression assez confuse. La tâche est difficile pour les auteurs, l'émission de Will connaissant une vague de départ sans précédent après ses propos perçus comme anti patriotiques par l'opinion publique . En cherchant à appuyer l'aspect ambigu de Mc Avoy, à la fois insupportable et attachant, les scénaristes perdent légèrement le spectateur, la complexité du personnage empêchant le processus d'identification de s'exercer pleinement.
Heureusement, la suite va vite retrouver du dynamisme avec l'arrivée de sa nouvelle productrice, Mackenzie MacHale, jouée par une Emily Mortimer impeccable. C'est cet événement qui va marquer le vrai commencement du show. Nommée par l'un des cadres de la chaîne, Mackenzie possède un passif assez lourd avec son présentateur vedette, qui va entraîner une scène de dispute étonnamment longue et remarquable, posant efficacement les bases du duo. Le débat entre Will et elle va alors faire rage, opposant l'idéalisme de l'une au cynisme d'un homme qui vient de constater combien les médias d'aujourd'hui sont forts pour détourner, morceler les propos d'une personne afin de les vider de toute substance.
L'association paraît impossible et condamnée d'avance avant que l'histoire vienne créer une opportunité unique avec l'annonce d'une rupture de pipeline dans le golfe du Mexique. Le rythme s'accélère alors et le show trouve enfin ses marques, déployant une efficacité spectaculaire qui ne peut qu'entraîner l'enthousiasme dans son deuxième acte. La précision de l'écriture, le style quasi-documentaire du show donne sa crédibilité à une série qui s'emballe, montrant tous les rouages d'une mécanique bien huilée.
Le réalisme contre la force de conviction
Scénariste défenseur des idéaux d'une Amérique où la politique n'est pas un spectacle, Aaron Sorkin oppose au travers du débat entre Will et Mackenzie deux visions du journalisme. Au cynisme désarmant de Mc Avoy répond la conviction forte d'une femme qui cherche à réveiller chez son ancien amant une foi disparue sous des années de déception et de frustration. La discussion prend alors une tournure terriblement passionnée que le show rappelle par certains aspects The Hours où la question du rapport du journaliste à l'information était déjà clairement mise en avant.
Mais à la différence du style intimiste et comploteur de la série anglaise, les auteurs de The Newsroom nous jettent dans le grand cirque médiatique, les journalistes se lançant sur la base de pistes pourtant assez minces. Petit à petit, ils vont obtenir la confirmation de leurs dires, mais une telle gestion de l'information paraît légèrement gênante, mélange d'enthousiasme communicatif et d'irresponsabilité flagrante. De même, la façon dont Jim dispose de source inattendue paraît un peu trop facile, laissant apparaître quelques facilités que les auteurs préfèrent s'accorder pour ne pas casser le rythme de l'ensemble.
Tout n'est donc pas parfait, mais le show possède un enthousiasme, une énergie qui suffit à passer outre les faiblesses évidentes d'un épisode concept, donnant les bases d'un show encore à l'état d'ébauche. Certains personnages comme Jim s'impose clairement, tout comme le patron des programmes joué par Sam Waterston, emprunt assez évident à The Hour qui apporte un soutien sans faille à la nouvelle ligne éditoriale de l'émission. La force de conviction l'emporte alors, balayant les reproches d'un spectateur surpris par l'efficacité, le rythme très soutenu et le potentiel de l'ensemble.
Pourtant, avec le recul, le show est loin d'être parfait et les ficelles des scénaristes paraissent un peu trop évidentes, cherchant avant tout à donner un acte fondateur au duo Will-Mackenzie. Un couple vedette qui va être la colonne vertébrale de la série, cette association montre que le show privilégie clairement un certain classicisme, celui des séries des années 90. Seul reproche, la scène finale est peut-être de trop, même si elle permet de révéler le rapport particulier qui existe entre Will et sa productrice, celle-ci essayant de réveiller en lui des sentiments refoulés par des années de résignation.
Une structure très efficace
Bien que le show soit diffusé sur HBO, cette série aurait clairement pu trouver sa place sur un grand network tant son architecture est d'un classicisme revendiqué. Partisan de la structure en trois actes, Aaron Sorkin se place dans les pas des grands films sur le milieu de la presse, employant toutes les ficelles classiques du genre lors d'une dernière demi-heure assez héroïque. Tout est parfaitement calibré, avec un happy-end un peu excessif, pour construire ce pilot comme un acte fondateur qui va servir de base à la constitution de l'équipe travaillant au sein de la Newsroom.
Les maladresses des moins assurés d'entre eux disparaissent dans la frénésie de l'instant, donnant à tous ce petit plus d'enthousiasme qui justifiera leur fidélité par la suite. Mais la vraie bonne idée de The Newsroom est de se pencher sur des scandales réels, de faire de la vraie information, Aaron Sorkin sachant parfaitement que la fiction ne possèdera jamais la richesse de la réalité. En se plaçant deux ans en arrière par rapport aux faits, les scénaristes profitent du recul nécessaire pour porter des accusations crédibles tout en détaillant clairement les causes à l'origine, ici, de la catastrophe du golfe du Mexique.
Comme The Hours avec la crise du canal de Suez, les créateurs du show profitent du travail des journalistes, offrant une actualité suffisamment proche de nous pour nous captiver tout en ayant le recul nécessaire pour juger correctement les répercussions de chaque évènement. L'écriture est précise, le soin apporté aux détails suffisamment marqué pour venir éclairer d'un éclairage nouveau cette catastrophe écologique sans précédent. C'est clairement sur ce point que le show apparaît le plus fort, offrant un concept ingénieux et potentiellement explosif, les auteurs possédant la possibilité de poser un regard nouveau et décalé sur l'histoire américaine contemporaine.
Inégal, mais enthousiasmant
Avec ce pitch qui rappelle par certains aspects The Hour, le complot en moins, The Newsroom était attendue avec méfiance, l'auteur de The Social Network restant une référence de la télévision américaine. La première scène impose d'entrée un projet ambitieux, celui de sortir de l'opposition classique entre républicains et démocrates pour parler un langage différent, motivé par la soif de vérité. Un enthousiasme et une force de conviction qui emporte le récit, chassant les défauts d'une première partie parfois inégale, les personnages peinant encore à s'imposer pleinement.
En conclusion, une très bonne surprise pour cette série attendue, nouvelle création de l'auteur de The West Wing qui nous offre des dialogues tout simplement remarquables et une scène d'introduction superbe. Si la première partie au sein de la Newsroom manque un peu d'énergie, c'est avant tout pour mieux marquer le décalage avec la frénésie du dernier acte où l'histoire entraine tout sur son passage et réveille la fibre journalistique des différents personnages. Cette dernière demi-heure est une réussite indéniable, preuve que le show possède la capacité de nous faire partager cette frénésie de l'instant où l'histoire se fait en direct.
J'aime :
- la dernière demi-heure héroïque
- la qualité des dialogues
- la première scène remarquable
- une réalisation impeccable
Je n'aime pas :
- un léger trou d'air dans le premier acte
Note : 14 / 20
Ecrite par Aaron Sorkin, The Newsroom ne pouvait être une série comme les autres et ne déçoit pas sur ce point, posant dès la première scène une ambition assez remarquable. Une plongée très addictive dans le milieu d'un journal d'information, théâtre d'une lutte entre un présentateur blasé et réaliste et une productrice idéaliste à la recherche de l'enthousiasme des premiers temps.