Un univers qui vit selon deux rythmes différents
L'équipe de Will McAvoy célèbre le début de l'année 2011 au sein des bureaux où Will se présente non accompagné et va chercher à se sociabiliser pour oublier sa rancœur envers Mackenzie. Malheureusement, sa rencontre avec une journaliste de tabloïd s'achève plutôt mal, celle-ci lui envoyant son verre à la figure à la vue de tout le monde, lui donnant une réputation de goujat. Pendant ce temps, Don tente de caser Jim avec la colocataire de Maggie, causant une certaine nervosité chez sa petite-amie.
Résumé de la critique
Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une suite d'humiliation plutôt réjouissante pour Will
- un épisode plaisant et bien structuré dans son premier acte
- une deuxième partie plus convaincante
- une progression du show dans la bonne direction
Les femmes et Will
Plus la série progresse, plus le personnage de Mc Avoy ressemble à un prolongement d'Aaron Sorkin, affichant ses convictions sans aucune notion de bienséance, laissant l'image d'un prétentieux goujat et élitiste. Au final, Jeff Daniels n'est pas allé chercher très loin le modèle de son personnage, montrant envers les femmes une maladresse qui le transforme en goujat incapable de modérer ses propos. Avec cet épisode, le personnage de Will prend enfin sa forme définitive, affichant une maladresse avec les femmes qui va lui valoir plusieurs verres dans la figure.
Centré sur la vie privée et professionnelle de Mc Avoy, cet épisode prend comme départ la célébration du nouvel an, occasion pour les auteurs de montrer la différence entre le présentateur imperturbable de l'actualité et la maladresse de l'homme du quotidien. Si la première scène de la série avait dressé le portrait d'un homme d'opinion indépendant et volontaire, cet épisode laisse apparaître le revers de la médaille à ce caractère bien trempé, à savoir son incapacité à écouter sans juger l'opinion de l'autre. Ainsi, la discussion entre lui et le petit-ami de Mackenzie est pris dans les deux sens, à la fois professionnel et personnel, Will interprétant ces propos de la manière qui l'arrange.
Dès lors, les scènes où le héros tentent de se justifier sont de loin les plus drôles, ayant pleinement conscience de sa mauvaise foi qu'il finit toujours par mettre en évidence. Essayant de passer pour le parfait gentleman, Will apparaît comme un mufle car il est déphasé par rapport à une époque où le spectateur ne veut plus être éduqué, mais divertit. Difficile de ne pas voir un message personnel d'un auteur qui affirme dès le générique son affection pour un classicisme revendiqué, The Newsroom possédant une écriture d'une sincérité assez touchante pour le personnage de Jeff Daniels.
Les scènes entre lui et Sam Waterston sont d'ailleurs les meilleures de l'épisode, deux briscards d'une même génération qui se comprennent et parlent le même langage, symbole d'une série en décalage avec son époque. Seulement, face à une époque moderne où la vie privée est devenue le terrain d'une presse avide de scandales, les deux hommes paraissent assez démunis, en particulier Will qui cumulent les impairs. Bien construit, l'épisode possède des dialogues impeccables, laissant apparaître les deux visages de Will pour lui donner enfin la cohérence dont il manquait.
Le temps de la réflexion
En abandonnant l'unité de temps des premiers épisodes, Aaron Sorkin a eu la première bonne idée de cette saison, choisissant de ne pas s'enfermer dans un format, prenant conscience de la nécessité de construire l'épisode autour d'un thème particulier. La première partie est assez lente, avec un travail de remise en cause pour la rédaction, l'occasion d'aborder certains sujets avec le recul nécessaire. Chaque journaliste en profite pour exposer à Will un sujet de son choix, donnant l'occasion de mettre en évidence les différentes sensibilités des membres de sa rédaction et de leur donner un peu plus d'épaisseur.
Une pause intéressante qui ne s'avère pas tellement bien exploitée, en particulier concernant le personnage de Dev Patel dont l'évocation de Bigfoot s'avère plus agaçante qu'autre chose. Vite irritant, ce running gag sert à appuyer le thème principal autour de la nécessité de conserver une certaine ouverture d'esprit, mais crée un sentiment de redondance assez déplaisant. Si Sorkin maîtrise parfaitement la comédie du point de vue des dialogues, ces tentatives dans le domaine du comique de situation sont bien moins concluantes, point noir principal de la série jusqu'ici.
Comme pour chaque épisode, Sorkin soigne la structure de l'épisode au maximum, convaincu qu'une construction bien équilibré et parfaitement maîtrisée suffira à produire un épisode de qualité. Seulement, dès qu'il s'agit de faire rire, The Newsroom manque de cette touche de spontanéité qui ferait la différence, même si la séquence du portable est largement moins affreuse que celle de l'E-mail. L'humour vire parfois au pathétique, la faute à quelques personnages encore peu convaincants et une rédaction qui peine à exister face au duo formé par Will et Charlie.
Le temps donné à la réflexion va remettre sur la table un triangle amoureux qui peine toujours autant à prendre, les auteurs proposant plusieurs ajustements intéressants, en particulier concernant Don qui sort du registre de bellâtre de service. Sa manipulation pour caser Jim se révélant plutôt amusante, solution logique pour écarter un rival en évitant les psychodrames du début de saison. Le principal problème des auteurs restent Maggie qui apparaît comme une entrave à la progression de l'intrigue, transformant Harper en un boy-scout passablement inintéressant.
Trop pénible et indécise, la jeune femme fait tourner la série en rond, là où The Newsroom gagnerait à se montrer dynamique et à placer ses personnages devant la nécessité d'évoluer dans un monde en perpétuel mouvement.
La différence entre l'actualité et le quotidien
Après une première partie assez lente de mise en place, Sorkin accélère son intrigue au rythme des humiliations de Will avec plusieurs bonnes inspirations et quelques mauvaises, laissant voir la légère immaturité de Will. Une accélération du récit qui mène à un final tambour battant, obligeant les héros à tenter de rattraper le rythme effréné de l'actualité tout en essayant de réfréner leur envie de faire un scoop en s'obstinant à vérifier leurs informations. Lorsque l'intrigue s'emballe et que la frénésie gagne la rédaction, The Newsroom prend sa forme la plus séduisante, donnant un final théâtral assez plaisant.
En délaissant la rancune de Will envers Mackenzie pour les faire travailler en équipe, la série impose un duo charmant et efficace, posant la question de l'inutilité de tout ce psychodrame autour de leur romance passée. Je ne suis pas contre le fait que le duo se dispute, tant que Sorkin n'essaie pas d'installer le personnage d'Emily Mortimer comme une femme indécise et hésitante alors que la série aurait plutôt besoin de femme de poigne qui s'oppose à McAvoy. Responsable de cet unique défaut qui gangrène la série, l'auteur de The Newsroom s'acharne à proposer des personnages mal équilibrés, l'immaturité l'emportant par instant un peu trop sur le professionnalisme.
C'est dans sa gestion dynamique de l'actualité que la série paraît la plus séduisante, lorsqu'elle oblige ses héros à faire des choix ou, pour le cas de Jim, de tourner la page d'une relation totalement malsaine avec Maggie pour d'autres opportunités. En proposant des personnages secondaires qui manquent de charisme, Aaron Sorkin laisse un vrai sentiment d'insatisfaction tant sa série pourrait être une vraie réussite si elle cherchait plus à raconter et moins à impressionner. Un péché d'orgueil compréhensible et assez regrettable pour cet auteur particulièrement brillant qui semble à plusieurs reprises vouloir trop en faire.
La fin de l'unité de temps
La bonne nouvelle de cet épisode reste la différentiation qui est faite entre ces deux unités de temps, séparant le quotidien lent fait d'hésitations et de remise en cause avec l'actualité frénétique et instantanée. Réussir à faire interagir les deux, voilà le défi d'une série qui y parvient lors du twist final entre Charlie et Will, moment où les humiliations successives du héros prennent un sens inattendu et très intéressant. La preuve du potentiel d'un show qui n'a plus qu'à résoudre son problème de personnages secondaires pour convaincre vraiment et fournir son meilleur.
En conclusion, un épisode réussi, avec une intrigue bien construite et des dialogues plutôt brillants, en particulier lors de la scène de drague où Will tente de séduire une inconnue au nouvel an. Construisant un personnage à son image, Aaron Sorkin laisse apparaître ses propres défauts, à savoir une muflerie qu'il s'amuse à mettre en scène, tournant son personnage en ridicule. Avec des scènes comiques mieux réussies que d'habitude, un épisode qui confirme le potentiel de The Newsroom, malgré un personnage de Maggie toujours aussi agaçant.
J'aime :
- les dialogues très bien écrits
- le twist final bien pensé
- les scènes entre Will et Charlie
- l'épisode bien structuré
Je n'aime pas :
- la tendance du show à faire du surplace dès que Maggie est concernée
Note : 14 / 20
Construit autour des déboires de Will McAvoy, un épisode réussi de The Newsroom qui confirme tout le potentiel d'une série aux dialogues particulièrement bien écrits. Malheureusement, le caractère trop immature de Mackenzie et de Maggie reste un frein pour un show qui gagnerait à raconter plus au lieu de vouloir éblouir.