La diplomatie pour les nuls
Après un entretien un peu vif avec un des soutiens de Rick Santorum, Will Mc Avoy devient la cible de menace de mort, l'obligeant à vivre avec un garde du corps à ses côtés. Mackenzie lui demande de voir un médecin, ses insomnies entrainant des lapsus agaçants à l'antenne qui nuisent à la qualité de l'émission et à sa crédibilité. De son côté, Sloan Sabbith reçoit en off une information sur les mensonges des officiels japonais concernant le niveau d'alerte du réacteur de Fukushima.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- une construction étrange qui nuit à l'ensemble
- le personnage de Sloan qui cherche sa place
- une série qui privilégie le fond à la forme
- un show qui n'évolue pas assez
A l'envers et à l'endroit
Avec cet épisode, The Newsroom attaque sa seconde moitié de saison avec un épisode plutôt décevant, la faute à une intrigue qui ne raconte pas grand-chose de concret, se perdant dans des considérations complexes sur l'éthique. Le fil rouge va reposer sur la rencontre entre Mc Avoy et le fils de son psychiatre, lui aussi thérapeute pour résoudre ses problèmes d'insomnies, occasion d'exposer les faiblesses du personnage principal. Un point de départ qui serait intéressante si Aaron Sorkin avait su donner des enjeux clairs, le début d'épisode créant un fort sentiment de confusion.
La première scène montre l'effet désastreux des insomnies de Will, mais l'importance accordée à ses crises est vite balayée par une histoire de commentaires sur internet qui reprend la critique habituelle des réseaux sociaux de l'auteur. Sans véritable continuité dans sa construction, The Newsroom cherche tellement à évoquer à chaque épisode un instant important de l'actualité qu'elle fait de bons dans le temps qui empêche les auteurs de construire des arcs dans la durée. Centrant la narration sur Will, Aaron Sorkin délaisse la rédaction pour s'intéresser uniquement à son personnage principal, utilisant le psychiatre pour le forcer à se remettre en cause.
Le médecin l'oblige à faire le point sur son existence, à l'interroger sur la nature de ses relations avec les différents personnages, de Mackenzie à Sloan, mais aussi d'expliquer sa réaction aux menaces de mort qui pèsent sur lui. Mais là où des séries comme House avait eu la bonne idée de laisser poindre dans la construction du flashback la propre hypocrisie du héros, The Newsroom se limite à livrer un récit assez plat, à l'exception d'une scène de la bague bien pensée. En exposant l'hypocrisie de son héros, Aaron Sorkin laisse enfin apparaître une fêlure qui rend le personnage de Jeff Daniels un peu plus attachant.
L'idée de montrer les défauts du style agressif de Will est une bonne idée tant le traitement s'avère trop timide, la série montrant une incapacité agaçante à progresser dans une direction précise. Ainsi, la séquence concernant les commentaires sur les réseaux sociaux, la menace de mort, tout ceci n'aboutit à rien, hormis mettre en évidence le besoin de Mc Avoy de protéger ses proches. Une intrigue assez mince, à l'exception d'une séquence où les méthodes brutales du présentateur se retournent contre lui, moment intéressant qui doit beaucoup à la très bonne prestation des comédiens et dont les conséquences ne sont pas assez exploitées.
En explorant les limites du journalisme agressif où le présentateur joue le rôle de procureur, Sorkin remet en cause son héros et constate au final les lacunes d'une série qui ne parvient pas à se montrer à la hauteur de ses ambitions. Construite en parallèle pour mettre en valeur la remise en cause de Mc Avoy, le personnage de Sloan hérite enfin d'une intrigue intéressante, mais qui va confirmer son isolement à l'intérieur du show.
Le choix de l'agressivité et ses conséquences
Personnage secondaire qui se limitait jusqu'ici à n'être que la meilleure amie de Mackenzie, Sloan Sabbith va servir à incarner les dangers que représente pour un journaliste le fait de sortir de son rôle pour faire apparaître les mensonges du discours officiel. Pour cela, Aaron Sorkin va situer son récit après le tsunami de 2011, moment où les journalistes se heurtent aux difficultés de communication avec un Japon qui tente de minimiser l'ampleur de la catastrophe de Fukushima. Une bonne idée de départ, offrant à Olivia Munn l'opportunité de s'intégrer au sein de la rédaction, seule personne de l'équipe à parler couramment le japonais.
Seulement, cet épisode ne va faire que confirmer ce sentiment d'exclusion, ses relations au sein de l'équipe se limitant à MacKenzie et Will, Don lui-même ne prêtant pas beaucoup d'attention à ses problèmes. Les personnages de Maggie et Jim sont tenus à l'écart, laissant apparaître Olivia Munn comme un personnage qui peine à s'affirmer, se référant trop fréquemment à Will durant tout l'épisode. Un personnage féminin pourtant intéressant, mais qui ne parvient pas à exister dans un show qui hésite à aborder les questions économiques et à la mettre en valeur.
Comme à chaque fois, Aaron Sorkin en fait un peu trop, la scène de l'interrogatoire avec l'ingénieur Nippon n'étant pas particulièrement crédible. Son comportement irresponsable pose clairement la question de son professionnalisme, montrant par un exemple trop extrême comment l'agressivité journalistique peut devenir une arme à double tranchant. Seulement, au lieu de faire le choix de construire l'épisode autour des efforts de la jeune femme pour réparer sa faute, les auteurs optent pour une pirouette finale qui appuie encore plus le sentiment d'isolement de la jeune femme.
Le problème ne concerne donc pas le fond de la série, toujours intéressant, mais bien la forme avec une jeune femme jouée par Olivia Munn qui stagne, comme tout l'univers de The Newsroom. Difficile de trouver quoi tirer de cette intrigue, hormis le manque de cohésion d'une rédaction où chacun travaille dans son coin sans qu'apparaisse un vrai esprit collectif. Une sensation d'isolement qui se ressent même chez Will, lequel se donne le devoir d'éduquer le peuple américain, mais n'est même pas capable de résoudre ses propres problèmes personnels.
Ethique et quête de sens
En choisissant le thème de l'éthique journalistique et en proposant sa propre vision utopique d'une émission d'information, Aaron Sorkin a clairement montré son désir d'ancrer la série dans des contextes forts qui donnent de l'enjeu à l'histoire. Seulement, si l'idée de reprocher aux médias leur manque d'agressivité envers le "Thea Party" était justifiée, le choix des incidents de la centrale de Fukushima est plus discutable car la compréhension de la vérité nécessite une capacité d'interprétation du fait scientifique dont les auteurs ne disposent pas. Le droit d'informer se heurte à la raison d'état, la révélation de l'ampleur du désastre impliquant des conséquences trop grandes pour être prise à la légère, surtout que le scénario se montre beaucoup moins documenté que d'habitude sur le sujet.
Petit à petit, The Newsroom évolue dans son approche de l'éthique journalistique, polissant un point de vue idéaliste pour révéler les limites d'un show qui se heurte aux limites de son concept clairement bancal. Sans être mauvaise, le show d'Aaron Sorkin dresse le portrait d'un univers incapable d'évoluer, la question de Don à Sloan sur les sentiments de Maggie prouvant l'incapacité des personnages à communiquer entre eux. De même, Mackenzie existe de moins en moins, héritant juste de quelques répliques comiques là où elle devrait être le contre-pouvoir qui empêche Will de transformer son plateau en tribunal.
A force de se poser des questions profondes sur le métier de journaliste, Aaron Sorkin oublie de raconter une histoire, installant une distance entre le spectateur et les personnages qui composent le show. Seules quelques scènes, comme le dialogue entre Will et son garde du corps, rappelle ce que pourrait être la série sans des intrigues romantiques interminables et ennuyeuses. Un épisode pas déplaisant, mais qui n'aboutit à aucun changement majeur, hormis questionner l'éthique de Sloan, personnage isolé dans un univers factice qui commence petit à petit par lasser.
Un univers de statues
Au lieu de se questionner sur la nature de l'éthique dans les médias et s'en prendre aux commentateurs sur Internet, Aaron Sorkin devrait se poser la question de ce qui fait une bonne série télévisée. Certes, le scénariste a du talent, mais ses personnages sont figés depuis le début de saison, les rares changements ne servant juste qu'à mettre ponctuellement en valeur l'intrigue du jour. De plus, le choix de se placer chaque semaine dans un contexte médiatique fort engendre une certaine lassitude, tandis que le travail de rédaction du journal se noie dans des histoires romantiques assez vagues.
En conclusion, un épisode qui pose des questions intéressantes, mais rate l'occasion de faire vraiment avancer Will, en le forçant à assumer ses erreurs. Proposant une construction étrange et pas très originale, The Newsroom privilégie encore une fois les questions sur l'éthique au détriment des personnages, Will et Sloan étant les seuls à profiter d'un peu d'exposition. Pris au piège de son concept de départ, la série de HBO est une nouvelle fois séduisante sur le papier, mais ne raconte finalement rien de concluant, la menace de mort n'étant qu'un moyen de justifier l'intervention du psychiatre joué par David Krumholtz.
J'aime :
- la question intéressante sur l'éthique journalistique
- les dialogues entre Will et son garde du corps
- la scène où Will se fait remettre à sa place
Je n'aime pas :
- le personnage de Sloan toujours aussi mal intégré
- les intrigues personnelles qui n'évoluent pas
- la construction de l'épisode maladroite
Note : 12 / 20
Un peu long et pas forcément passionnant, un épisode de The Newsroom qui confirme les nombreux défauts entrevus précédemment, malgré une remise en cause profonde de Will intéressante. Une série qui ne nous amène nulle part pour l'instant, les intrigues romantiques irrésolues donnant l'image d'un groupe d'adolescents immatures, là où le fond se veut particulièrement adulte par les thèmes abordés.