Pitch la violence est une spirale
Rex et Esther tentent d'échapper au camp de San Pedro en emportant avec eux les preuves du meurtre de Vera Juarez et de la réalité des camps de mort établis par certains gouvernements du monde entier. Jack va pour sa part rencontrer un cadre de Phicorp dans l'espoir d'obtenir une information concernant les évènements en cours, mais découvre au passage que l'opération auquel Torchwood fait face dépasse ce qu'il imaginait.
La complexité de la mort
Visiblement à la recherche de la polémique, Torchwood continue son exploration des camps de la mort et de la logique administrative qui l'accompagne. Pour prévenir ceux qui ont vu l'épisode précédent, les auteurs vont éviter le piège de proposer une ellipse pour sortir les personnages du camp afin de relancer l'action, mais s'efforcer au contraire de montrer la réaction de notre quatuor devant les évènements en cours. Pour l'équipe, cet épisode est un acte fondateur qui va malheureusement passer par de nombreuses maladresses et quelques succès.
La mort est un élément fondateur de la réalité et de la passion des hommes, de leur motivation à combattre des systèmes ou à demander la justice. Les scénaristes essaient de montrer comment la servitude et la lâcheté peuvent conduire aux pires horreurs, évoquant maladroitement les souvenirs du procès Eichmann au travers du personnage du directeur du camp. Saluons d'ailleurs le talent de Marc Vann qui s'en tire honorablement malgré l'épouvantable complexité de son rôle, les scénaristes lui ayant donné la tâche d'exprimer la complexité entre fascination et dégoût de notre rapport à la mort.
Très violent, cet épisode parle de morale, d'humanité et essaie de se donner une certaine profondeur tout en proposant certains raccourcis franchement limites. Devant l'atrocité et l'intolérable, les héros de Torchwood entrent enfin en action, surtout Esther dans une scène dure particulièrement réussie sur la complexité de tuer. Hommage au "Rideau Déchiré" de Hitchcock, elle prouve que la série refuse la facilité, proposant un spectacle à la limite par son réalisme troublant, témoin d'une obsession de la violence qui refait toujours surface dans Torchwood.
Le coeur est au centre de cet épisode, ce muscle qui entraîne l'action, poussé par la motivation, l'adrénaline et le besoin de faire le bien ou ici tout simplement ce qui est juste. La servilité n'est pas une excuse, et l'histoire nous a appris à plusieurs reprises que les pires atrocités peuvent prendre l'apparence la plus respectable qui soit. Seul le coeur ne peut mentir, celui qui nous pousse à agir, muscle de la conscience et du courage de la révolte. L'explosion vitale apparaît comme un arrêt, stoppant le tourbillon de la peur qui entraîne toujours plus bas, jusqu'au monstrueux
Torchwood va-t-il trop loin ? Oui, en effet, mais il ose en même temps faire preuve de cette noirceur et un côté adulte que peu de séries peuvent se vanter d'avoir. Evoquer les camps de la mort est-il un scandale ? Oui, mais tout simplement car il évoque une réalité de l'âme humaine, car une fois la mort disparue, le meurtre et la violence ne sont plus une profanation, mais une banalité. Torchwood s'est-il trop américanisé ? Franchement, au vu de cette saison, voilà sûrement la question la moins intéressante servant uniquement à faire débattre sans fin ceux qui n'ont rien à dire.
La vie est un cercle, la violence est une spirale
Plutôt que de débattre sans fin sur le format plus ou moins américain de la série, Torchwood propose une réflexion sur la violence et sa fascination bien plus intéressante. Car la scène entre Esther et Maloney trahit de la difficulté de faire un récit ou une histoire dans laquelle la mort n'est plus une éventualité. La violence obéit toujours à trois étapes : la provocation avec les cris de Rex, le déchaînement avec ce combat qui évoque le film d'Hitchcock cité précédemment et le silence, ce moment où la mort fait taire les armes, précédant toujours la prise de conscience.
Seulement, si la mort ne vient pas mettre fin au déchainement, alors le combat devient sans fin, un déchainement de colère qui détruit l'âme, comme une boucle infinie jusqu'au tréfonds, le piège d'une spirale. Avec une certaine adresse dans cette scène difficilement soutenable, Torchwood nous montre la vraie menace que fait peser sur l'humanité le miracle. Sans la mort, la violence devient infinie, nourrie non plus par la colère et le désarroi, mais par elle-même, comme une machine autonome, avec une administration qui soulage la conscience et détourne les yeux, pendant que les oreilles perçoivent le hurlement des flammes.
Jamais série n'aura aussi bien explicité les deux phrases que j'ai mises en titre, ce qui semblait visiblement être l'intention des auteurs. Dommage qu'il ait fallu pour cela accepter des petites fautes de goûts et quelques invraisemblances, pendant que les auteurs semblent éprouver une vraie difficulté à ne pas se perdre dans un scénario qui peine à être parfaitement cohérent.
Faire passer la pilule
Trop concentré sur les camps et ses conséquences, Torchwood nous offrira une scène de repos bienvenue grâce à un capitaine Harkness au meilleur de sa forme. Seulement pour apprécier cette séquence bourrée d'humour grâce à un John Barrowman enfin dans son élément, il faudra accepter les nombreux raccourcis que se permettent les scénaristes qui savent visiblement où ils vont, mais pas comment y aller. Comme Koss le soulignait dans l'épisode 3 à juste titre, sûrement que dix épisodes sont trop à gérer pour une série ayant un tel format.
Le plaisir est grand de retrouver Jack Harkness au sommet de sa forme, mutin et polisson, donnant enfin l'occasion de sourire dans un récit parfois insupportable. Faisant avancer l'histoire, Jack rappelle avec intelligence l'équipe à l'ordre en remettant en mémoire que Torchwood ne fait pas de politique et ne doit être qu'un divertissement, certes porteur d'une certaine noirceur, mais aussi d'un espoir qui viendra par Gwen dans un final explosif et salutaire malgré sa totale invraisemblance.
Plus de subtilité aurait été le bienvenue, mais le culot et j'ose même le dire, le courage des auteurs d'avoir tenu la barque à flot pendant ce double épisode est vraiment à souligner. Certains aimeront, d'autres détesteront, mais personne ne saura indifférent une fois cet épisode fini servant à lancer une dernière partie de saison excitante, offrant l'occasion d'achever les différentes storylines. Exigeante, maladroite, prétentieuse par moment, courageuse à d'autres, Torchwood a le mérite de nous proposer quelque chose de différent et de ne pas relâcher la pression.
Bref, un épisode impossible à noter qui divisera beaucoup, énervera sûrement, passionnera parfois, et c'est justement sur ce point qu'il atteint son but. Sans asséner de vérités prêts à consommer, le show nous pose des questions sur le coeur humain et sa capacité à refuser la monstruosité.
J'aime :
- une thématique profonde
- la mort dans toute sa complexité
- Jack Harkness au top de sa forme
- une vraie ambition pour une série qui cherche et réussit à marquer les esprit
- Alexa Havins et Marc Vann très bons
Je n'aime pas :
- une ambiance lourde et pesante
- des scènes à la limite du supportable
- des raccourcis du scénario malvenus
- un final grandguignolesque qui sonne comme une libération
- les andouilles qui m'interpellent sur l'américanisation du show. Franchement, cette question n'a aucun intérêt.
Note : 13 / 20
Un nouvel épisode polémique qui va diviser, alternant maladresses (le début de l'épisode) et moments très réussis (Capitaine Jack) et permet de constater combien Torchwood ne nous déçoit pas en faisant preuve d'une vraie maturité et d'un certain culot. Une série adulte qui marque les esprits, nous proposant une intrigue d'une noirceur et d'une ambition vraiment surprenante. Personnellement, c'est ce que j'attends de cette série, pas vous ?