Une divine proportion qui définit l'équilibre du monde
Martin Bohm avait une carrière et une famille avant les évènements du 11-09 où son épouse a péri dans l'une des deux tours, le laissant seul avec Jacob, son fils autiste obsédé par les nombres et la recherche du lien logique entre les évènements. Seulement, le jeune garçon est trop imprévisible. Il demande une attention de tous les instants, obligeant son père à sacrifier sa vie dans l'espoir d'établir un jour le contact. Leur seule relation reposant sur les téléphones portables qu'il rapporte à son fils de son travail. Pendant ce temps, une succession d'évènements tragiques, drôles et imprévisibles vont lier Martin à différentes personnes de chaque recoin de la planète.
Résumé de la critique
Un épisode inégal mais concluant que l'on peut détailler ainsi :
- l'histoire touchante d'un père, portée par un formidable Kiefer Sutherland
- un démarrage très convaincant pour un récit légèrement dispersé
- un final poussif et inutilement démonstratif
- un pilot qui joue avec le feu
La théorie des grands nombres pour deux solitudes
Difficile de présenter Touch tant la série propose différents visages, à la fois fascinante, touchante, parfois pathétique ou énervante. Comme tout pilot, l'épisode est maladroit, possède quelques longueurs, mais contient aussi de nombreuses bonnes idées qui font sa singularité, avec en premier une intrigue principale centrée sur un père Martin Bohm et son fils Jacob. Atteint d'autisme, le jeune garçon ne parle pas, hormis par le biais d'une voix off pas très judicieuse, servant à donner du sens à une première partie très conceptuelle.
Ce duo père-fils est la réussite de l'épisode, au-delà de cette fascination des auteurs pour une vision simpliste des probabilités, offrant à Kiefer Sutherland un rôle poignant dans lequel il excelle. Confronté à un fils qui refuse le contact physique et l'échange affectif, il incarne un homme en souffrance, donnant un amour inconsidéré à un garçon qui ne lui répond pas. Plus qu'une histoire de hasards et de coïncidences, Touch raconte la douleur et la peine d'un homme qui essaie de comprendre les signaux que son fils lui envoie, cherchant à saisir les nuances d'un langage dont il ne possède aucune clé.
Dès que le récit s'attarde sur ce duo, la série captive, émeut terriblement, posant une relation d'une grande complexité entre un adulte qui cherche le moyen d'exprimer son amour et un garçon, trop occupé à regarder le monde comme un ensemble pour s'intéresser au singleton isolé qu'est son père. L'univers de Touch se fonde sur cette opposition entre un personnage profondément humain et réactif et Jake, enfant très cérébral enfermé dans un mutisme où les nombres sont les signes du destin, s'incarnant ici dans une obsession pour 318.
Les circonstances vont faire que celui-ci va réapparaître à plusieurs reprises, se répétant encore et encore, poussant ce père à comprendre que son fils parvient à anticiper les enchaînements entre les causes et les conséquences. L'univers s'articule alors à ses yeux autour de points nodaux, des instants particuliers qui vont servir de centre de gravité à une suite d'évènements en cascade donnant son architecture au récit.
21 - 34 - 55 - 89 - 144 - 233 - 377 - 610
Pour ceux qui l'ignorent, la suite de nombres ci-dessus est un morceau de la séquence de Fibonacci, suite très connu objet d'une grande fascination à cause de sa relation avec le nombre d'Or. Le lien avec Touch repose dans la conception très mathématique de l'univers selon Jake, surtout que la grande quantité d'êtres humains interconnectés par les portables et réseaux sociaux permet par le biais de la loi des grands nombres aux lois de la logique de s'exprimer. Pour faire simple, le hasard ou la destinée vue à une grande échelle obéissent à des règles mathématiques précises et immuables qui donnent l'illusion d'un univers déterministe.
Au-delà de l'histoire singulière entre un père et son fils, Touch raconte une intrigue à l'échelle mondiale où des inconnus se croisent, se rencontrent, influant involontairement sur la destinée des autres. On retrouve là comme dans Heroes le goût de Tim Kring pour les récits en éventail, racontant une histoire au niveau mondial liant plusieurs personnages sans relation les uns avec les autres. Il ne s'agit pas ici de raconter une intrigue, mais des instantanées d'une existence, prenant comme pivot le personnage de Simon, un homme à la recherche de son portable disparu et des photos de sa fille décédée qui sont à l'intérieur.
Là-dessus, de nombreuses intrigues vont venir se greffer, petit moment d'existence plus ou moins passionnant pendant que ce téléphone fait le tour du monde, du Japon à l'Irak, colonne vertébrale d'une intrigue morcelée et singulière. Les enchaînements sont parfois maladroits, mais le bon mélange entre drame, comédie et suspens donne au final un épisode plaisant à suivre jusqu'à un final plutôt touchant qui vient clôturer ces différentes storylines. Comme un kaléidoscope réunissant des morceaux de destinée, Touch évoque la quête désespérée de ceux qui ont tout perdu et vont, par le biais du hasard, retrouver l'objet de leur recherche.
Une série à part, mélange des genres assumé, qui cherche à offrir une vision de la mécanique du hasard, mais qui échoue à donner une vraie crédibilité à ce qui apparaît par moment comme de grosses ficelles narratives. Malgré ses atouts indéniables, Touch possède de gros défauts, ceux d'un pilot maladroit qui veut trop bien faire, offrant un final à la structure trop parfaite pour être vraiment crédible.
Un récit qui cherche trop à convaincre
Si le portrait de Touch semble jusqu'ici idyllique, faute est de constater que la série de Tim Kring n'est pas exempt de tout reproche, offrant plusieurs intrigues assez inégales. Celle d'Abdul, jeune adolescent perdu en Irak à la recherche d'un moyen d'aider sa famille est loin d'être convaincante, offrant une construction artificielle et des enchaînements maladroits pour arriver à un climax ridicule sur fond de terrorisme. Un exemple des défauts récurrents de Tim Kring, incapable d'échapper à sa volonté de verser dans le cliché mélodramatique un tantinet grotesque.
Les autres histoires vont se révéler plus cohérentes, offrant des enchaînements parfois judicieux, parfois ridicules, donnant l'impression d'une histoire en dents de scie, passant du sympathique au vulgaire. Ainsi, le final divisera les spectateurs, émouvant pour ceux qui oseront fermer les yeux sur les grosses ficelles du scénario ou vulgaire pour ceux qui y verront un abus d'une mécanique des coïncidences assez tirée par les cheveux. Difficile donc de prédire la réaction devant Touch, série dotée d'une vraie ambition et d'une grande richesse, mais qui perd de sa force dès qu'elle s'éloigne trop longtemps de son duo vedette.
Car de toutes ces intrigues qui traversent l'épisode, c'est sans nul doute celle du père de Jake qui attire le plus l'attention, confronté à plusieurs reprises à un homme mystérieux incarné par Titus Welliver. Un homme qui va se trouver avoir une connexion directe avec la mort de sa femme lors des attentats du 11 septembre, idée intéressante qui aurait mérité d'être exploitée sans tout ce jeu un rien prétentieux sur les liens de cause à effet. Une storyline qui gagnerait à plus de simplicité, tenue à flots par les comédiens qui parviennent à donner une vraie incarnation à une histoire qui cherche trop à éblouir et oublie de raconter.
Le jeu dangereux du déterminisme
Avant d'aborder Touch du point de vue mathématique dans la suite de la critique, un problème plus matérialiste apparaît à la fin de cet épisode séduisant en apparence, mais très prétentieux dans ses tics de construction. En effet, si l'histoire est sympathique par son originalité, la construction d'une série complète sur un tel format de récit semble suicidaire, donnant une suite de mini-sketchs plus ou moins bien emboîtés les uns dans les autres. De plus, la connotation religieuse inévitable que va prendre la série en essayant de donner du sens au hasard risque de transformer un concept ambitieux en délire prétentieux.
En conclusion, un show surprenant nous propose un pilot riche de personnages touchants, surtout Martin Bohn porté par un Kiefer Sutherland incroyable qui apporte à son rôle une vraie intensité. La forme du récit, assez ingénieuse et soignée, offre un spectacle original, mais ne parvient pas à proposer des personnages suffisamment crédibles et touchants pour convaincre. En cherchant un sens dans les enchaînements de plusieurs destins, Touch joue dangereusement avec l'idée du déterminisme, en opposition totale avec le concept de probabilité dont il croit s'inspirer.
J'aime :
- Kiefer Sutherland remarquable
- l'intrigue principale autour de la relation père - fils
- l'épisode original et élégant dans son principe
Je n'aime pas :
- un final trop prétentieux à la recherche de l'émotion facile
- les fils du scénario, particulièrement visibles, qui nuisent à la crédibilité de l'ensemble
Note : 13 / 20
Un pilot passionnant dès qu'il se concentre sur la vie de Martin Brohm et son désir d'entrer en relation avec son fils autiste Jake. Construit en parallèle d'une autre histoire en éventail, Touch parvient à émouvoir grâce à des comédiens qui réussissent par leur talent par moment à masquer les grosses ficelles du scénario. L'intrigue d'Abdul, par exemple, est ridicule, pour ne pas dire malsaine et doit tout à la qualité du jeune comédien, tant l'idéologie cachée derrière est largement plus discutable.
Bon, je me permets de sortir de la critique pure et dure pour poser un regard personnel sur Touch car la série m'a agacé d'un point de vue qui ne méritait pas d'être détaillé dans une critique. La suite est donc dispensable, mais je tenais à en faire part.
Le point de vue d'un mathématicien
Furieux, agacé, énervé, voilà ce qui ressort de mon sentiment sur Touch, série qui, derrière un discours mathématique bidon et une numérologie malsaine, cherche à vendre le concept de Dieu. Comme disait Einstein, "Le Hasard est le déguisement que prend Dieu pour voyager incognito", justifiant dès lors le choix de cette série de proposer une vision déterministe de l'existence. Seulement, la façon dont Tim Kring aborde les probabilités est grotesque, surtout lorsqu'il évoque la Divine proportion, fascination vieillotte des artistes et philosophes de la Renaissance.
Si la divine proportion apparaît fréquemment dans la nature, c'est qu'elle est liée à un état d'équilibre que celle-ci cherche volontairement et n'est que l'expression d'une organisation qui est le résultat de l'application des lois fondamentales de la nature. En confondant cause et conséquence, la série s'oriente vers un message qui relève de la foi et n'a pas grand-chose à voir avec les mathématiques. Comme le disait Mandelbrot, il ne faut pas confondre le "hasard bénin" d'un grand nombre de personnes obéissant à une loi Gaussienne et le "hasard sauvage" d'un seul individu évidemment imprévisible.
En confondant les deux, Tim Kring joue à un jeu dangereux, transformant les probabilités ou étude du possible et de l'éventualité en une série de calculs déterminisme qui aboutira fatalement à la question religieuse. Comme le disait Bergson, "le hasard n'est qu'un mécanisme qui se donne l'apparence d'avoir une intention", illusion dans laquelle l'auteur glisse lentement et sûrement, à la recherche d'un grand mystère qui n'est qu'une chimère de l'esprit.