Synopsis
Un agent des services secrets britanniques démissionne de son poste, de manière assez brutale. Alors qu'il prépare sa valise dans son appartement londonien, du gaz anesthésiant est diffusé dans la pièce.
Notre agent se réveille alors au Village, lieu idyllique coincé entre mer et montagne et dirigé par un certain numéro 2. Les villageois, des personnes d'origines différentes toutes identifiées par un numéro, semblent tous être heureux d'être là. Notre agent est un nouvel habitant du Village : il sera désormais le numéro 6.
C'est ainsi que débute le 29 septembre 1967 sur le réseau britannique ITV l'une des séries les plus avant-gardiste des années 60 : The Prisonner.
Rapidement, on apprend les raisons de la présence de numéro 6 au Village : pourquoi a t-il démissionné ? Au fur et à mesure des épisodes, les numéros 2 se succèdent, chacun ayant pour rôle de casser le numéro 6 pour qu'il donne les renseignements attendus, chacun ayant sa manière de procéder.
Numéro 6 n'aura alors de cesse de tenter de s'échapper du Village. Mais très vite il se rendra compte que ce lieu est constamment surveillé par des caméras et des micros et que tous les villageois ne sont pas des prisonniers comme lui. Et surtout, le Rôdeur, une énorme boule blanche, empêche toute fuite, ramenant immédiatement au Village tout fuyard.
On assiste ainsi, pendant 15 épisodes, à un gigantesque bras de fer entre le numéro 6, qui tente de regagner sa liberté, et les différents numéro 2, essayant inlassablement de le briser. On alterne ainsi victoire du Village, victoire de l'espion sous le nez d'un spectateur qui se pose finalement les mêmes questions que les deux entités en présence : qui contrôle réellement de Village ? Où est-il ? Pourquoi numéro 6 a t-il démissionné ?...
Autant d'interrogations qui ont tenue en haleine les spectateurs jusqu'à un double épisode final, feu d'artifice psychédélique qui marque la fin de la série, et surtout qui lui a conféré le statut de série culte.
Générique de la série
Le travail d'un homme
Il faut savoir que cet OVNI du petit écran est l'idée de deux hommes : Patrick McGoohan et George Markstein. Le premier est acteur, l'un des acteurs les mieux payés de l'époque, notamment grâce à son rôle dans la série Destination Danger. Le second est scénariste sur la même série et surtout ancien espion au service de sa majesté.
Ce dernier parle alors McGoohan de maison de retraite de luxe pour agents secrets, où ces derniers, coupés du monde, peuvent passer une retraite tranquille. Les deux compères développent alors le concept et McGoohan, désireux d'en finir avec la série qui l'a rendue célèbre, propose son projet à ITC. Prévue à la base comme une mini-série, la chaîne en commandera initialement une saison complète, pour l'aligner sur les formats américains (soit 26 épisodes à l'époque).
McGoohan se pose alors en grand chef : créateur, producteur exécutif, scénariste, metteur en scène et bien sur, acteur principal. Il contrôle tout et ne se gêne pas pour donner des ordres : ré-écriture de scénario, renvoie de réalisateurs, changement d'acteurs...
Il réalise et scénarise nombreux épisodes sous des pseudonymes : il écrit ainsi l'épisode Free for all sous le pseudonyme de Paddy Fitz ou encore réalise les épisodes Many Happy Returns et A Change of Mind en tant que Joseph Serf. Bref, il est omniprésent.
Patrick McGoohan
Mais la production prend du retard et alors que la série doit être diffusée à la rentrée 1967, seulement 13 épisodes ont été tournés. La série coûte de plus très cher et la chaîne ITV se rend compte que McGoohan a des ambitions plus artistiques que commerciales : le projet risque donc de leur faire perdre de l'argent. Il décide donc d'y mettre fin. McGoohan produit alors un double épisode final qui conclut la série en une apothéose psychédélique. La diffusion de ce final a d'ailleurs provoqué un tollé dans le public et un raz-de-marée d'appels sur les standards d'ITC.
C'est la fin de la série mais le commencement d'un déchaînement des fans. La conclusion divise : ceux qui la trouvent réussie et ceux qui pensent que McGoohan a saboté son œuvre. Et puis dans les deux camps, chacun à son idée sur la véritable signification de la série, chacun propose sa théorie : l'engouement est aussi important que ne l'a été celui de Lost de 2004 à 2010.
Jusque dans l'ordre des épisodes, les fans se disputent. Il y a ceux qui sont pour l'ordre de diffusion initial et ceux qui essayent de trouver leur propre chronologie, se basant sur le fait que les épisodes n'ont pas été tournés dans l'ordre de leur diffusion. Et McGoohan, loin d'apaiser les foules, entoure encore plus sa série de mystère, refusant de donner le moindre indice sur sa signification réelle. On pourra tout de même noter qu'il aura déclarer dans une interview que l'essence de sa série se situe dans 7 épisodes : Arrival, The Chimes of Big Ben, Free for All, Dance of the Dead, Checkmate, Once Upon a Time et Fall Out.
Ce dernier décédera le 13 janvier 2009, emportant avec lui le mystère du prisonnier le plus célèbre des années 60.
Photo de tournage
Une œuvre riche et complexe
Outre la production hors-norme de la série, c'est surtout son contenu et son côté avant-gardiste qui l'a rendue aussi populaire.
Imaginez : nous sommes en 1967 et les personnes du Village communiquent avec des téléphones sans fil ! Cela peut prêter à sourire aujourd'hui mais on est à deux doigts de la science fiction à l'époque. Les moyens techniques dont disposait le village sont d'ailleurs assez impressionnant : portes automatiques, centaines de caméra et micros contrôlés à partir d'une même salle d'observations, ordinateurs derniers cris (pour l'époque), matériel médical extrêmement poussé... Et surtout cette incroyable boule blanche flottante que l'on prendrait pour une simple baudruche et qui se charge d'empêcher toute personne de quitter l'île. Certains concepts sont ici très novateurs et restent toujours d'actualité aujourd'hui.
Mais outre cet étalage de technologies, ce sont surtout les thèmes abordés par la série qui ont marqués toute les personnes qui l'ont vue. Loin de se contenter d'une simple série d'espionnage, McGoohan offre ici une série au sens multiple, véritable invitation à la réflexion.
The Prisonner, c'est d'abord la lutte d'un homme contre une société qui l'étouffe et qui essaye de le conditionner. C'est la lutte de la liberté contre le conformisme, la place de l'individu dans la société, la question de l'identité. Doit-on perdre son identité au profit du groupe ?
C'est aussi la question de la légitimité du pouvoir en place qui est remise en cause à chaque épisode : peut-on bâtir une société sur le mensonge ? Doit-on suivre aveuglément ce que les médias nous disent ? Faut-il subir ou résister ?
C'est également une interrogation perpétuelle sur le contrôle de l'esprit et sur les limites que l'on peut faire subir à un homme pour le conditionner. Chaque épisode apporte une nouveauté, un point de vue différent, que ce soit le contrôle des rêves, le lavage de cerveau ou encore la manipulation au travers d'autres personnes. Jusqu'où peut-on aller pour parvenir à ses fins ? La fin, justement, justifie t-elle les moyens ? Tel sont les fréquents dilemmes des numéros 2 au fil des épisodes : certains sont prêts à tout, d'autres tiennent à conserver un part d'humanité. Le méchant en est-il vraiment un au final ou est-il lui même manipulé par d'autres ?
Tel un puzzle, Le Prisonnier offre un nouveau visage à chaque épisode, promenant le spectateur dans son univers angoissant, provocateur et ô combien jubilatoire. Et même aujourd'hui, les thèmes abordés dans certains épisodes se retrouvent au cœur de l'actualité, rendant la série intemporelle.
Jusque dans l'épisode final où le téléspectateur est laissé face aux même conflits que le personnage principal. Aucune réponse définitive, aucune réponse seulement esquissée. Parce qu'au final, Le Prisonnier, pourrait se réduire très grossièrement à ça : doit-on se contenter des réponses que l'on nous donne en acquiesçant sagement comme tout le monde ou doit on chercher par nous même les propres réponses, se construire sa propre opinion malgré l'opinion des autres ? Dans une société où les médias sont omniprésents, où l'on nous abreuve d'information, doit-on se contenter de ce que l'on dit, faire comme tout le monde, ou au contraire chercher sa propre idée, tracer sa propre voie ?
On pourrait disserter pendant longtemps sur la série tant son univers est foisonnant et l'œuvre riche ; je pense même que cela pourrait être un bon sujet au bac. Même aujourd'hui, malgré quelques passages un peu vieillots, elle garde toute la force et la puissance qu'elle avait au commencement.
Le mieux reste encore que vous regardiez la série par vous même pour vous faire votre propre idée : je vous garantis que vous ne le regretterez pas ! Certes, cela risque d'en déconcerter plus d'un, habitués aux séries aseptisés et complètement bornées, où le dénouement est connu à l'avance. Mais que l'on trouve la série superbe ou complètement à côté de la plaque, elle fait encore parler d'elle quarante-trois ans après ce qui est après tout le but de toute œuvre : ne pas tomber dans l'oubli.
« Bonjour chez vous ! »
Sources : wikipedia, arte