Bon alors, on est certes devant l'épisode le plus "faible" de cette nouvelle saison, mais c'est à peu près tout ce qu'on peut lui reprocher.

Et par rapport à ce que la série nous a proposé dans les deux longues saisons précédentes, force est de constater que cette saison est très largement supérieure. On revient enfin à un niveau digne des deux premières saisons, avec un format court (3 épiodes par saison) mais intense, débarrassé de superflu. Car honnêtement, on a ici 3 épisodes qui sont tous intéressants : un très bon (le premier), un génial (le deuxième), et un bon (ce dernier). Alors que pour les deux longues saisons précédentes, on arrive à trouver péniblement 1 ou 2 épisodes au dessus du lot.

J'étais prêt à abandonner la série, mais là j'ai trouvé un net regain d'intérêt. Cependant, c'est sûr que les fans de la série qui l'ont découverte dans on "ère netflix" ont de quoi être ici très déçus.

Je trouve les avis un peu durs avec cet épisode. C’est vrai qu’il reste basé sur une technologie ma foi plutôt classique dans la série : une réplique de la conscience humaine, doublée d’une sorte d’IA. Mais la présentation du twist est originale puisque personnellement je n’avais pas vu venir cette idée très bonne que toute la conscience a été transférée puis simplement bridée.

Là où l’épisode réussit son coup selon moi, c’est aussi dans la caractérisation de ses personnages. La famille et notamment la relation entre les deux sœurs est plutôt touchante et réussie. La protagoniste peu heureuse socialement et qui ne vit que par l’intermédiaire de sa célébrité fétiche est aussi assez attachante. En peu de temps et sans que ce soit le focus principal, l’épisode aborde le manque de communication et le deuil au sein d’une famille, avec pertinence.

L’idée étant ici que la technologie n’est vraiment pas forcément négative et que l’humain est bien la chose la plus cruelle. La tante odieuse et sa relation possessive et exploitative avec sa nièce est clairement un aspect un peu manichéen, pas forcément digne de la finesse habituelle de la série, mais elle donne tout de même un divertissement très réussi et un message qui se tient.

J’aime beaucoup cette idée d’exploitation du corps, des rêves, de la créativité et de l’image d’une célébrité. L’idée va plus loin que l’IA, puisqu’ici ils extraient des chansons directement depuis le cerveau humain, ce qui n’est même pas si idiot ou improbable que ça (en 2023, des chercheurs en neuroscience ont réussi à recomposer une musique depuis les ondes cérébrales d’un patient). Quand on entend des trucs un peu dingues comme Michael Jackson qui sort des chansons 10 ans après sa mort, c’est pas si idiot.

La partie sur la constitution de la musique m’a ainsi bien plu. Celle sur l’hologramme est plus classique et moins innovante (les concerts d’Atsune Miku ça existe déjà, ce sont les vocaloïds et c’est pas vraiment ce qui est en train de tuer l’industrie musicale), mais tout de même révélateur de la vision d’une popstar exploitée.

Mine de rien c’est encore une fois un bel exemple de la série qui parle de quelque chose d’assez répétitif (la conscience copiée, la technologie utilisée à mauvais escient par des humains cupides) mais avec un angle original, celui de la célébrité et de l’exploitation d’un talent pour le consumérisme.

La fin est, à ce titre, très cathartique. Oui, elle fait très happy-ending pour la série, mais pourquoi pas ? Black Mirror n’a pas toujours vocation à nous donner envie de vomir nos tripes. L’idée de l’expression du soi, de sa personnalité, de ses démons aussi (le deuil, l’insécurité, le ras-le-bol), une certaine forme d’anarchie et d’anti-satisfaction, justement pour contrer la pop aseptisée, a quelque chose de super satisfaisant et de puissant.

Enfin, j’aime beaucoup la façon dont l’histoire fait écho à la réalité à partir de son choix de casting. Miley Cyrus est le meilleur cast de star que j'ai vu depuis longtemps. Elle surprend, voire impressionne, mais surtout elle ajoute une autre vision de l'épisode, qui raconte vraiment... l'histoire de Miley Cyrus. Ashley, c'est Hannah Montana. Avec ses débuts tout rose tout mimi, son formatage à l'extrême et les mauvaises influences de son entourage qui l'embrigadait chez Disney. Jusqu'à la libération "dark", "vulgaire", mais surtout naturelle de la chanteuse.

C’est sûr que malgré toutes les qualités que j’ai citées, ce n’est pas le meilleur épisode de la série loin de là, parce qu’il reste relativement gentillet, timide, assez comique et léger dans son dénouement. Il ne nous retourne ni les tripes ni la tête, et agit comme un simple divertissement avec une morale d’émancipation. Le scénario fait malheureusement des raccourcis évidents : le passage où Jack, la grande sœur qui n'y connaît rien en informatique, tripote quelques boutons et transfère l'esprit d'Ashley dans la poupée... C'est un peu trop facile.

Fut un temps, la réalité rattrapait Black Mirror. Souvent tristement. La Chine et son système de notation est l'exemple le plus connu, et a probablement fait de l'épisode Nosedive le plus connu de la série. Charlie Brooker le sait bel et bien, puisque toutes les pubs pour la saison 5 utilisait justement des vrais titres d'articles de journaux de notre monde pour teaser les épisodes. Mais maintenant, on dirait que Black Mirror galère un peu à rattraper la réalité, finalement, et se répète un peu dans la forme. Pas forcément dans le fond - comme je l’ai dit, j’aime bien les propos de l’épisode sur la célébrité, la marchandisation du corps et des idées, etc.

C'est d'autant plus frustrant qu'il n'y a que trois épisodes cette saison. Depuis 2010, il y a pourtant eu tellement de révolutions technologiques (médecine, informatiques, spatiales, scientifiques, sociétales…), la série pourrait aborder des choses tellement vastes. Mais Charlie Brooker choisit de parler à nouveau de jeu vidéo et réalité virtuelle dans le premier épisode (pour la 5 ou 6ème fois : White Christmas, 3.02, 3.04, 4.01, 4.04, Bandersnatch), de chantage social dans le second épisode (pour la 2/3ème fois : 1.01, 3.03) et d'une conscience déplacée dans un objet (pour la 4ème fois : 2.01, White Christmas, 4.06).

Alors même si cela rend la série très cohérente, elle devient presque prévisible sur ces points : les thématiques se répètent.

Charlie Brooker a-t-il fait le tour de ce qu'il a à dire et de sa créativité de ses pitchs ? Voire même de ses scénarios tout court ?

En tout cas, après les deux premières saisons qui ont défini la marque de fabrique Black Mirror qui culminait dans le spécial de Noël, puis les deux saisons Netflix qui amenait plus de contenu et de diversité de genres avec un discours meta plus approfondi, on semble être entré dans la troisième phase de Black Mirror depuis la fin de Black Museum et Bandersnatch : une phase qui démarre par… une petite crise d'idées.

J'attendrai quoiqu'il arrive la saison 6 avec impatience, avec la certitude que Charlie Brooker écoutera et entendra les critiques à l'encontre de cette saison, que je ne partage pas vraiment (je trouve cette saison pas si loin que ça en qualité de la saison 4 par exemple), mais il est indéniable qu’on n’a pas eu forcément de grandes claques comme on aimerait en avoir.

Je pense qu’il devient nécessaire pour la suite de la série de se renouveler et de dépasser son pitch pour espérer rester pertinente. Après avoir vu la saison 6, très controversée également, je maintiens qu’il n’est pas dur de voir en quoi cette saison 5 et ce final ont amené à montrer les limites du modèle de la série.