JAMIE: I think your Doctor's worse than mine.

Une bonne seconde partie, même si on sent que le scénario part déjà dans tous les sens tout en ayant l’impression qu’une intrigue principale peine à se dégager.

L’épisode s’ouvre en effet par cette très bonne rencontre entre Jaime et Six/Peri tandis que Robert Holmes se lâche un peu en termes de timey-wimey avec l’interrogation sur la mort du Docteur de Troughton dans le passé qui ne serait pas incompatible avec Six qui vit encore. Mon problème est à nouveau que ça sera une bonne idée lâchée et jamais vraiment reprise, mais ça reste du timey-wimey : donc c’est good et toujours plutôt bien écrit.

La deuxième partie de l’épisode se déroule intégralement dans la maison espagnole. J’aime quand même assez l’ambiance et le caractère aléatoire de la chose : toutes les invasions alien n’ont pas à être en Grande-Bretagne et le scénario se sert de ça (sympa l’idée des cloches de Séville qui indique au Doc la localisation, ou le choix de la planète Terre justifié par deux personnages).

A nouveau on retrouve de bons éléments... mais totalement indépendants. J’aime assez le duo espagnol entre la gentille locale et l’acteur super peureux,, qui me fait rire. Mais ces personnages ont un intérêt limité et beaucoup trop de temps d’écran. On sent que Robert Holmes avait juste besoin d'accélérer le scénario lorsque Six, Jaime et Peri débarqueraient en Espagne. Ça renforce un peu cette impression d’épisode patchwork qui ne fait pas un tout cohérent. 

C’est aussi ce qui lui donne un certain charme cela dit. L’Espagne, les Androgums et le délire alimentaire, les Sontariens, l’intrigue de créer un TARDIS : c’est un épisode assez multiforme et malaisant.

C’est en partie parce que l’écriture a été chaotique (en se renseignant sur les phases par lesquelles est passé le scénario, on se rend compte que Holmes avait assez d’idées pour écrire 5 épisodes, et ça n’a pas dû être facile de tout calibrer).

Mais le côté malaisant me semble en partie voulu. Il y a notamment ce message assez ouvertement anti-carniste (Holmes étant vegan). C’est franchement un peu forcé. Mais pour les années 80 c’est quand même assez bold et original comme message. Et 30 ans après, c’est toujours relevant. La démarche n’en fait pas un épisode particulièrement plaisant à regarder (le cliff qui veut nous placer dans la peau d’une proie reste assez dérangeant, bien que pas mal réalisé). Globalement Holmes nous dégoûte avec ce personnage ultra grossier et malaise de l’Androgum cuistot, avant de le faire réaliser que les humains et lui ne sont pas si différents. Mais c’est loin d’être idiot et c’est assez rare un épisode de la série classique qui nous fait réfléchir sur autre chose que les inégalités des peuples. Au-delà du véganisme on a aussi un message plus globalement sur "la violence qu'on justifie en prétendant qu'on est différent de ce qu'on violente".

Ce message est donc un plus mais le problème est que c’est vachement déconnecté du reste de l’épisode. Il y a littéralement une scène entre deux passages avec le Docteur, où les deux Androgums parlent des coutumes culinaires des humains. Techniquement ça n’a rien à faire dans l’histoire. On comprend qu’Holmes a dû galérer à trouver un équilibre entre intrigue Doctor Who-esque à base de cache-cache idiots, plans capillotractés et infiltration dans la maison, et dans ses messages plus fins. Je pense aussi qu’il y a des résidus de liens avec ce thème dans le script : le fait que le premier épisode s’ouvre sur le Docteur et Peri qui sont en train de pêcher, ou encore l’acteur touriste qui est là pour chasser des mites et tout le dialogue sur “pourquoi les tuer pour les observer”. Ça m’a l’air d’être des concepts liés à son thème sur l’Homme omnivore et les Androgums, maintenant que j’y pense. Ces éléments ont peut-être été ajoutés à la fin pour “caser des références à la chaîne alimentaire sur Terre”, ou au contraire étaient peut-être plus importants à la base avant d’être atténués. Reste que du coup, je ne vois pas le foutu rapport avec les Sontariens, le plan temporel, les expériences sur Two ou Chessene.

Conséquence de quoi, on sent quand même que l’intrigue principale avance beaucoup trop lentement : j’étais limite d’accord avec les Sontariens quand ils disaient à Dastari que l’opération ça n’avance pas. Two est prisonnier tout l’épisode et tu ne ressens jamais l’urgence d’aller le chercher, c’est un assez gros raté qui donne à l’épisode un aspect mollasson alors qu’il est objectivement bien rythmé. De plus, l’enjeu autour du TARDIS en train d’être construit est à peine posé. C’est en revanche sympa que l’épisode se crée tout un lore autour d’un “lien de symbiose entre les Seigneurs du Temps et les TARDIS”. Je crois que c’est un peu semi-retcon par la suite quand même, mais c’est une idée qui fonctionne ici.

Le truc le plus cool de l’épisode reste sans aucun doute les persos. Six est top, Peri est pas mal toujours dans son côté “je me plains mais quand il faut j’ai de la ressource”. Jaime est vraiment fun, c’était de loin mon compagnon préféré quand j’ai vu quelques sérials avec Two : il a un côté vraiment “compagnon parfait” qui ne pose pas trop de questions, accepte la débilité du scénar’ et de l’univers de la série, et est ainsi très attachant. L’acteur est super, aussi.

Un autre bon point c’est Chessene, la méchante androgum augmentée. L’actrice dégage quelque chose de vraiment impérial et c’est un perso qui est magnétique dans toutes ses scènes. Ses motivations semblent floues mais d’une certaine façon tu comprends déjà qu’elle tire toutes les ficelles. Et puis la thématique d’une pseudo-race d’androïde créée qui s’est vue mise à jour et qui en devient dangereusement intelligente, c’est encore un autre truc balancé dans un épisode plein à craquer qui n’avance nulle part, mais c’est pas mal. Clairement une antagoniste plus réussie que les Sontariens, qui ne sont pas mauvais mais anecdotiques au mieux.

Il faut enfin remarquer qu’après 90 minutes, les Docteurs ne se sont toujours pas rencontrés. L’épisode n’a en fait pas grand-chose de “spécial” en apparence mais je trouve ça cool que la série exploite son énorme lore de persos dans une autre occasion que des spéciaux anniversaires. Et même si Six et Two ne se rencontrent pas, il y a quand même de bons dialogues qui font appel à l’attachement du spectateur pour leurs deux personnalités.

DOCTOR: What a stupid thing to do!
JAMIE: That's what the Doctor said.
DOCTOR: And I was right!

Le twist sur Jamie est vraiment excellent et inattendu (ce qui est un exploit pour Doctor Who Classic).

L'épisode pèche un peu avec la partie en Espagne, qui rallonge inutilement la sauce (même si le but de l'épisode était de tourner à l'étranger, semble-t-il). Il y a, malgré tout, un discours politique assez réussi sur le véganisme et Patrick Troughton est comme d'habitude excellent (avec une mention de la flûte par Six <3). A noter que Six parle mal aux deux compagnons (avec cette réplique savoureuse de Jaimes à Peri : "Le votre est pire que le mien, non ?"), mais qu'il est très gentil avec les deux autres personnages humains. Je pense que l'idée était de faire un Docteur grumpy qui voulait voyager seul et non pas avec des compagnons qu'on lui imposait, mais le résultat donne quelque chose d'assez malaisant.