Avis sur les séries
Difficile de conseiller une série à quelqu'un en lui demandant de seulement regarder les deux premières saisons... Mais c'est pourtant le cas. 13 Reasons Why avait bien commencé, adaptant le roman dans un ton amer, dur et juste. Les problèmes auxquels font face les adolescents sont très bien exposés puis explorés, parfois avec maladresse mais toujours avec de l'honnêteté. Le pari était risqué, mais la deuxième saison vaut le coup, pour avoir complexifié les personnages et leurs vies, avec en fond le thème récurrent du consentement et un rapport pertinent de la réalité.
Puis, il y a la troisième saison... Et on ne parle plus de la même chose. Si c'était seulement une baisse de qualité, ce serait encore envisageable de conseiller la série, mais le problème devient moral. Les décisions que prennent les personnages, le choix de la narration et ce qui se passe au fil des épisodes fait vraiment peur, surtout après deux saisons dans lesquelles on peut se retrouver et se questionner. L'épisode final est scandaleux à mon sens. Ensuite, la quatrième saison n'est pas aussi terrible mais elle est tout de même très très moyenne. La dépression et les autres thèmes autrefois abordés avec raison et sensibilité ne servent que l'histoire et les besoins dramatiques/théâtraux de la série.
La série est un gâchis, elle s'est perdue dans les méandres des pires teen shows en essayant de toujours faire plus triste, dramatique ou sombre. À vouloir parler de tout, elle finit par ne parler de rien et manque cruellement de finesse et de relief dans ses dialogues et ses intrigues.
Donc oui, je conseille les deux premières saisons qui correspondent un à arc entier. En revanche, les deux dernières sont à oublier, voire à bannir.
AJ and the Queen est une espèce de téléfilm un peu cheesy et old school, plein de bons sentiments et très bienveillant envers son public. C'est ce qui fait que ce n'est pas la série du siècle, mais c'est aussi ce qui fait son charme. C'est une histoire très bien portée par le génial RuPaul Charles qui délivre un message de tolérance et de paix, avec beaucoup d'humour et de piquant. C'est très honnête, du début à la fin, divertissant, coloré, humain. La fin de la saison est ouverte à une éventuelle suite, qui ne viendra pas, mais dans le même temps on y trouve une conclusion satisfaisante. C'est un projet qui venait du cœur, et ça se sent.
Déçue de cette mini-série qui aurait tant gagné à être un film. Je n'ai pas lu le livre donc je ne jugerai pas la qualité de l'adaptation mais ces quatre épisodes sont mal découpés, manquent d'intensité, de but narratif précis, avec un mauvais rythme et j'en passe. Plusieurs intrigues jamais complètement définies se déroulent en parallèle (entre passé et présent qui plus est) mais on ne s'accroche à aucune d'elle, et donc à aucun personnage non plus. La production est plutôt solide, mais il en ressort un sentiment de vide, là où il y avait quand même un certain potentiel (à la fois dans l'émotion, les personnages et dans l'Histoire). Ce n'était que quatre épisodes, mais un bon film de deux heures aurait certainement été plus efficace.
Avis sur les saisons
Cette saison s'est progressivement mise en place avec un départ un peu lent, un peu lourd, mais qui au fil des épisodes arrive à prendre son envol pour réellement complexifier et enrichir l'histoire de base.
Que ce soit le personnage d'Hannah, les personnages secondaires (heureusement, puisque c'est eux qui restent pour nous offrir une troisième saison), les différents point de vue, les faiblesses du système judiciaire, les difficultés à parler dans un monde où tout est encore à faire question place de la femme etc., tout a bien été traité.
J'ai trouvé cette deuxième saison plus qualitative que la première, car beaucoup plus ancrée dans le réel, plus dure mais aussi plus juste. Les auteurs sont également parvenus à lier l'histoire d'Hannah (et les cassettes) avec le présent pour faire évoluer les personnages tout en la gardant au centre de l'histoire, et c'est assez rare que ce genre de situation soit bien gérée donc je suis vraiment satisfaite de la construction des épisodes et de la saison en général.
La série est prête à passer à autre chose et à se concentrer sur l'évolution des autres personnages en gardant le souvenir d'Hannah, car tout le monde a une histoire qui s'est développée cette année, tout le monde est apte à porter le poids d'une nouvelle saison, même si Hannah n'est plus là.
La seule condition est de garder cette envie d'aborder des thématiques difficiles, mais actuelles, sur l'adolescence et la société américaine (ou occidentale). Si ça tourne au simple teen show, ce ne sera plus intéressant, mais s'ils se démerdent bien ça peut vraiment marcher.
Et j'étais la première sceptique quant à une deuxième saison...
Faire attention tout de même, je sus d'accord que ça peut vraiment être dérangeant pour les âmes sensibles (surtout adolescentes). Je conseille de ne pas regarder trop d'épisodes d'un coup, ou d'être accompagné. Ils le disent au début, et je suis assez d'accord avec eux. Il y a un truc dans cette série qui fait qu'elle est vraiment différente des autres.
Une troisième saison qui s'annonçait prometteuse mais qui se révèle être décevante sur sa fin. Le format est faible, avec un choix de narration que je n'ai pas trouvé judicieux. Treize épisodes, c'est beaucoup trop et l'intrigue tourne en rond. La fin est, selon moi, scandaleuse. Pris dans l'intrigue principale, le scénario ne parvient pas à raconter autre chose et perd de sa puissance sur des sujets essentiels.
Malgré tout, des personnages comme Jessica ou Tyler restent très intéressants, tout comme Clay qui continue d'être le point d'ancrage. C'est dommage, surtout quand on voit que c'est une série qui peut avoir un réel impact sur certaines personnes. La violence finit par faire partie intégrante de l'histoire plutôt que d'être seulement racontée et/ou dénoncée, et ça gâche les premières intentions.
Une dernière saison en demi-teinte pour 13 Reasons Why car elle part dans tous les sens, essayant de parler de sujets importants tout en faisant évoluer les personnages, sans oublier l'intrigue en elle-même qu'il faut continuer d'alimenter. Et ça ne fonctionne pas. Parce qu'à force de vouloir parler de tout, on finit par ne parler de rien, et des évènements qui auraient pu être forts en émotion et puissants, ne le sont pas.
La série était déjà perdue pour moi, après la désastreuse fin de la troisième saison. Je trouve qu'il y a cette idée un peu trop véhiculée selon laquelle certaines personnes mériteraient ou non de mourir, et passer autant de temps sur ça, ce n'est pas bon. Des procédés sont utilisés à des fins narratives mais ne sont pas explorés en profondeur, ce qui rend l'ensemble superficiel. C'est un teen show classique, sensationnaliste et assez peu crédible à la fin. Et c'est bien dommage, parce que c'est typiquement le genre de programme qui peut avoir un impact. Mais cette saison a prouvé que la série ne parvenait plus à faire dans le juste, simple et réaliste.
Avis sur les épisodes
Je ne dirais pas que c'est un épisode charnière — bien qu'il contribue fortement à la construction de la montagne émotionnelle qu'est cette saison — et je ne le trouve certainement pas ennuyant. Les personnages sont au plus bas, que ce soit sous forme de nonchalence (Claire), d'excitation (Billy), de doute (Brenda), de tristesse (Ruth), d'appréhension (David), de questionnement (Nate), de confusion (George) ou de solitude (Rico).
- Le grand moment de l'épisode pour Nate, c'est effectivement cet échange qu'il a avec Maggie, que l'on apprend doucement à connaître malgré sa discrétion. Un lien très fort, subtil et presque inconscient, se crée entre eux parce qu'ils se comprennent.
- De son côté, Brenda apprend aussi à se connaître et crée des liens avec Jackie, de qui elle se rapproche et qui semble saine. Sa relation avec Nate en pâtit forcément, sans que Nate lui-même en soit réellement conscient (contrairement à Brenda, qui possède un sixième sens pour le meilleur et pour le pire). Cela dit, si à l'époque j'étais beaucoup moins mature et plus prompt à être dans l'esprit "vive-Brenda-et-Nate", je trouve que la façon dont ils s'éloignent n'est finalement pas si amère que ça. Aucun des deux n'est vraiment responsable et qu'ils s'aiment ou non n'est pas le plus important. Ils sont simplement dans deux mondes différents.
- Les choses se compliquent pour (et entre) David et Keith, qui pataugent dans leurs démarches et se retrouvent face à leurs erreurs passées — surtout David, d'ailleurs. Alors que leur intrigue semblait être celle porteuse d'espoir, le chemin est semé d'embûches.
- Billy commence à perdre le contrôle et Claire, dans la phase d'une jeune adulte qui découvre la vie, le suit sans réfléchir. Claire a perdu de sa douceur et son désir d'affranchissement affublé d'une belle arrogance agacent mais sont tellement justes. Je suis vraiment contente que la série nous l'ait présentée adolescente, à 17 ans, mais que la période la plus compliquée pour elle arrive à ses 20 ans. Le cliché de la crise adolescente est insupportable, alors que c'est dans la vingtaine que les vrais défis arrivent. Sa relation avec Ruth est sur la brêche, leur dispute vraiment violente. Mais tout passe en coup de vent, témoignant d'un manque accablant de communication.
- Ruth fait de la peine. Elle n'est pas en colère. Elle n'est pas pénible. Elle n'est pas envahissante. Elle est juste épuisée, croulant sous le poids de sa responsabilité et de ce que la vie lui réserve — encore. Elle est vraiment touchante, et n'a jamais été aussi attachante, surtout quand on voit que ses proches ne sont finalement pas tant présents que ça pour elle.
La saison poursuit son chemin, pas plus sombre qu'une autre, pas plus légère non plus. Des intrigues tristes et peinantes où séjourne tout de même une faible lueur d'espoir.
Un épisode remarquablement symbolique (que ce soit au premier visionnage ou non), parfaitement réalisé, monté et interprété. Il y a tout, dans cet épisode. Tout ce qu'il y a de bon ou de mauvais dans la vie des personnages, qui s'entrechoquent ou se rencontrent au détour d'un couloir ou dans une pièce de la maison, menacée de la présence d'un oiseau vagabondant parmi tout le monde.
- Nate est au cœur de l'épisode avec ses quarante ans. Une occasion simple de le faire réfléchir — encore et toujours — à sa vie et au sens qu'il lui porte. Deux de mes scènes favorites s'y trouvent : l'échange avec son père, puis avec Maggie. Aussi seul et aussi malheureux qu'il puisse se sentir, il semble être l'aube d'un certain éveil. C'est subtil, mais ça se sent. Il doit juste sortir de sa tête et relativiser sur son autoexigence de mener une vie parfaitement censée. Maggie est un personnage discret mais lumineux, le genre qui a beaucoup souffert mais qui ne l'étalera jamais. L'alchimie entre eux est visible.
Nate: Feel like all I can get out of this birthday Is that life is really fucking lonely.
Maggie: You have this wonderful family. And a baby on the way.
Nate: I know. And it's really fucking lonely. I just feel like all I do all day long Is manage myself, Try to fucking connect with people. But it's like no matter how much energy You pour into, getting to the station on time Or getting on the right train, There's still no fucking guarantee that anybody's gonna be there for you To pick you up when you get there. You know what I mean?
Maggie: Well, I know that if you think life's a vending machine, Where you put in virtue And you get out happiness, Then you're probably gonna be disappointed.
Nate: I know that. Is that how I sound?
Maggie: A little.
- Brenda s'efface, son couple avec Nate ressemble à un amas de nœuds qu'aucun d'entre eux ne semble vouloir démêler ; certains clairs et nets, d'autres plus secrets et plus personnels.
- David et Keith prennent le temps d'observer Maya et continuent de se frayer un chemin parmi les procédures d'enfantement. Ce type d'épisode est l'occasion de voir des personnages qui se voient peu échanger ; c'est le cas entre Brenda et Keith ici.
- Claire se laisse vivre et fait un peu n'importe quoi même si elle dégage une grande force de caractère. Billy s'est reperdu, Claire s'est lassée. La confusion règne, chez chacun d'entre eux et dans leur couple.
- Ruth et George sont toujours aussi justes. George, innocent, malade, perdu et Ruth, fragile mais qui garde la tête haute.
I am so lucky. I hate that I'm the lucky one. No one's ever lucky to have me. Nobody's ever been lucky to have me. — George (à Ruth)
Voir ce qu'elle traverse sans que personne ne soit réellement présent autour d'elle est vraiment peinant, en particulier en ce qui concerne sa relation avec Claire. Le toast qu'elle porte à Nate est bouleversant, surtout rétrospectivement.
These past five years with you have been a gift, Nate. That's all I wanted to say. — Ruth (à Nate)
Six Feet Under au sommet.
Nate: Time flies when you're having fun, huh?
Nathaniel Sr.: No, huh-Uh. Time flies when you're pretending to have fun. Time flies when you're pretending to love Brenda and that baby she wants so much. Time flies when you're pretending to know what people mean when they say "Love. " Let's face it, buddy boy, there's two kinds of people in the world There's you and there's everybody else, And never the twain shall meat.
Chaque Fisher se retrouve face à des dilemmes ou des confrontations et doivent faire des choix afin d'avancer. En parallèle, c'est assez étrange car jamais ils n'avaient été aussi éloignés les uns des autres ; chacun est dans son coin (à part Claire et Ruth qui se disputent), ce qui casse un peu la dynamique familiale.
- Nate et Brenda s'accrochent sur la manière d'expliquer ses origines à Maya. Leur couple est sur la brêche depuis qu'ils se sont remis ensemble, avec un Nate distant et une Brenda qui doute d'elle-même. Mais la série est toujours très fine, si bien que leur relation pourrait évoluer dans le bon sens, finalement.
- David et Keith doivent faire des choix quant à leur future parenté. La rencontre avec Anthony, le rollercoaster que leur fait subir la mère porteuse... Tout ça converge finalement vers leur envie d'adopter. Pour la première fois de la saison, on a enfin la sensation qu'ils avancent.
- Claire s'éloigne de Billy, très dépendant d'elle et pas du tout en forme. Elle se heurte au comportement de Margaret et continue de rejeter tout le monde. J'aime bien ce court échange qu'elle a avec Nate, qui témoigne une fois de plus que dans cette famille, on observe mais on ne dit — presque — jamais rien.
Claire: Why can't anyone in this family just let me fucking be?
Nate: Because I just flashed on Maya at your age sitting in front of the tv feeling sorry for herself, not caring about anything or anybody. It just broke my heart.
- Ruth doit trouver une solution pour survivre. La situation avec George est intenable et elle finit par faire ce qui est le mieux pour elle — mais pour lui aussi. C'est une grande avancée pour elle, car elle ne l'aurait jamais fait auparavant.
L'enterrement de la semaine est intéressant par rapport à toutes ces dynamiques de confrontations ou chacun exprime son opinion sans jamais réellement regarder le principal intéressé. Enfin, Rico et Vanessa ont droit à pas mal de scènes et on sent l'urgence qu'a Rico de récupérer sa famille.
Comme quoi, on en revient toujours à l'éducation :
So I grew up with parents who had no boundaries. You grew up with parents that had nothing but boundaries. — Brenda (à Nate)
Un épisode d'une lumière et d'un fatalisme absolus à la fois. Comment réussir ce coup de génie ? Grâce à des personnages atteints de grâce, de pureté, d'authenticité.
Frances Conroy et Lauren Ambrose sont particulièrement éblouissantes dans leurs rôles ; Ruth qui cherche tant à se connecter aux autres, qui cherche tant une communauté dans laquelle elle pourrait enfin être elle-même et se reposer. Claire, qui se résigne à travailler dans quelque chose de morne et de conventionnel (le numéro Broadway est tellement bon !) qui lui resserre tous les étaux de son corps et de son âme.
Cette scène centrale, où toutes ces femmes chantent Calling All Angels et l'une de mes scènes favorites (top 3 à coup sûr), elle représente l'apogée d'une certaine spiritualité, propre à la série et en même si universelle. Chaque plan est bordé de beauté et de justesse, parfaitement monté avec le suivant. Et comme on est dans Six Feet Under, ce serait bien trop beau de terminer l'épisode sur ce moment hors du temps. Non, on revient à la réalité : David et Keith qui bataillent avec leurs enfants. Ruth qui réalise qu'elle est finalement assez seule, et qui, lorsqu'elle se tourne vers George, se retrouve piégée. Et c'est pour ça que l'épisode est aussi lumineux que triste. Ou aussi triste que lumineux. C'est ce qui fait, en tout cas, qu'il est sublime.
Sarah: Shit ! Maybe you're not an artist.
Claire: Why would you say that ?
Sarah: Did it hurt your feelings when I said it ?
Claire: Well, yeah.
Sarah: Maybe I'm right. Maybe if you were an artist, you'd have laughed when I said that. Like, if you told me I was purple I would laugh because i know I'm not purple. But when I said you weren't an artist, you felt bad. Maybe because there's a grain of truth in it.
Claire: You're the one who took me by my shoulders and looked me in my eyes And told me that I was an artist.
Sarah: Maybe you were. Maybe are. Maybe you aren't. I don't know.