Il y a plus de deux mois, la rédac’ avait évalué le petit nouveau prénommé Preacher comme un très bon élève, avec beaucoup de potentiel pour devenir la meilleure nouveauté de cette bien triste année sérielle. Je dois avouer que je n’étais pas aussi enthousiaste à son sujet… Sous ses airs de petit ange très bien filmé et très bien joué, j’avais peur que Preacher ne veuille trop jouer au cancre qui n’en fait qu’à sa tête et privilégier le style à la substance.
Fort heureusement, ce ne fut pas le cas, et je peux dire avec fierté que oui, Preacher se révèle bel et bien, sinon la meilleure nouveauté de l’été – Stranger Things fait également beaucoup parler d’elle – au moins une très bonne découverte et une future excellente série en perspective. C’est le moment, point par point et le tout bourré de spoilers, de faire le bilan !
~~~
Les personnages
C'est ce qui fait apparemment la force des comics dont la série s’inspire – je préviens d’avance que je ne les ai jamais lus et n’ai aucune idée de leur contenu. Dans la série, les personnages sont également une grande qualité, en particulier son trio principal – j’ai nommé : Jesse, Tulip et Cassidy.
Par rapport au pilote, quasiment tous les personnages ont gagné en épaisseur tout au long de la saison. À commencer par le preacher en lui-même. Un poil en retrait dans le pilote, comme la critique l’avait déjà signalé, la suite lui apportera beaucoup plus de nuances, permettant au très bon personnage de Dominic Cooper de devenir le centre d’attention de la série. Peut-être un peu trop ?
Je dis cela car en effet, cela signifie que d’autres personnages sont relégués au second plan. Tulip la première. Dans l’attente de on-ne-sait-trop-quoi, ou dans des scènes qui franchement n’ont pas un grand intérêt (cf. tous ses passages dans son “bordel”), le personnage de Tulip est probablement le seul de tous qui a plutôt perdu depuis sa première apparition dans le pilote, épique et badass à souhait. Cela serait injuste de dire que le personnage n’a pas respecté le rôle qu’on attendait de lui ; Tulip est particulièrement cool sur la fin de saison notamment. Mais on sent qu’avec une telle personnalité et une telle actrice, Tulip en a sous le pied et pourra nous proposer bien plus par la suite que de simplement mettre en valeur Jesse.
Un autre personnage qui s’est révélé décevant sur certains aspects, c’est Emily, la fidèle servante de l’église qui en pince clairement pour Jesse et qui essayait de sortir l’église de sa mauvaise passe. Si plusieurs aspects autour de son personnage sont très réussis, notamment la façon dont elle est mêlée au trio principal de fous furieux et comment elle réagit à la situation, le développement d’Em est finalement peu fourni. On ne comprend pas vraiment les motivations derrière le meurtre de Miles, le Maire de la ville. Je sais que dans cette série, tout le monde est légèrement taré, y compris des personnages qui avaient l’air plutôt sain de prime abord – le meilleur exemple étant l’homme d’affaires Quincannon, un personnage secondaire faisant figure d’antagoniste sceptique et barré très convaincant. Mais tout de même, Emily semblait plus complexe que cela.
Est-ce un hasard que les deux personnages probablement les plus chancelants sur certains aspects, sont aussi les deux seules leads féminins de la série ? Qui plus est, tous les deux en pinçant pour le héros ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il est assez dommage de voir que la série ne propose pas plus de figures féminines fortes.
Allez, assez de négativité. Car autrement, les personnages sont vraiment bons, pour certains géniaux. Ce n'est finalement peut-être pas encore le point le plus fort de la série, mais c'est normal, celle-ci en est encore à ses débuts. De plus, hormis les autres qualités de la série, que ce soient son ambiance, sa réalisation ou son scénario, bref, les points que j’aborderai un peu plus bas, ce sont bien les personnages qui constituent le cœur de Preacher. Ils sont tous représentatifs de l’esprit complètement déjanté de la série.
Mention spéciale pour les deux anges androïdes du paradis venus avec une tronçonneuse, une chanson et une boîte de conserve pour défaire un démon – comment on peut faire plus dingue que ça ?
D’autre part, tous les protagonistes sont attachants à leur manière, ont une identité propre, et certains sont même clairement emblématiques. Cela inclut bien évidemment le trio principal Jesse/Tulip/Cass, mais également bon nombre de rôles secondaires, à savoir le policier, les deux anges et Quincannon déjà cités, Donnie, ou encore le jeune Eugene “Arseface”, dont la relative absence dans la seconde partie de saison est un peu dommageable… Mais comme la série aime nous le rappeler lors de la dernière scène de son final : le preacher ne l’oublie pas, et son sauvetage des enfers risque fort d’être l’un des enjeux de la saison suivante.
Puisque le casting n’a pas changé d’un pouce depuis le pilote, je ne ferai pas de paragraphe séparé chantant les louanges de chacun des acteurs de la série, bien que je le pourrais. Tout tient en une phrase : le casting est tout simplement parfait ! Tous les acteurs sont excellents et sont en grande partie ce qui fait que les personnages qu’ils incarnent crèvent autant l’écran.
Bref, les personnages de Preacher sont clairement l'un des points qui font que cette série est très attachante, et cela malgré quelques maladresses dans le traitement des leads féminins notamment. Disons que cela laisse une belle marge de manœuvre à la saison 2 pour améliorer certains points, tout en continuant à faire vibrer ses protagonistes et à poursuivre leur histoire.
Ma note pour les personnages : 13/20.
Le scénario
Parlons-en justement, de l'histoire ! Clairement le talon d’Achille de la série à ses débuts, elle a largement su se rattraper et offrir une écriture solide qui permet de tirer le meilleur de ses personnages, bien qu’elle reste toujours l'un des points qui pourrait le plus être amélioré lors de la deuxième saison.
Tout de même bien bordélique à souhait pendant toute une moitié de saison, la série avait du mal à vraiment canaliser son histoire. Piégée entre l’envie de présenter le plus de spectacle aussi tôt que possible dans des scènes d’action (impliquant souvent Cassidy), et le besoin de raconter son histoire, la série a pendant un temps largement relégué l’avancée du récit au second plan, donnant une tonne de morceaux d’intrigues à un stade embryonnaire tout au plus. Petit listing, on a :
- Jesse qui doit tenir la promesse à son père et rénover l’église ;
- Jesse possédant un démon intérieur qui lui permet de se faire obéir par tout être vivant, ce qui lui donne un pouvoir dont il a bien envie de se servir pour tenter de “faire le bien” ;
- le fameux couple d’anges qui tentent de reprendre ce démon de Jesse en le coupant avec une tronçonneuse (ou en lui chantant une chanson pour le piéger dans une boîte de conserve, au choix) ;
- Cassidy qui sauve sans cesse son pote et dont la nature ressort parfois au mauvais moment ;
- Tulip qui rencontre Jesse pour lui rappeler régulièrement leur vie commune bien énigmatique ;
- l'église menacée par l’homme le plus riche de la ville ;
- et des intrigues secondaires par milliers : les flashbacks autour du père de Jesse, la backstory d’Eugene et de son père, celle de Em, celle de Donnie, etc. qui ne formeront un tout cohérent que plus tard…
Sans oublier la fameuse intrigue parallèle du cowboy dans le passé qui a dû ravir les fans du comics dès sa première apparition mais qui est restée un mystère pour nous autres pendant un bon moment ! Rétrospectivement, les scènes gagnent beaucoup plus en puissance avec la fin en tête, mais restent étrangement amenées.
Bref, cela en faisait un paquet de storylines différentes pour un début de série. Mettons les mots appropriés : c’était juste le bordel ! Un joli bordel, mais un bordel quand même. La plupart de ces intrigues ne prendront un véritable sens qu’à partir de l’épisode 6, qui a été un vrai tournant pour ma part.
C'est celui où les auteurs ont enfin su trouver la bonne formule et le juste milieu entre scènes d’action délirantes et exploration du fond de la série, dans ce combat épique avec la séraphine envoyée elle aussi du paradis, juste après une scène où le prêtre utilise son pouvoir pour forcer le dévoilement d’informations sur la bête qu’il a en lui. Un bel exemple de la série, qui ne cède pas à la facilité parfois trop usée de volontairement cacher des informations au téléspectateur : ici, on brise la glace, et cela ne nuit en rien au rythme de la suite des événements, au contraire. L’épisode agit comme véritable déclic, les personnages commencent enfin à être réunis plus souvent et la série est inarrêtable après cela : Eugene envoyé en enfer, les méfaits du pouvoir du prêtre enfin adressés, attaques incessantes dans l’église, les deux anges qui se réservent un petit trip en enfer, Cassidy qui bouffe des hamsters et du maire, big twist sur le monde du cowboy, Jesse en cavale, ce bon vieux Carlos dans le coffre d’une bagnole, sans oublier bien sûr la rencontre avec Dieu. Et pour couronner le tout ? Une énorme usine de merde explose et la ville avec.
Bref, autant dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde. La série n’est plus en roue libre, ne s’éparpille plus et commence à se cadrer, et c’est là qu’elle frappe dans le mille. À l’issue de cela, la série lance le road trip qui figure apparemment dans les comics dès son commencement, et nous laisse dans l’envie totale de voir ce que la saison 2 aura de plus fou à nous raconter. Car si cette première saison ne faisait que s’inspirer de l’univers du comics afin d’offrir un préquel, vu le résultat déjà délirant que cela a donné, je ne peux qu’imaginer une suite encore meilleure lorsque le matériel source sera véritablement transposé à l’écran.
Ma note pour le scénario : 14/20.
Les messages, les thématiques... bref : le fond
Bon, Preacher a des personnages badass, Preacher a une intrigue très entraînante. Mais en dehors de ça, elle raconte aussi quelque chose. Hormis la forme trop fourre-tout, un autre problème de l’histoire au début de la série, c’est que parfois, elle cherchait trop à faire une série/un drama un poil classique, qui se prenait trop au sérieux. Cela se voyait notamment par les flashbacks vers le père de Jesse lourdement amenés, avec le côté tourmenté du garçon un poil trop prononcé, quand, en parallèle, c’était juste l’éclate avec Tulip et Cassidy.
Par la suite, la série corrige également ce défaut. Elle arrive à créer de véritables relations sérieuses et touchantes au centre de son histoire, en se posant parfois avec plus de dialogues, sans que cela ne pénalise notre plaisir de regarder un épisode. Du coup, cela permet à la série de gagner fortement en profondeur. En plus d’être juste du pur fun en barre pendant des heures non-stop, le scénario a aussi du fond.
Il y a un message évident autour du bien et du mal. Certes, il est un peu classique, mais il n’est encore qu’à peine effleuré, puisque Genesis a cessé d’être le centre d’attention sur la fin et qu’il reste encore beaucoup de choses à creuser de ce côté. Toujours est-il que le conflit intérieur constant de Jesse entre la promesse qu’il a faite à son père, “être un homme bon car le monde a déjà bien assez de mauvais”, et son propre passé vis-à-vis de Carlos et de Tulip, est très bien mis en scène. La série aborde cette thématique plutôt subtilement (hormis cette phrase du père de Jesse dans le flashback, mais comme je l’ai dit ces parties-là sont plutôt lourdes). Les personnages évoluent dans une zone souvent grise qui évite les clichés manichéens. On peut citer en guise d’exemple le policier star de la ville, le père d’Eugene, qui a une relation et une opinion ambiguës vis-à-vis de son fils meurtrier, tandis qu’il en vient en même temps à commettre lui-même un meurtre.
Bien sûr, tout cela n’est qu'un amuse-gueule face au véritable enjeu dramatique de la série : l’utilisation du pouvoir de Jesse, qui soulève pas mal de questions et de débats du style : peut-on utiliser le mal pour faire le bien ? Genesis étant décrite comme l’enfant de l’ange et d’un démon, et à la fois comme la chose la plus puissante sur Terre, il est difficile d’imaginer comment la série pourrait être moins claire à propos de cet enjeu. Pour l’instant, la série est restée plutôt silencieuse à ce sujet donc, l’accent ayant été surtout mis sur les personnages et la relation Jesse/Tulip, qui trouve une très belle conclusion pour les deux personnages : “c’est l’intention qui compte”, nous dit Tulip. Mais j’ai bon espoir qu’à l’avenir le pouvoir du preacher, sans chercher à le rationaliser avec des faits (surtout pas !) soit discuté et remis au centre de l’histoire.
La deuxième thématique principale de la série, moins classique, moins universelle, est beaucoup plus dans la veine de l’originalité de la série et est à son image. Ce qui veut dire : elle est faite avec la subtilité d’un éléphant, mais diaboliquement hilarante. Je parle bien sûr de la religion. Si le titre, le pitch et l’image de la série (une église/croix à l’envers) ne sont pas assez explicites, peut-être que l’intervention de Dieu lui-même à la fin de la série suffira-t-elle ? Attention, cette manière de traiter aussi “grossièrement” cette thématique n’est pas du tout un défaut et fait partie justement de tout le propos de la série. Lors de la révélation sur l’arnaque divine à la fin, c’est la désillusion pour la ville, avec une série de suicides qui suivent dans un montage limite burlesque. Suivi par l’explosion de la ville elle-même à cause d’un tas de merde, car le garde n'avait pas supporté une séance de bondage avec une prostituée.
Je ne sais pas si la série continuera avec son ton aussi tranchant, mais même si elle n’offre pas une vision aussi prononcée sur la religion, les symboles religieux ne s’arrêteront pas. Je l'espère car tout cela a ajouté beaucoup à l'histoire d'Annville cette saison. Mais je pense qu'on peut s'attendre à une suite, la série reste “Preacher” après tout…
Ma note pour le fond : 15/20.
La réalisation
La rédaction avait jugé le pilote très convaincant sur ce point, mais il avait probablement un meilleur budget que la plupart des autres épisodes, comme c’est souvent le cas. La réalisation n’était pas forcément bien mise en valeur par la suite à mes yeux, sans doute la conséquence directe des quelques faiblesses dans d’autres domaines de la série.
Pour autant, la série est magnifique visuellement. Le cadre y est évidemment pour beaucoup, mais l’ambiance sera jugée dans un paragraphe différent. D’un point de vue esthétique, la série est juste belle, entre l’église délabrée au milieu d’un désert semblant loin de tout, ou, bien évidemment, tous les passages avec le fameux cowboy dans la ville de Ratwater, sortis tout droit d’un Leone. La série est filmée avec des couleurs chaudes qui changent des réalisations parfois un peu trop froides et confortables du moment.
Mais les localisations ne font pas tout. La série ne manque pas de plans marquants et ingénieux. Mon passage préféré : la bagarre sanguinaire au motel aperçue à travers un petit trou dans le mur causé par une balle, ne laissant que des giclées de sang apparaître. Mon autre passage préféré : le plan sur l’arbre mort à l’entrée de la ville où sont pendus les indiens, qui te fait comprendre que l’enfer dans lequel vit le cowboy est situé au même endroit qu’Annville. La réalisation est pleine de ce genre de détails qui apportent beaucoup.
Techniquement, c’est aussi impeccable. Il y a peu de choses à dire ou à remarquer, et c’est plutôt bon signe. Toutes les scènes d’action sont bien filmées et l’ensemble est sans bavure. En même temps, de la part de la chaîne derrière notamment Mad Men ou Breaking Bad, dont l’un des réalisateurs de cette dernière – Sam Caitlin – est co-créateur de Preacher, on pouvait s’attendre à quelque chose de propre et de qualité. Si on n’atteint pas encore les niveaux breaking-badesques, une chose est sûre, la série a réussi à se créer une certaine patte atypique et à son image : propre, décalée, mais aussi très couillue et choquante par moment.
Car autant je ne sais pas si le degré de violence des comics a été vraiment respecté – il s’agit souvent d’une des craintes lorsque l’on adapte un comic ; voir The Walking Dead – autant il est clair qu’en tant que produit télévisuel la série ne lésine pas sur les moyens pour pour bien dégoûter le spectateur. Petite liste pour le fun (j’aime bien les listes) :
- un cœur arraché par son propre propriétaire ;
- un bras découpé à la tronçonneuse qui continue de ramper ;
- Eugene et sa tête de “:o” ;
- le retour de la chose de la famille Addams pour appeler Dieu ;
- une “femme” démembrée comme dans le pire des Saw ;
- et surtout, du sang, du sang, du sang à profusion.
La série veut clairement faire dans le trash et cela colle à merveille avec son univers et son humour (vous noterez que tous les éléments ci-dessus sont souvent drôles). Même si cela sous-entend clairement que la série trouve un certain public et ne s’adresse probablement pas à tout le monde.
Bref, clairement, Preacher propose une réalisation qui se détache du lot des séries habituelles. C’est avec un petit regret que nous quittons Annville en fin de saison, car cela signifie que nous ne reverrons plus l’église notamment ; mais un road trip à travers l’Amérique toute entière comme dans le comics, c’est en fait même plus alléchant.
Ma note pour la réalisation : 15/20.
L’ambiance
Point fort de la série depuis toujours (comment ça j’ai dit que c’était les personnages ? Oui mais que voulez-vous, tout est bien !), l’ambiance de la série est juste géniale. Directement importée de la bande dessinée, enfin, c’est en tout cas ce que je suppose d’après tous les avis dithyrambiques à son sujet, l’ambiance est aussi atypique que tout le reste de la série. Le mélange des genres rend extrêmement bien – l’humour se mêle à l’action, le pastiche de western colle parfaitement à l’aspect surnaturel...
Quant à la bande-son de la série, elle est très réussie et rassemble habilement de nombreuses musiques qui contribuent grandement à l'ambiance. Bon, j'espère toujours voir un jour une chanson éponyme récente utilisée dans la série, mais ce n'est qu'une petite demande personnelle !
Bref, l'ambiance est finalement ce qui se retrouve dans tous les autres points de ce bilan, aussi je ne développerai pas davantage : elle est définitivement la “touche spéciale” de Preacher.
Ma note pour l'ambiance : 16/20.
~~~
Conclusion
Note finale de la saison : 15/20.
Meilleurs épisodes de la saison : 1.06 Sundowner, 1.09 Finish the Song, 1.10 Call and Response
Même si mes notes peuvent paraître plus sévères que celles du pilote, j'ai vraiment pris de plus en plus de plaisir à regarder cette série au fur et à mesure que la saison avançait. Certes, la saison 1 de Preacher aura mis un peu de temps à démarrer, mais il faut probablement la voir comme la grande phase d’exposition de la série, une étape nécessaire afin d’entraîner pas à pas les gens comme moi dans l’univers si particulièrement dépeint. Nul doute qu'avec Preacher, on tient là de grandes chances d’avoir une excellente série en perspective, si elle parvient à tirer parti de tout ce qu’elle a introduit cette année pour balancer la sauce par la suite. Elle en a en tout cas le potentiel et je fais totalement confiance aux créateurs pour la suite. Rien qu'en adaptant l'univers des comics de façon inspirée et assez ouverte, cette saison “préquel” a réussi à être aussi entraînante, alors je n'ose pas imaginer ce que la saison 2 nous réservera lorsque le véritable contenu principal du comics sera adapté à l'écran et que le potentiel de la série sera déchaîné !
Merci à Cail1 pour ses informations apportées quant à l'histoire de la série par rapport à celle de la bande dessinée, qui m'ont permis d'avoir un axe de plus pour approcher la saison et que j'ai tenté d'interpréter à quelques endroits dans ce bilan. :)
Allez, on se donne rendez-vous pour la saison 2 ! L'histoire ne fait que débuter...
Now the preachin' is over, and the lesson's begun…
Il y a plus de deux mois, la rédac’ avait évalué le petit nouveau prénommé Preacher comme un très bon élève, avec beaucoup de potentiel pour devenir la meilleure nouveauté de cette bien triste année sérielle. Je dois avouer que je n’étais pas aussi enthousiaste à son sujet… sous ses airs de petit ange très bien filmé et très bien joué, j’avais peur que Preacher voulait trop jouer à son cancre qui n’en fait qu’à sa tête et privilégier le style à la substance.
Fort heureusement, ce ne fut pas le cas, et je peux dire avec fierté que oui, Preacher se révèle bel et bien, sinon la meilleure nouveauté de l’été - Stranger Things fait également beaucoup parler d’elle - au moins une très bonne découverte et une future excellente série en perspective. C’est le moment de faire le bilan !
Les personnages
Ce qui fait apparemment la force des comics dont la série s’inspire - je préviens d’avance que je ne les ai jamais lu et n’ait aucune idée de leur contenu -, les personnages dans Preacher sont tout autant une des forces de la série, en particulier son trio principal, j’ai nommé : Jesse, Tulip et Cassidy.
Par rapport au pilotee, quasiment tous les personnages ont gagné en épaisseur tout au long de la saison. A commencer par le preacher en lui-même. Un poil en retrait dans le pilote comme la critique l’avait déjà signalé, la suite lui apportera beaucoup plus de nuances, permettant au très bon personnage de Dominic Cooper de devenir le centre d’attention de la série. Peut-être un peu trop ?
Je dis cela car en effet, cela signifie souvent que d’autres personnages sont relégués au second plan. Tulip la première. Dans l’attente de on-ne-sait-trop-quoi, ou dans des scènes qui franchement n’ont pas un grand intérêt (cf tous ses passages dans son “bordel”), le personnage de Tulip est probablement le seul de tous qui a plutôt perdu depuis sa première apparition dans le pilotee, épique et bad-ass à souhait. Cela serait injuste de dire que le personnage n’a pas respecté le rôle qu’on attendait de lui, Tulip est particulièrement cool sur la fin de saison notamment. Mais on sent qu’avec une telle personnalité et une telle actrice, Tulip en a sous le pied et pourra nous proposer bien plus par la suite que de simplement mettre en valeur Jesse.
Un autre personnage qui s’est révélé décevant sur certains aspects, c’est Emily, la fidèle servante de l’Eglise qui en pince clairement pour Jesse et qui essayait de sortir l’Eglise de sa mauvaise passe. Si plusieurs aspects autour de son personnage sont très réussis, notamment la façon dont elle est mêlé au trio principal de fous furieux et comment elle réagit avec la situation, le développement d’Em est finalement peu fourni. On ne comprend pas vraiment les motivations derrière le meurtre de Miles, le maire de la ville. Je sais que dans cette série, tout le monde est légèrement taré, y compris des personnages qui avaient l’air plutôt sain de prime abord - le meilleur exemple étant l’homme d’affaire Quincannon, un personnage secondaire faisant figure d’antagoniste sceptique et barré très convaincant. Mais tout de même, Emily semblait plus complexe que cela.
EM/Tulip
Est-ce un hasard que les deux personnages probablement les plus chancelants sur certains aspects, sont aussi les deux seules leads féminins de la série ? Qui plus est, tous les deux en pinçant pour le héros ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il est assez dommage de voir que la série ne propose pas plus de figures féminines fortes.
Allez, assez de négativité. Car autrement, les personnages sont absolument géniaux et sans aucun doute la grande force de la série. Car hormis les autres qualités de celle-ci, que ce soit son ambiance, sa réalisation ou son scénario, bref, les points que j’aborderais un peu plus bas, ce sont bien les personnages qui constituent le coeur de Preacher. Ils sont tous représentatifs de l’esprit complètement déjanté de la série.
Mention spéciale pour les deux anges androïdes du paradis venus pour chanter une chanson au Preacher - comment on peut faire plus COOL que ça ?
D’autre part, tous les protagonistes sont attachants à leur manière, ont une identité propre, et certains sont même clairement emblématiques. Cela inclut bien évidemment le trio principal Jesse/Tulip/Cass, mais également bon nombre de rôles secondaires, à savoir le policier, les deux anges et Quincannon déjà cités, Donnie, ou encore le jeune Eugene “Arseface”, dont l’absence dans la seconde partie de saison pour la majeure partie est un peu dommageable… Mais comme la série aime nous le rappeler lors de la dernière scène de son final : le Preacher ne l’oublie pas, et son sauvetage des enfers risque fort d’être l’un des enjeux de la saison suivante.
Puisque le casting n’a pas changé d’un pouce depuis le pilote, je ne ferai pas de paragraphe séparé chantant les louanges de chacun des acteurs de la série, bien que je le pourrais. Tout tient en une phrase : le casting est tout simplement parfait ! Tous les acteurs sont excellents et sont en grande partie ce qui fait que les personnages qu’ils incarnent crèvent autant l’écran.
Ma note pour les personnages: 15/20
Bref, les personnages de Preacher sont clairement tout ce qui fait pourquoi on adore cette série, et cela malgré quelques maladresses notamment dans le traitement des leads féminins. Disons que cela laisse une belle marge de manoeuvre à la saison 2 pour améliorer certains points tout en continuant à faire vibrer ses protagonistes et à poursuivre leur histoire. Parlons-en, justement, de l’histoire !..
Le scénario
Clairement le talon d’Achille de la série à ses débuts, la série a largement su se rattraper et offrir une écriture solide qui permet de tirer le meilleur des personnages de la série, bien qu’il reste toujours le point qui pourrait le plus être amélioré lors de la deuxième saison.
Tout de même bien bordélique à souhait pendant toute une moitié de saison, la série avait du mal à vraiment canaliser son histoire. Piégée entre l’envie de présenter le plus de spectacle aussi tôt que possible dans des scènes d’action (impliquant souvent Cassidy), et le besoin de raconter son histoire, la série a pendant un temps largement relégué l’avancée du récit au second plan, donnant un mix entre une TONNE de morceaux d’intrigues à un stade embryonnaire tout au plus. Petit listing, on a :
Jesse qui doit tenir la promesse à son père et rénover l’Eglise,
Jesse qui possède un démon à l’intérieur de lui qui lui permet de se faire obéir par tout être vivant ce qui lui donne un pouvoir dont il a bien envie de se servir pour tenter de “faire le bien”,
Un couple d’anges qui tentent de reprendre ce démon de Jesse en le coupant avec une tronçonneuse, (ou à lui chanter une chanson pour le piéger dans une boîte de conserve, au choix)
Cassidy qui sauve sans cesse son pote et dont la nature ressort parfois au moment le moins opportun
L’Eglise menacée par l’homme le plus riche de la ville
Et des intrigues secondaires par millier : les flashbacks autour du père de Jesse, la backstory d’Eugene et de son père, celle de Em, celle de Donnie, etc. qui ne formeront un tout cohérent que plus tard…
Sans oublier la fameuse intrigue parallèle du cow-boy dans le passé qui a dû ravir les fans du comics dès sa première apparition mais qui est restée un mystère pour nous autres pendant un bon moment ! Rétrospectivement les scènes prennent beaucoup plus en puissance avec la fin en tête, mais restent étrangement amenées.
Bref, cela en faisait un paquet de storylines différentes pour un début de série. Mettons les mots appropriés : c’était juste le bordel ! Un joli bordel, mais un bordel quand même. La plupart de ces intrigues ne prendront un véritable sens qu’à partir de l’épisode 6, qui a été un vrai tournant pour ma part.
Celui où les auteurs ont su enfin trouver la bonne formule et le juste milieu entre scène d’action délirante et exploration du fond de la série, dans ce combat épique avec la séraphine envoyée elle-aussi du paradis, juste après une scène où le prêtre utilise son pouvoir pour forcer le dévoilement d’informations sur la bête qu’il a en lui. Un bel exemple de la série qui ne cède pas à la facilité parfois trop usée de volontairement cacher des informations au téléspectateur : ici, on brise la glace, et cela ne nuit en rien au rythme de la suite des événements, au contraire. L’épisode agit comme véritable déclic, les personnages commencent enfin à être réunis plus souvent et la série est inarrêtable après cela : Eugene envoyé en enfer, les méfaits du pouvoir du prêtre enfin adressés, attaques incessantes dans l’Eglise, les deux anges qui se réservent un petit trip en enfer, Cassidy qui bouffe des hamsters et du maire, big twist sur le monde du Cowboy, Jesse en cavale, ce bon vieux Carlos dans le coffre d’une bagnole, sans oublier bien sûr la rencontre avec Dieu. Et pour courroner le tout ? Une énorme usine de flatulence explose à la gueule de la ville.
Bref, autant dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde. La série n’est plus en roue libre, ne s’éparpille plus et commence à se cadrer, et c’est là qu’elle frappe dans le mille. A l’issu de cela, la série lance le road-trip qui figure apparemment dans les comics dès son commencement, et nous laisse dans l’envie totale de voir ce que la saison 2 aura de plus fou à nous raconter. Car si cette première saison ne faisait que s’inspirer de l’univers du comics afin d’offrir un préquel, vu le résultat déjà délirant que cela a donné, je ne peux qu’imaginer une suite encore meilleure lorsque le matériel source sera véritablement transposé à l’écran.
Ma note pour le scénario : 15/20
Les messages et le fond
Bon, Preacher a des personnages bad-ass, Preacher a une intrigue très entraînante. Mais en dehors de ça, elle raconte aussi quelque chose. Hormis la forme trop fourre-tout, un autre problème de l’histoire au début de la série, c’est que parfois, elle cherchait trop à faire une série/un drama un poil classique, qui se prenait trop au sérieux. Cela se voyait notamment par les flashbacks vers le père de Jesse lourdement amenés, avec le côté tourmenté du garçon un poil trop prononcé, quand en parallèle, c’était juste l’éclate avec Tulip et Cassidy.
Par la suite, la série corrige également ce défaut. Elle arrive à créer de véritables relations sérieuses et touchantes au centre de son histoire, en se posant parfois avec plus de dialogues, sans que cela ne pénalise notre plaisir de regarder un épisode. Du coup, cela permet à la série de gagner fortement en profondeur. En plus d’être juste du pur fun en barre pendant des heures non-stop, le scénario a aussi du fond.
Il y a un message évident autour du bien et du mal. Certes, il est un peu classique, mais il n’est encore qu’à peine effleuré, puisque Genesis a cessé d’être le centre d’attention sur la fin et qu’il reste encore beaucoup de choses à creuser de ce côté. Toujours est-il que le conflit intérieur constant de Jesse entre la promesse qu’il a faite à son père, “être un homme bon car le monde a déjà bien assez de mauvais”, et son propre passé vis-à-vis de Carlos et de Tulip, est très bien mis en scène. La série aborde cette thématique plutôt subtilement (hormis cette phrase du père de Jesse dans le flashback, mais comme je l’ai dit ces parties-là sont plutôt lourdes). Les personnages évoluent dans une zone souvent grise qui évitent les clichés manichéens. On peut citer en guise d’exemple, le policier star de la ville, le père d’Eugene, qui a une relation et une opinion ambigue vis-à-vis son fils meurtrier, tandis qu’il en vient en même temps à commettre lui-même un meurtre.
Bien sûr, tout cela n’est que de l’amuse-gueule face au véritable enjeu dramatique de la série : l’utilisation du pouvoir de Jesse, qui soulève pas mal de questions et de débats du style : peut-on utiliser le mal pour faire le bien ? Genesis étant décrite comme l’enfant-même de l’ange et d’un démon, et à la fois comme la chose la plus puissante sur Terre, il est difficile d’imaginer comment la série pourrait être moins claire à propos de cet enjeu. Pour l’instant la série est restée plutôt silencieuse à ce sujet donc, l’accent ayant été surtout mis autour des personnages et de la relation Jesse/Tulip, qui trouve une très belle conclusion pour les deux personnages : “c’est l’intention qui compte”, nous dit Tulip. Mais j’ai bon espoir qu’à l’avenir le pouvoir du preacher, sans chercher à le rationaliser avec des faits (surtout pas !) soit discuté et remis au centre de l’histoire.
La deuxième thématique principale de la série, moins classique, moins universelle, est beaucoup plus dans le type de l’originalité de la série et est à son image. Ce qui veut dire : elle est faite avec la subtilité d’un éléphant, mais diaboliquement hilarante. Je parle bien sûr de la religion. Si le titre, le pitch et l’image de la série (une Eglise/croix à l’envers) ne sont pas assez explicites, peut-être que l’intervention de Dieu lui-même à la fin de la série suffira-t-elle ? Attention, cette manière de traiter aussi “grossièrement” cette thématique n’est pas du tout un défaut et fait partie justement de tout le propos de la série. Lors de la révélation sur l’arnaque divine à la fin, c’est la désillusion pour la ville avec une série de suicide qui suivent dans un montage limite burlesque. Suivi par l’explosion de la ville elle-même à cause d’un tas de merde car le garde avait pas supporté une séance de bondage avec une prostituée.
Je ne sais pas si la série continuera avec son ton aussi tranchant, mais même si la série n’offre pas une vision aussi prononcée sur la religion, les symboles religieux ne s’arrêteront pas. La série reste “Preacher” après tout…
Ma note pour le fond : 15/20
La réalisation :
La rédaction avait jugé le pilotee très convaincant sur ce point, mais il avait probablement un meilleur budget que la plupart des autres épisodes comme c’est souvent le cas. La réalisation n’était pas forcément bien mise en valeur par la suite à mes yeux, sans doute la conséquence directe des quelques faiblesses dans d’autres domaines de la série.
Pour autant la série est magnifique visuellement. Le cadre y est évidemment pour beaucoup, mais l’ambiance sera jugée dans un paragraphe différent. D’un point de vue esthétique, la série est juste belle, entre l’Eglise délabrée au milieu d’un désert semblant loin de tout, ou bien évidemment, tous les passages avec le fameux Cowboy dans la ville de Ratwater, sorti tout droit d’un Leone. La série est filmée avec des couleurs chaudes qui changent des réalisations parfois un peu trop froides et confortables du moment.
Mais les localisations ne font pas tout. La série ne manque pas de plans marquants et ingénieux. Mon passage préféré : la bagarre sanguinaire au motel aperçue à travers un petit trou dans le mur causé par une balle, ne laissant que des giclées de sang apparaître. Mon autre passage préféré : le plan sur l’arbre mort à l’entrée de la ville où sont pendus les indiens qui te fait comprendre que l’enfer dans lequel vit le Cowboy est situé au même endroit qu’Annville. La réalisation est plein de ce genre de détails qui ajoutent beacoup.
Techniquement, c’est aussi impeccable. Il y a peu de choses à dire ou à remarquer, et c’est plutôt bon signe. Toutes les scènes d’action sont bien filmées et l’ensemble est sans bavure. En même temps, de la part de la chaîne derrière notamment Mad Men ou Breaking Bad, dont l’un des réalisateurs de cette dernière - Sam Caitlin - est co-créateur de “Preacher”, on pouvait s’attendre à quelque chose de propre et de qualité. Si on n’atteint pas encore les niveaux Breaking Badesques, une chose est sûre, la série a réussi à se créer une certaine patte atypique et à son image : propre, décalée, mais aussi très couillue et choquante par moment.
Car autant je ne sais pas si le degré de violence des comics a été vraiment respecté - il s’agit souvent d’une des craintes lorsque l’on adapte un comic, voir The Walking Dead - autant il est clair qu’en tant que produit télévisuel la série ne lésine pas sur les moyens pour bien dégoûter le spectateur. Petit listing pour le fun (j’aime bien les listings) :
un coeur arraché par son propre propriétaire
un bras découpé à la tronçonneuse qui continue de ramper
Eugene et sa tête de “:o”,
le retour de la chose de la famille Addams pour appeler Dieu
une “femme” démembrée tel le pire des Saw
et surtout, du sang, du sang, du sang à profusion
La série veut clairement faire dans le trash et cela colle à merveille avec son univers et son humour (vous noterez que tous les éléments ci-dessous sont souvent drôles). Même si cela sous-entend clairement que la série trouve un certain public et ne s’adresse probablement pas à tout le monde.
Bref, clairement, Preacher propose une réalisation qui se détache du lot des séries habituelles. C’est avec un petit regret que nous quittons Annville en fin de saison, car cela signifie que nous ne reverrons plus l’Eglise notamment, mais un road trip à travers l’Amérique toute entière comme dans le comic, c’est en fait même plus alléchant.
Ma note pour la réalisation : 15/20
L’ambiance :
Point fort de la série depuis toujours (comment ça j’ai dit que c’était les personnages ? Oui mais que voulez-vous tout est bien !), l’ambiance de la série est juste géniale. Directement importée de la bande-dessinée, enfin, c’est en tout cas ce que je suppose d’après tous les avis dithyrambiques à son sujet, l’ambiance est aussi atypique que tout le reste de la série. Le mélange des genres rend extrêmement bien - l’humour se mêle à l’action, le pastiche de western colle parfaitement à l’aspect surnaturel...
Note finale : 15/20.
Si la saison 1 de Preacher aura mis un peu de temps à démarrer, il faut probablement la voir comme la grande phase d’exposition de la série, une étape nécessaire afin d’entraîner pas à pas les gens comme moi dans l’univers si particulièrement dépeint. Nul doute qu’on tient là de grandes chance d’avoir une future excellente série en perspective, si tant est que la série parviendra à tirer partie de tout ce qu’elle a introduit cette année pour balancer la sauce par la suite.
Now the preachin' is over, and the lesson's begun…
Il y a plus de deux mois, la rédac’ avait évalué le petit nouveau prénommé Preacher comme un très bon élève, avec beaucoup de potentiel pour devenir la meilleure nouveauté de cette bien triste année sérielle. Je dois avouer que je n’étais pas aussi enthousiaste à son sujet… sous ses airs de petit ange très bien filmé et très bien joué, j’avais peur que Preacher voulait trop jouer à son cancre qui n’en fait qu’à sa tête et privilégier le style à la substance.
Fort heureusement, ce ne fut pas le cas, et je peux dire avec fierté que oui, Preacher se révèle bel et bien, sinon la meilleure nouveauté de l’été - Stranger Things fait également beaucoup parler d’elle - au moins une très bonne découverte et une future excellente série en perspective. C’est le moment de faire le bilan !
Les personnages
Ce qui fait apparemment la force des comics dont la série s’inspire - je préviens d’avance que je ne les ai jamais lu et n’ait aucune idée de leur contenu -, les personnages dans Preacher sont tout autant une des forces de la série, en particulier son trio principal, j’ai nommé : Jesse, Tulip et Cassidy.
Par rapport au pilotee, quasiment tous les personnages ont gagné en épaisseur tout au long de la saison. A commencer par le preacher en lui-même. Un poil en retrait dans le pilote comme la critique l’avait déjà signalé, la suite lui apportera beaucoup plus de nuances, permettant au très bon personnage de Dominic Cooper de devenir le centre d’attention de la série. Peut-être un peu trop ?
Je dis cela car en effet, cela signifie souvent que d’autres personnages sont relégués au second plan. Tulip la première. Dans l’attente de on-ne-sait-trop-quoi, ou dans des scènes qui franchement n’ont pas un grand intérêt (cf tous ses passages dans son “bordel”), le personnage de Tulip est probablement le seul de tous qui a plutôt perdu depuis sa première apparition dans le pilotee, épique et bad-ass à souhait. Cela serait injuste de dire que le personnage n’a pas respecté le rôle qu’on attendait de lui, Tulip est particulièrement cool sur la fin de saison notamment. Mais on sent qu’avec une telle personnalité et une telle actrice, Tulip en a sous le pied et pourra nous proposer bien plus par la suite que de simplement mettre en valeur Jesse.
Un autre personnage qui s’est révélé décevant sur certains aspects, c’est Emily, la fidèle servante de l’Eglise qui en pince clairement pour Jesse et qui essayait de sortir l’Eglise de sa mauvaise passe. Si plusieurs aspects autour de son personnage sont très réussis, notamment la façon dont elle est mêlé au trio principal de fous furieux et comment elle réagit avec la situation, le développement d’Em est finalement peu fourni. On ne comprend pas vraiment les motivations derrière le meurtre de Miles, le maire de la ville. Je sais que dans cette série, tout le monde est légèrement taré, y compris des personnages qui avaient l’air plutôt sain de prime abord - le meilleur exemple étant l’homme d’affaire Quincannon, un personnage secondaire faisant figure d’antagoniste sceptique et barré très convaincant. Mais tout de même, Emily semblait plus complexe que cela.
EM/Tulip
Est-ce un hasard que les deux personnages probablement les plus chancelants sur certains aspects, sont aussi les deux seules leads féminins de la série ? Qui plus est, tous les deux en pinçant pour le héros ? Je ne sais pas, mais en tout cas, il est assez dommage de voir que la série ne propose pas plus de figures féminines fortes.
Allez, assez de négativité. Car autrement, les personnages sont absolument géniaux et sans aucun doute la grande force de la série. Car hormis les autres qualités de celle-ci, que ce soit son ambiance, sa réalisation ou son scénario, bref, les points que j’aborderais un peu plus bas, ce sont bien les personnages qui constituent le coeur de Preacher. Ils sont tous représentatifs de l’esprit complètement déjanté de la série.
Mention spéciale pour les deux anges androïdes du paradis venus pour chanter une chanson au Preacher - comment on peut faire plus COOL que ça ?
D’autre part, tous les protagonistes sont attachants à leur manière, ont une identité propre, et certains sont même clairement emblématiques. Cela inclut bien évidemment le trio principal Jesse/Tulip/Cass, mais également bon nombre de rôles secondaires, à savoir le policier, les deux anges et Quincannon déjà cités, Donnie, ou encore le jeune Eugene “Arseface”, dont l’absence dans la seconde partie de saison pour la majeure partie est un peu dommageable… Mais comme la série aime nous le rappeler lors de la dernière scène de son final : le Preacher ne l’oublie pas, et son sauvetage des enfers risque fort d’être l’un des enjeux de la saison suivante.
Puisque le casting n’a pas changé d’un pouce depuis le pilote, je ne ferai pas de paragraphe séparé chantant les louanges de chacun des acteurs de la série, bien que je le pourrais. Tout tient en une phrase : le casting est tout simplement parfait ! Tous les acteurs sont excellents et sont en grande partie ce qui fait que les personnages qu’ils incarnent crèvent autant l’écran.
Ma note pour les personnages: 15/20
Bref, les personnages de Preacher sont clairement tout ce qui fait pourquoi on adore cette série, et cela malgré quelques maladresses notamment dans le traitement des leads féminins. Disons que cela laisse une belle marge de manoeuvre à la saison 2 pour améliorer certains points tout en continuant à faire vibrer ses protagonistes et à poursuivre leur histoire. Parlons-en, justement, de l’histoire !..
Le scénario
Clairement le talon d’Achille de la série à ses débuts, la série a largement su se rattraper et offrir une écriture solide qui permet de tirer le meilleur des personnages de la série, bien qu’il reste toujours le point qui pourrait le plus être amélioré lors de la deuxième saison.
Tout de même bien bordélique à souhait pendant toute une moitié de saison, la série avait du mal à vraiment canaliser son histoire. Piégée entre l’envie de présenter le plus de spectacle aussi tôt que possible dans des scènes d’action (impliquant souvent Cassidy), et le besoin de raconter son histoire, la série a pendant un temps largement relégué l’avancée du récit au second plan, donnant un mix entre une TONNE de morceaux d’intrigues à un stade embryonnaire tout au plus. Petit listing, on a :
Jesse qui doit tenir la promesse à son père et rénover l’Eglise,
Jesse qui possède un démon à l’intérieur de lui qui lui permet de se faire obéir par tout être vivant ce qui lui donne un pouvoir dont il a bien envie de se servir pour tenter de “faire le bien”,
Un couple d’anges qui tentent de reprendre ce démon de Jesse en le coupant avec une tronçonneuse, (ou à lui chanter une chanson pour le piéger dans une boîte de conserve, au choix)
Cassidy qui sauve sans cesse son pote et dont la nature ressort parfois au moment le moins opportun
L’Eglise menacée par l’homme le plus riche de la ville
Et des intrigues secondaires par millier : les flashbacks autour du père de Jesse, la backstory d’Eugene et de son père, celle de Em, celle de Donnie, etc. qui ne formeront un tout cohérent que plus tard…
Sans oublier la fameuse intrigue parallèle du cow-boy dans le passé qui a dû ravir les fans du comics dès sa première apparition mais qui est restée un mystère pour nous autres pendant un bon moment ! Rétrospectivement les scènes prennent beaucoup plus en puissance avec la fin en tête, mais restent étrangement amenées.
Bref, cela en faisait un paquet de storylines différentes pour un début de série. Mettons les mots appropriés : c’était juste le bordel ! Un joli bordel, mais un bordel quand même. La plupart de ces intrigues ne prendront un véritable sens qu’à partir de l’épisode 6, qui a été un vrai tournant pour ma part.
Celui où les auteurs ont su enfin trouver la bonne formule et le juste milieu entre scène d’action délirante et exploration du fond de la série, dans ce combat épique avec la séraphine envoyée elle-aussi du paradis, juste après une scène où le prêtre utilise son pouvoir pour forcer le dévoilement d’informations sur la bête qu’il a en lui. Un bel exemple de la série qui ne cède pas à la facilité parfois trop usée de volontairement cacher des informations au téléspectateur : ici, on brise la glace, et cela ne nuit en rien au rythme de la suite des événements, au contraire. L’épisode agit comme véritable déclic, les personnages commencent enfin à être réunis plus souvent et la série est inarrêtable après cela : Eugene envoyé en enfer, les méfaits du pouvoir du prêtre enfin adressés, attaques incessantes dans l’Eglise, les deux anges qui se réservent un petit trip en enfer, Cassidy qui bouffe des hamsters et du maire, big twist sur le monde du Cowboy, Jesse en cavale, ce bon vieux Carlos dans le coffre d’une bagnole, sans oublier bien sûr la rencontre avec Dieu. Et pour courroner le tout ? Une énorme usine de flatulence explose à la gueule de la ville.
Bref, autant dire qu’on ne s’ennuie pas une seconde. La série n’est plus en roue libre, ne s’éparpille plus et commence à se cadrer, et c’est là qu’elle frappe dans le mille. A l’issu de cela, la série lance le road-trip qui figure apparemment dans les comics dès son commencement, et nous laisse dans l’envie totale de voir ce que la saison 2 aura de plus fou à nous raconter. Car si cette première saison ne faisait que s’inspirer de l’univers du comics afin d’offrir un préquel, vu le résultat déjà délirant que cela a donné, je ne peux qu’imaginer une suite encore meilleure lorsque le matériel source sera véritablement transposé à l’écran.
Ma note pour le scénario : 15/20
Les messages et le fond
Bon, Preacher a des personnages bad-ass, Preacher a une intrigue très entraînante. Mais en dehors de ça, elle raconte aussi quelque chose. Hormis la forme trop fourre-tout, un autre problème de l’histoire au début de la série, c’est que parfois, elle cherchait trop à faire une série/un drama un poil classique, qui se prenait trop au sérieux. Cela se voyait notamment par les flashbacks vers le père de Jesse lourdement amenés, avec le côté tourmenté du garçon un poil trop prononcé, quand en parallèle, c’était juste l’éclate avec Tulip et Cassidy.
Par la suite, la série corrige également ce défaut. Elle arrive à créer de véritables relations sérieuses et touchantes au centre de son histoire, en se posant parfois avec plus de dialogues, sans que cela ne pénalise notre plaisir de regarder un épisode. Du coup, cela permet à la série de gagner fortement en profondeur. En plus d’être juste du pur fun en barre pendant des heures non-stop, le scénario a aussi du fond.
Il y a un message évident autour du bien et du mal. Certes, il est un peu classique, mais il n’est encore qu’à peine effleuré, puisque Genesis a cessé d’être le centre d’attention sur la fin et qu’il reste encore beaucoup de choses à creuser de ce côté. Toujours est-il que le conflit intérieur constant de Jesse entre la promesse qu’il a faite à son père, “être un homme bon car le monde a déjà bien assez de mauvais”, et son propre passé vis-à-vis de Carlos et de Tulip, est très bien mis en scène. La série aborde cette thématique plutôt subtilement (hormis cette phrase du père de Jesse dans le flashback, mais comme je l’ai dit ces parties-là sont plutôt lourdes). Les personnages évoluent dans une zone souvent grise qui évitent les clichés manichéens. On peut citer en guise d’exemple, le policier star de la ville, le père d’Eugene, qui a une relation et une opinion ambigue vis-à-vis son fils meurtrier, tandis qu’il en vient en même temps à commettre lui-même un meurtre.
Bien sûr, tout cela n’est que de l’amuse-gueule face au véritable enjeu dramatique de la série : l’utilisation du pouvoir de Jesse, qui soulève pas mal de questions et de débats du style : peut-on utiliser le mal pour faire le bien ? Genesis étant décrite comme l’enfant-même de l’ange et d’un démon, et à la fois comme la chose la plus puissante sur Terre, il est difficile d’imaginer comment la série pourrait être moins claire à propos de cet enjeu. Pour l’instant la série est restée plutôt silencieuse à ce sujet donc, l’accent ayant été surtout mis autour des personnages et de la relation Jesse/Tulip, qui trouve une très belle conclusion pour les deux personnages : “c’est l’intention qui compte”, nous dit Tulip. Mais j’ai bon espoir qu’à l’avenir le pouvoir du preacher, sans chercher à le rationaliser avec des faits (surtout pas !) soit discuté et remis au centre de l’histoire.
La deuxième thématique principale de la série, moins classique, moins universelle, est beaucoup plus dans le type de l’originalité de la série et est à son image. Ce qui veut dire : elle est faite avec la subtilité d’un éléphant, mais diaboliquement hilarante. Je parle bien sûr de la religion. Si le titre, le pitch et l’image de la série (une Eglise/croix à l’envers) ne sont pas assez explicites, peut-être que l’intervention de Dieu lui-même à la fin de la série suffira-t-elle ? Attention, cette manière de traiter aussi “grossièrement” cette thématique n’est pas du tout un défaut et fait partie justement de tout le propos de la série. Lors de la révélation sur l’arnaque divine à la fin, c’est la désillusion pour la ville avec une série de suicide qui suivent dans un montage limite burlesque. Suivi par l’explosion de la ville elle-même à cause d’un tas de merde car le garde avait pas supporté une séance de bondage avec une prostituée.
Je ne sais pas si la série continuera avec son ton aussi tranchant, mais même si la série n’offre pas une vision aussi prononcée sur la religion, les symboles religieux ne s’arrêteront pas. La série reste “Preacher” après tout…
Ma note pour le fond : 15/20
La réalisation :
La rédaction avait jugé le pilotee très convaincant sur ce point, mais il avait probablement un meilleur budget que la plupart des autres épisodes comme c’est souvent le cas. La réalisation n’était pas forcément bien mise en valeur par la suite à mes yeux, sans doute la conséquence directe des quelques faiblesses dans d’autres domaines de la série.
Pour autant la série est magnifique visuellement. Le cadre y est évidemment pour beaucoup, mais l’ambiance sera jugée dans un paragraphe différent. D’un point de vue esthétique, la série est juste belle, entre l’Eglise délabrée au milieu d’un désert semblant loin de tout, ou bien évidemment, tous les passages avec le fameux Cowboy dans la ville de Ratwater, sorti tout droit d’un Leone. La série est filmée avec des couleurs chaudes qui changent des réalisations parfois un peu trop froides et confortables du moment.
Mais les localisations ne font pas tout. La série ne manque pas de plans marquants et ingénieux. Mon passage préféré : la bagarre sanguinaire au motel aperçue à travers un petit trou dans le mur causé par une balle, ne laissant que des giclées de sang apparaître. Mon autre passage préféré : le plan sur l’arbre mort à l’entrée de la ville où sont pendus les indiens qui te fait comprendre que l’enfer dans lequel vit le Cowboy est situé au même endroit qu’Annville. La réalisation est plein de ce genre de détails qui ajoutent beacoup.
Techniquement, c’est aussi impeccable. Il y a peu de choses à dire ou à remarquer, et c’est plutôt bon signe. Toutes les scènes d’action sont bien filmées et l’ensemble est sans bavure. En même temps, de la part de la chaîne derrière notamment Mad Men ou Breaking Bad, dont l’un des réalisateurs de cette dernière - Sam Caitlin - est co-créateur de “Preacher”, on pouvait s’attendre à quelque chose de propre et de qualité. Si on n’atteint pas encore les niveaux Breaking Badesques, une chose est sûre, la série a réussi à se créer une certaine patte atypique et à son image : propre, décalée, mais aussi très couillue et choquante par moment.
Car autant je ne sais pas si le degré de violence des comics a été vraiment respecté - il s’agit souvent d’une des craintes lorsque l’on adapte un comic, voir The Walking Dead - autant il est clair qu’en tant que produit télévisuel la série ne lésine pas sur les moyens pour bien dégoûter le spectateur. Petit listing pour le fun (j’aime bien les listings) :
un coeur arraché par son propre propriétaire
un bras découpé à la tronçonneuse qui continue de ramper
Eugene et sa tête de “:o”,
le retour de la chose de la famille Addams pour appeler Dieu
une “femme” démembrée tel le pire des Saw
et surtout, du sang, du sang, du sang à profusion
La série veut clairement faire dans le trash et cela colle à merveille avec son univers et son humour (vous noterez que tous les éléments ci-dessous sont souvent drôles). Même si cela sous-entend clairement que la série trouve un certain public et ne s’adresse probablement pas à tout le monde.
Bref, clairement, Preacher propose une réalisation qui se détache du lot des séries habituelles. C’est avec un petit regret que nous quittons Annville en fin de saison, car cela signifie que nous ne reverrons plus l’Eglise notamment, mais un road trip à travers l’Amérique toute entière comme dans le comic, c’est en fait même plus alléchant.
Ma note pour la réalisation : 15/20
L’ambiance :
Point fort de la série depuis toujours (comment ça j’ai dit que c’était les personnages ? Oui mais que voulez-vous tout est bien !), l’ambiance de la série est juste géniale. Directement importée de la bande-dessinée, enfin, c’est en tout cas ce que je suppose d’après tous les avis dithyrambiques à son sujet, l’ambiance est aussi atypique que tout le reste de la série. Le mélange des genres rend extrêmement bien - l’humour se mêle à l’action, le pastiche de western colle parfaitement à l’aspect surnaturel...
Note finale : 15/20.
Si la saison 1 de Preacher aura mis un peu de temps à démarrer, il faut probablement la voir comme la grande phase d’exposition de la série, une étape nécessaire afin d’entraîner pas à pas les gens comme moi dans l’univers si particulièrement dépeint. Nul doute qu’on tient là de grandes chance d’avoir une future excellente série en perspective, si tant est que la série parviendra à tirer partie de tout ce qu’elle a introduit cette année pour balancer la sauce par la suite.