Espoirs et désillusions
Jack et Allison partent en lune de miel dans la cabane légèrement délabrée de l'ancien shérif d'Eureka dont Carter avait pris la place. De leur côté, Zane et Fargo ramène Holly à la vie dans un nouveau corps, aidée en cela par le retour de Grace Monroe qui semble vouloir faire la paix avec Henry. Seulement, la situation va vite virer à la catastrophe avec la découverte d'un coffre secret dans l'ancien cabanon, menant l'adjointe Lupo sur une histoire d'espionnage.
Résumé de la critique
Un épisode moyen que l'on peut détailler ainsi :
- un problème structurel important
- une communauté qui tombe en miettes
- l'absence de méchant de plus en plus sensible
- agréable, mais loin d'être satisfaisant
Un récit en plusieurs morceaux
Morcelé, fragmenté, découpé, voici les adjectifs qui conviennent pour décrire cet épisode d'Eureka qui va laisser un sentiment partagé avant un final étonnamment confus. Habituellement maîtrisée, Eureka aura essayé cette saison de prendre une forme plus feuilletonnante et se heurte ici aux doutes flagrants qui assaillent l'équipe créative, laissant l'impression d'une histoire en quête d'inspiration. L'intrigue commence donc par la lune de miel entre Jack et Allison, première partie sans enjeu reposant uniquement sur le charme du duo, ne servant qu'à justifier la découverte du dossier portant sur l'ancien shérif de la ville.
L'idée des scénaristes est clairement de créer un lien entre le début de la série et la conclusion à venir, de montrer la volonté de Carter de sortir de son bunker high-tech pour vivre son existence à sa manière. Malheureusement, la connexion se heurte à un problème de taille, la faute à un voyage dans le temps qui a modifié l'historique du show et engendré un nouveau passé sans aucun rapport avec le nôtre. En intégrant leurs personnages dans un monde parallèle la saison dernière, les scénaristes ont coupé la série de ses racines, entraînant une perte de stabilité qui se répercute encore aujourd'hui.
Avec cette séance de bricolage avec Carter, la série tâtonne clairement sur la direction à suivre, cherchant une direction qu'il paraît incapable de retrouver. Lorsque Holly se demande si l'univers d'Eureka est la réalité, elle fait le constat d'une série qui a tellement joué avec le réel ses dernières saisons qu'elle a fini par perdre le contact avec sa propre histoire. Trop morcelé, l'épisode ne parvient pas à prendre, tant il manque la colle pour tenir tout ensemble, rôle tenu habituellement par un Colin Ferguson inégal, privilégiant son existence à la protection d'une ville qui s'éparpille lentement en morceaux.
Prométhée moderne
Avec l'histoire d'Holly, difficile de ne pas voir un clin d'oeil à l'oeuvre de Mary Shelley, avec la reconstruction d'un corps de toutes pièces qui puisse contenir l'âme numérique de la jeune femme. Le pitch est ambitieux, assez courageux, mais aboutit au final à un résultat discutable à cause de la personnalité instable du docteur Marten, personnage sympathique certes, mais loin d'être suffisamment familier pour permettre de partager l'émotion issue de sa résurrection. Là où Carter s'efforçait de tenir la ville ensemble, cette saison aura réussi lentement à la morceler, entre invraisemblances et twists inutilement compliqué.
La difficulté d'être heureux ensemble devient flagrant, en particulier entre Allison et Jack, découvrant les nombreuses différences entre leurs conceptions du bonheur. Malheureusement, si l'opposition entre le goût pour la simplicité de Carter et le besoin de confort et de modernité du docteur Blake est intéressante, elle arrive trop tard dans une saison qui touche à sa fin dans seulement trois épisodes. La patience retrouvée d'Allison devant les pitreries de son mari redonne du charme à ce couple sympathique, symbole de la magie d'un lieu où les extrêmes peuvent coexister ensemble et accepter leur différence.
Eureka n'est plus l'histoire d'une ville, mais d'un ensemble de solitudes qui coexistent au mieux, interagissant sans parvenir à partager une expérience commune. Seulement, le résultat de ce passage dans un univers virtuel a engendré une perte de confiance, un repli sur soi et une incapacité à croire en la bienveillance de l'autre. Seulement, pour pouvoir donner de la force à cette rupture entre l'avant et l'après, il aurait fallu que le séjour dans l'univers de Beverly soit développé sur un arc plus long pour que le spectateur perde aussi ses repères.
Where's the bad guy ?
Depuis son premier épisode, les scénaristes ont présenté Eureka comme une ville de gentils scientifiques qui vit sous la menace d'un groupe espions cherchant à dérober leur savoir. Incarné par le personnage de Beverly, ce groupe d'antagonistes auront toujours peiné à exister, la série privilégiant le divertissement à des histoires de complots dans laquelle elle n'a que rarement réussi à briller. Après l'épisode trois, le retournement de veste de Barlowe a laissé la série sans vilains à employer, les menaces habituelles laissant place à des disputes domestiques assez fades et peu réjouissantes.
En quête d'un vilain, la série finit par utiliser un rebondissement grossier avec la découverte de ce coffre, seule justification au choix de Jack de faire son voyage de noces dans une cabane décrépite. Si l'enquête de Jo qui en découle est plaisante, sa conclusion est un parfait indicateur du manque d'idées d'un show qui se cherche une conclusion digne des cinq saisons qui viennent de se dérouler. Ainsi, le comportement étrange et changeant de Vince est un indicateur de l'incapacité du show à lancer avec conviction un arc pour les trois épisodes restants.
Le twist final tombe assez à plat, sentant le rafistolage de dernière minute pour créer de toutes pièces un vilain mythologique cohérent, utilisant le fait que les héros sont dans un univers parallèle à celui des premières saisons. Seulement, le manque de conviction des scénaristes est évident et l'identité du vilain risque d'entraîner une justification houleuse et particulièrement délicate. En perte de vitesse, Eureka s'arrête sur un sentiment étrange, celui d'un show qui ne parvient plus à raconter des histoires simples et perd lentement une bonne part de sa crédibilité dans un feuilleton poussif et maladroit.
Dernière ligne droite
Plus que trois épisodes et Eureka réussit enfin en partie à relancer son intrigue sans pour autant créer l'attente et l'enthousiasme digne d'une ultime saison. Incapable de fournir une révélation d'envergure, les auteurs nous jouent un remake de Caprica avec le retour à la vie d'Holly et BSG avec la révélation de la présence d'espions au sein de la ville qui l'ignoraient eux-mêmes. Là où on espérait une fin de saison souriante en hommage à un show divertissant et plein de bonne humeur, les auteurs optent pour une fragmentation regrettable de leurs univers, avec des intrigues de plus en plus déconnectées les unes des autres.
En conclusion, un épisode étrange qui se compose d'un ensemble d'histoires sans véritable lien concret, allant d'une intrigue sans enjeu pour Jack à une histoire d'espion peu crédible et confuse pour Jo. Manquant de conviction, l'ensemble reste assez peu enthousiasmant, donnant la sensation que le show a épuisé toutes les pistes envisageables. Seul le charme des interprètes, surtout dans cette histoire de lune de miel en cabanon, vient sauver une série en quête d'un porte de sortie, se dirigeant pour l'instant vers une conclusion inutilement compliquée.
J'aime :
- le rythme rapide et plaisant
- le réveil de Holly
- l'alchimie retrouvée entre Jack et Allison
Je n'aime pas :
- le twist autour de l'histoire d'espionnage
- le manque d'enjeu autour de Carter
- le manque de conviction du scénario
- inutilement compliqué
Note : 11 / 20
A trois épisodes de la fin, Eureka avait l'occasion de se relancer, mais échoue en partie la faute à une intrigue trop morcelée et à un enjeu trop limité pour l'histoire de Carter. Un épisode de transition qui confirme l'éclatement d'un récit et d'une ville, partagée entre différentes storylines qui peinent à se connecter.