Si vous avez entendu parler de Flesh and Bone, c’est que vous êtes accro à la danse ou alors que vous connaissez Moira Walley-Beckett. Elle a en effet produit et écrit une dizaine d’épisodes pour la série à succès Breaking Bad, et se lance dans le show-running avec cette mini-série de huit épisodes.
L’histoire ? Claire, une jeune provinciale de 21 ans, fuit sa maison (où elle ne semblait pas être des plus heureuses) et part à New-York, où elle passe une audition afin d’intégrer une prestigieuse compagnie de ballet. Elle est engagée, mais les difficultés ne font que commencer… Si ce pilote se révèle être à la hauteur de mes attentes, il n’évite pas non plus quelques clichés du genre, et c’est ce que nous allons voir tout de suite.
« Bambi » à New-York
"And remember... You're mine."
Claire est vite surnommée « Bambi » par sa colocataire, et ce surnom lui convient assez bien. En effet, notre personnage principal fuit sa maison dans la toute première scène, et on devine très vite qu’elle essaie d’échapper à quelque chose qui n’est pas sain. La caméra est pratiquement toujours sur elle, c’est son histoire et pas celle de quelqu’un d’autre. Si on ne la voit pas à l’écran, elle reste quand même le sujet dont les autres parlent. Elle débarque donc à New-York et nous paraît bien fragile dans cette ville, presque engloutie. Elle a un visage de poupée, n’est pas affirmée, semble être terrifiée de tout ce qui l’entoure, bref : c’est encore une enfant. Et c’est ici que vient la première limite : si l’innocence du personnage est intéressante, elle en devient trop poussive. Ce pourrait être une réécriture des Liaisons Dangereuses où elle jouerait évidemment le rôle de Cécile Volanges. La névrose et la perversité de Paul Grayson, le metteur en scène, ne sont pas cachées ; il veut en faire sa chose. Au-delà de l’aspect sexuel, très présent dans l’épisode, c’est aussi très psychologique. Paul voit en Claire quelque chose de spécial, qui pourrait lui apporter le succès et la reconnaissance dont il rêve. Cette relation, de quelque nature qu’elle soit, est particulièrement bien amenée et attise la curiosité.
L’univers de la danse
L'actrice Sarah Hay est une vraie danseuse
Le monde du ballet représente l’autre partie de l’épisode : passion de Claire, c’est là que se passera la série qui a voulu être « authentique ». Mais l’est-elle vraiment ? Je vais être plus dure à ce sujet, mais il y a beaucoup de clichés qui ne sont pas évités, et l’ambiance surfe un tantinet trop sur la vague Black Swan.
Alors, soit la danse classique c’est chaussons roses, tutus roses, collants roses et cucul à souhait, soit c’est l’horreur, les danseurs sont sadomasochistes, ils s'entretuent et sont bouffés par la passion et l'orgueil. Bon. Permettez-moi de vous dire que bien que le monde de la danse (et en particulier celui du ballet) soit compétitif, pas toujours tout-est-super, qu’il y a sûrement des embrouilles en coulisses et des compromis vraiment divulgables, c’est aussi un endroit qui réunit des gens passionnés qui s’entraident et qui passent de merveilleux moments ensemble. Ce n’est pas toujours glamour, ce n’est pas toujours l’enfer non plus. Dans Black Swan, la narration se portait sur le personnage principal et sa psychologie mais dans la série, il y a une réelle volonté de dire « c’est comme ça en vrai ». Mais non. Le sexe (par les références ou les actes) est trop présent, la drogue aussi, il n’y a pas de lumière, tout le monde se regarde de travers… C’est un petit peu dommage. C’est un univers qui n’est pas souvent représenté, mais il ne l’est jamais bien. Enfin, malgré ces défauts, ceux qui n’aiment pas forcément la danse pourront y trouver leur compte car elle est présente mais n’est pas le sujet prioritaire de la série. C’est Claire, la plus importante. La danse est une façon d’explorer sa psychologie et sa personnalité.
Un drame psychologique
La compétition et la jalousie font rage
L’une des choses qui m’ont frappée est l’aspect psychologique de la série. Au travers de la réalisation, des dialogues, des personnages, on s’aperçoit que c’est un vrai drame qui va se jouer. Je pense notamment à la dernière scène qui révèle que Claire a une relation incestueuse avec son frère, et que c’est aussi le sujet du programme. Son passé, ses traumatismes, son rapport avec la sexualité, seront au centre de Flesh and Bone. Sans parler des autres personnages, tels que Paul, fascinant et très bien interprété bien qu’un peu cliché lui aussi (« je suis gay mais j’aime quand même mes filles, je leur mets la pression et je suis carrément barjo »), même s’il semble être très complexe ; Daphné, la strip-teaseuse qui amène Claire dans cet endroit qu’elle ne connaît pas, qui prend la place du « guide », celle qu'elle pourrait admirer ; sa colocataire que l’on voit dans quatre scènes, dont deux de sexe ; et Kira, la danseuse star qui ne va plus l’être et qui pourra se révéler dangereuse.
La danse est donc un background, une excuse pour appréhender des personnages très complexes aux personnalités parfois malsaines et troublées, qui sont là pour une raison et qui ont tous des choses à nous révéler. Malgré quelques clichés qui auraient pu être évités sans compromettre l’atmosphère voulue, ce pilote est à la hauteur de ses ambitions : de très bons dialogues, un déroulement très fluide et toujours intrigant, les scènes de danse réussies et réalistes, et des personnages complexes qui semblent être à ça de toucher le fond.
J'ai aimé :
- La complexité des personnages, parfaitement mêlée à la danse
- La danse, bien utilisée pour approfondir les psychologies des personnages
- Les acteurs, très bons (et de vrais danseurs pour la majorité)
- Les quelques scènes de danse et les dialogues
- La réalisation, parfois très intéressante
Je n'ai pas aimé :
- Des clichés sur le monde de la danse qui auraient pu être évités
- L'innocence de Claire, trop poussée et dont on voit déjà l'évolution future
- Une ambiance trop sombre pour être « authentique »
Ma note : 15/20.