L'enfer est pavé de bonnes intentions
John Paul Rocksavage est un simple agent des forces de l'ordre, un numéro sur une épaulette, qui patrouille toute la journée et doit faire régner le calme dans un monde d'incivilité. Discret et plutôt réservé, il fait son travail avec le souci de bien faire, essayant d'être un policier juste en gardant la distance avec les drames dont il est le témoin. Pourtant, sa journée va connaître un virage tragique qui va le pousser à remettre en cause toutes ses convictions sur la notion du bien et du mal.
Chronique de la violence ordinaire
Ecrit par Stephen Butchard, Good Cop est la surprise anglaise de cette rentrée, un polar sombre et assez étouffant, d'un réalisme cru, qui pose la question de la difficulté de faire régner la loi. L'histoire d'un homme assez solitaire, John Paul Rocksavage, policier consciencieux qui s'efforce de faire son travail sans recourir à la violence, n'ayant pas le grade pour porter une arme en service. Une situation très bien dépeinte par la première scène dans le restaurant, dressant le portrait d'un homme qui s'interpose sans pour autant résoudre le problème d'incivilité, se limitant juste à le déplacer.
Pourtant, cette séquence laisse apparaître le défaut principal de cet épisode, avec une intrigue très basique dans son déroulement et trop simpliste en comparaison avec le style très réaliste de la mise en scène. Un point faible perturbant vite balayé par la qualité des comédien, dressant sans subtilité le portrait d'un univers à la violence froide, séduisante et glaçante. Série très contemplative qui rejette toute idée de mélodrame, Good Cop suit son héros au fur et à mesure d'une journée de travail qui va le pousser devant nos yeux à remettre en cause toutes ses valeurs.
L'épisode suit le héros et son co-équipier durant leur patrouille et les voit opérer sur des problèmes domestiques, quotidien d'un métier qui confronte chaque jour au désarroi et à la souffrance des victimes de drame. La mort mystérieuse de ce nourrisson est traitée avec sobriété et un style assez clinique, scène forte où le silence de ce frère désemparé et l'impuissance qui s'en dégage sont réellement touchants. Une expérience douloureuse qui va donner le ton d'une journée dramatique, déstabilisant le héros qui ignore alors que cette patrouille va modifier en profondeur sa conception de l'idée de justice.
Descente aux enfers
En suivant son héros à chaque instant, Sam Miller donne un ton documentaire troublant au cauchemar qui attend le jeune policier, traitant avec une froideur totale des scènes d'une violence extrême. En prenant le temps de suivre son héros, il nous fait sentir toute sa frustration, celle du devoir non accompli, alors que son action se limite à déplacer la violence d'un point à un autre. Une frustration qui va exploser lorsqu'il devient le témoin impuissant du passage à tabac de son coéquipier, les agresseurs ne cherchant même pas à masquer leur visage.
Seulement, n'ayant personne avec qui partager cette souffrance, John Paul cherche un moyen de retrouver le contrôle, de lutter contre ce sentiment d'impuissance jusqu'à ce que sa soif de vengeance prenne la forme d'une arme trouvée par hasard. La série verse alors dans une noirceur assumée dans une seconde partie d'un réalisme cru qui rend cette histoire assez immersive, nous obligeant à porter un jugement moral sur le comportement du jeune policier. Lutter contre la violence apparait alors comme un combat perdu d'avance pour cet être qui ressent l'urgence de punir, résistant de plus en plus difficilement à son besoin du passage à l'acte.
L'occasion pour le héros de découvrir combien la frontière entre le bien et le mal est quelque chose d'imperceptible, tandis qu'il comprend la satisfaction qu'on éprouve à devenir un justicier. Personnage doté d'une part de noirceur assez forte, le héros accomplit un premier pas irréversible qui le mène sur une pente très glissante, laissant beaucoup de matériel à exploiter aux prochains épisodes à venir. Une série un peu maladroite par instant, mais au potentiel indéniable alors que le héros glisse peu à peu vers les tréfonds, essayant de cacher un péché qui revient pourtant le hanter.
L'enfer et le paradis ne sont qu'un seul et même endroit
Pour interpréter ce héros sur la brèche, les auteurs ont eu la bonne idée de recruter Warren Brown, connu déjà pour sa participation à la série Luther et Inside Men. Omniprésent, il aimante l'objectif. Le comédien est réellement convaincant et apporte une humanité forte à un personnage auquel on parvient à s'attacher malgré son tempérament assez secret. Un rôle difficile car le comédien n'a pas le droit au langage parlé pour exprimer ses émotions, et se repose uniquement sur son expressivité pour souligner la lente évolution de son personnage
Derrière la caméra, Sam Miller. Il était le réalisateur des épisodes de Luther et l'on reconnait parfaitement son style particulier, fait d'une violence froide et d'un climat assez asphyxiant. Si l'histoire n'est pas parfaite, le style est assez impressionnant pour offrir une expérience troublante pour qui osera laisser sa chance à ce programme ambitieux, thriller brutal et chronique d'un homme qui découvre son visage le plus sombre. Une histoire feuilletonnante particulièrement prometteuse pour une série en quatre parties qui risque de ne pas laisser le spectateur indemne.
Si ce seul pilote ne suffit pas à être totalement enthousiaste, Good Cop apparait comme le digne successeur de Luther dans la catégorie du polar crépusculaire d'outre-Manche. Un récit surprenant qui part pour l'instant dans beaucoup de directions, en espérant que la suite saura donner une vraie cohérence à ces différentes storylines et pourra ainsi tenir toutes les promesses contenues dans ce pilote. L'occasion de voir combien le mal est toujours plus séduisant que le bien pour une âme humaine qui a toujours du mal à résister à la soif de vengeance.
J'aime :
- Warren Brown impeccable
- la réalisation très stylisée
- immersif et captivant
- une violence froide et glaçante
Je n'aime pas :
- l'intrigue de base un peu trop simpliste
- des enchaînements un peu trop faciles
Note : 13 / 20
Froid, sombre et dur, un vrai polar à l'anglaise très stylisé qui raconte l'histoire d'un policier qui sombre petit à petit dans la soif de vengeance et le refus de son impuissancve. Porté par un Warren Brown impeccable, une minisérie qui se permet quelques facilités, mais reste particulièrement immersive. Une mise en bouche un peu maladroite, mais très intrigante.