Pitch justice et conviction
Harriett Korn est une avocate spécialisée dans les affaires de propriété intellectuelle qui s'ennuie de plus en plus, allant jusqu'à tout faire pour être virée de son cabinet. Seule, sans travail, elle commence à errer dans les rues lorsqu'un dénommé Malcolm tombe du ciel directement sur elle après avoir raté sa tentative de suicide. C'est ensuite une voiture qui la percute, appartenant à Adam Branch, un jeune avocat vouant une admiration sans faille à Harriett. Elle a alors une révélation en récupérant le bail d'un ancien marchand de chaussures pour ouvrir son propre cabinet en plein quartier chaud.
Le retour de David E.Kelley au legal drama
Maître incontesté du genre à l'époque d'Ally Mac Beal, son retour était plus qu'attendu à l'heure où le legal drama connait une vraie embellie, David Kelley renoue avec une recette qu'il maitrise pour le mieux, mélange de série judiciaire et de comédie classique. Si la partie procès s'avère concluante grâce à des comédiens remarquables (j'y reviendrai après), le scénario possède un rythme efficace et une légèreté facilement reconnaissable, signe de la volonté d'inscrire Harry's Law dans la continuité.
Et le principal reproche de ce pilote serait justement le manque d'originalité de l'ensemble, le créateur de Boston Justice faisant ce qu'il sait faire le mieux, à savoir un mélange entre comédie et série judiciaire pas très bien équilibré. Mais cette écriture, bien qu'assez prévisible, n'a rien perdu de son efficacité pour ce pilote malin qui propose une vision utopiste du monde, en rupture totale avec le style cynique de son héroïne. Dans l'univers d'Harry's Law, l'homme est naturellement bon, les malfrats méritent d'être défendus et les simples délinquants ont un bon fond et du même coup droit à des excuses.
Série positive et en rupture du ton avec la tolérance zéro actuelle, Harry's Law propose une vision d'une justice humaine avant tout, où les juges savent aller au-delà des textes de loi pour donner un vrai sens à la justice. Le spectateur a alors le choix entre ricaner devant autant de naïveté où jouer le jeu de ce spectacle plutôt divertissant, surtout que le scénario peine à trouver une vraie crédibilité avec cette agence d'avocat / vente de chaussures. Mais si la série peine un peu à convaincre, elle possède pour faire passer la pilule un argument de choix : l'extraordinaire Kathy Bates.
Kathy Bates, une actrice hors catégorie
Pour les rares personnes à qui ce nom n'inspire rien, je ne peux que renvoyer à l'extraordinaire Misery de Rob Reiner où elle incarnait une psychopathe terrifiante. Sa présence justifie à lui seule l'intérêt apporté à ce pilote, l'actrice apportant à Harriett un charisme et un style remarquable, surtout lors de séances de plaidoiries remarquables. En l'opposant à une autre pointure, l'excellent Paul Mc Crane (Urgences), la série propose un vrai régal du point de vue de l'interprétation, Kelley ayant un talent pour créer des personnages dotés d'une identité forte.
Le plaisir de voir Kathy Bates déstabiliser son adversaire est total, surtout qu'elle incarne à merveille la victime, jouant à parfaitement la seule carte dont elle dispose dans une histoire perdue d'avance. Car loin des effets de manche à la Peter Bash et le style lisse et indestructible d'Harvey Specter, Harriett Korn déplace le procès d'un cadre légal inattaquable à une question morale sur l'utilisation de la loi. Ici, le script parvient à se montrer suffisamment convaincante, démontrant une maîtrise plutôt bonne du milieu juridique et de son langage.
En donnant à une immense actrice un personnage aussi complexe qu'Harriett, avocate cynique essayant de retrouver la foi dans son métier, David Kelley joue sur du velours et se montre pleinement convaincant. Seulement conscient que l'univers d'Harry's Law nécessite l'introduction de plusieurs personnages, David Kelley lie avec maladresse le destin Harriett à un jeune avocat aux dents longues nommé Adam Branch et à son ancienne secrétaire Jenna.
Un univers à la limite du raisonnable
Si Harriett Korn se découvre une passion pour la justice pénale, encore faut-il qu'elle se trouve des clients à défendre, surtout dans un monde trop pauvre pour régler leurs honoraires. En évoquant comme argument la destinée, David Kelley en fait un peu trop, optant pour un ton à la limite du conte de fées là où ces personnages ont simplement besoin de vrais motivations. Entre l'histoire de vente de chaussures et le côté un peu trop artificiel des évènements qui poussent Harriett à se lier à Adam, Harry's Law cumule les fautes de goûts et s'égare dans la mauvaise direction.
Heureusement, tout comme Kathy Bates, Nathan Corddry fait preuve d'un vrai enthousiasme, composant un personnage d'avocat qui va heureusement s'avérer plus persuasif que prévu. Si son style spectaculaire à la barre s'avère assez amusant, ces motivations restent trop peu claires et particulièrement peu convaincantes, donnant l'impression de voir un élément rajouté au dernier moment pour amener une certaine variété dans l'intrigue. Agaçante, cette partie de l'intrigue ne parvient pas à convaincre et montre l'ampleur du travail qu'il reste aux auteurs pour sortir cette série du cadre du simple conte invraisemblable et naïf dans lequel elle semble s'enfermer.
Un pilote correct, mais qui s'avère moyennement concluant malgré un casting de haut niveau et le style inimitable de David Kelley. La série possède un vrai potentiel par son mélange d'optimisme et de naïveté, mais fait des choix scénaristiques maladroits qui nuisent à sa crédibilité, surtout concernant la motivation peu convaincante de certains personnages.
J'aime :
- Kathy Bates royale
- un ton léger et rafraichissant
- la patte David Kelley inimitable
Je n'aime pas :
- les motivations des personnages trop flous
- un certain manque de crédibilité
- un scénario assez maladroit par instant
Note : 11 / 20
Série judiciaire plutôt agréable à première vue, réunion réussie de la patte David Kelley avec le talent incroyable de Kathy Bates, Harry's Law souffre de défauts de construction des personnages secondaires qui nuit à la qualité de l'ensemble. Construit comme un conte de fées, Harry's Law use de quelques facilités scénaristiques assez regrettables. Sympathique, mais pas convaincant.