De l'art de soigner son introduction
Cet épisode avait pourtant bien commencé. Dans la ligne droite du cliff précédent. Saul perquisitionné par le un douanier mandaté par le Hezbollah (dont on ignore toujours ce qu’il fait avec Abu Nazir, mais je ne m’étendrai pas là-dessus, Anonyme dans son avis et Scarch dans son focus ont fort bien détaillé les incohérences) se voit privé de toute preuve contre Brody. Toute ? non ! Car Saul est plus malin que ça... Bref, le coup du twist et du contre-twist, je ne l’avais pas vu venir. Et je ralais déjà contre le fait que les scénaristes avaient encore une fois cédé à la facilité, en donnant puis retirant les indices comme on distribue des bonbons à Halloween pour ensuite en priver les enfants, sous prétexte qu’ils auront des caries... Jusqu'à ce que je vois Saul remettre la main sur sa carte mémoire SD.
Bref, ce double-twist triple salchow piqué m’avait mise en confiance. Et je m’installai tranquille pour savourer la suite de cet épisode, qui s’annonçait au moins aussi haletant que le précédent.
Pendant une bonne vingtaine de minutes, ce fut un vrai bonheur. Celui de voir Brody de nouveau sur le fil de la confiance, tenter de reconstruire une vie de famille avec son épouse et sa fille. Car oui, tout abîmé qu’il soit, c’est bien lui qui nous est présenté comme le protagoniste de l’histoire, c’est bien Brody dont on suit la lutte pour survivre à son retour au pays. Et même si l’on ne partage pas ses convictions -si tant est qu’il en ait encore- on tremble pour lui.
Carrie, de son côté, piaffait d’impatience à l’idée de rejoindre la maison-mère. Mais le retour de l’enfant prodigue n’est pas encore au programme. Ce qui la rend irritable, fébrile : Claire Danes écarquille les yeux, palpite des narines, pince les lèvres, elle (sur)joue l’énervement, la frustration et la détresse. Mais ça présageait du bon.
De l'art de prendre des risques inutiles
Mais voilà, il n’a pas suffit que Brody risque sa “couverture” dans l'épisode précédent et gaspille une occasion de se libérer de ses chaînes en envoyant un texto -un texto dans un bunker du Pentagone ? Vraiment ?- Il n’a pas suffit qu’il paye plusieurs fois sa supposée dette à Abu Nazir. Voilà que ses maîtres se mettent en tête de lui faire faire des missions de nettoyage. Et là, j’ai le regret de le dire, mais je n’y crois pas une seconde.
L’organisation terroriste qui veut la peau du méchant vice-président prendrait donc le risque de griller définitivement son principal atout, l’homme de confiance de leur cible, la coqueluche des Républicains, pour retirer de la circulation un témoin gênant ? Elle l’envoie seul dans la gueule du loup, au risque de tout perdre ?
Alors, certes, ça serait bouder mon plaisir que de nier que j’ai pris mon pied à voir Brody dans la merde. Que je ne me suis pas éclatée à surveiller les regards, les dos exposés, la tension qui montait entre lui et sa cible, la folie qui se peint peu à peu sur le visage et dans les yeux de Damian Lewis. Damian Lewis est un grand, un très grand acteur. Je veux bien croire qu’il est musulman, je veux bien croire qu’il est psychopathe, je veux bien croire qu’il est au bout du rouleau. Il pourrait même me faire croire, rien qu’en le disant, qu’il est boiteux et bossu s’il le voulait (c’est vrai quoi, tu joues quand Richard III, Damian ? Je prendrai le billet pour Londres pour venir t’applaudir au Globe). Mais il ne peut pas palier les incohérences de ce putain de scénario de merde !!!
CAD évoquait fort justement 24 pour souligner la tension qui règne sur Homeland. Et si ça continue comme ça, je pense que je vais cesser de regarder la série précisément pour les mêmes raisons qui m’ont fait arrêter 24 : le cougar, symbole du grand n’importe quoi que l’on mettait sur le chemin de la blonde et glapissante fille de Jack Bauer, et par là même sur le chemin de Jack Bauer himself.
Récapitulons : Abu Nazir -ou son organisation- prend donc le risque de griller son cavalier (je reprends tes métaphores échiquéennes, Scarch) pour protéger un foutu pion ? Ce pion se prend malencontreusement les pieds dans la mousse et s’empale tout seul comme un grand ? Et faute de pouvoir le soigner, Brody l’achève avant de se doucher discrètement dans l’espace de lavage d’une station-service ? Et tout ça alors qu’il a un discours hyper-important à faire !
Alors, pour la description clinique de la double contrainte, et du stress qu’elle provoque chez ceux qui y sont exposés, c’est magistral. Pour nous conduire avec Brody sur le chemin qui mène au burn-out, c’est splendide -non, mais sans déconner, vous avez vu les journées que se tape ce mec ?- Mais pour la vraisemblance, on repassera.
Je vous le dis, et le prédis, si un jour Brody se met à flinguer tout ce qui bouge, ça ne sera pas à cause d’un lavage de cerveau, mais tout simplement à cause du surmenage.
De l'art de faire passer la sûreté de l'Etat après les états d'âmes de Carrie
Passons à Saul. Arrivée au ¾ de l’épisode, je commençais à m’interroger. Où diable était-il passé ? Pourquoi la CIA, et avec elle toutes les forces d’intervention, n’est-elle pas déjà avertie que Brody est dangereux ? La réponse finit par arriver sous la forme d’un coup de sonnette. Saul réserve la primeur de cette information capitale dont dépend la sûreté de l’Etat à Carrie. Parce qu’elle est un rouage essentiel ? Parce qu’elle va apporter un éclairage ? Non, parce qu’elle le mérite. Et là, je dis non. Non ! Non.
Je sais, vous allez protester, tout n’est pas à jeter dans cet épisode. Voir le soulagement, la certitude d’être saine d’esprit submerger le visage de Carrie est très chouette, et c’est peut-être même une récompense pour le spectateur. De même, le discours de Jessica et son attitude devant les mensonges de son époux sont très crédibles, très bien joués. Mais que pèsent-ils face au grand foutage de gueule qu’on vient de me jeter à la face ? Pas lourd !
Et j’appréhende encore plus l’épisode à venir, sachant qu’il est loin d’être le dernier. Par quelle pirouette rocambolesque les scénaristes vont-il maintenir Brody sur l’échiquier ? Je n’ose l’imaginer. En tout cas, une chose est sûre : si le prochain épisode est de la même trempe, ça sera peut-être le dernier pour moi.
J’aime :
- Damian Lewis
- Le twist du début
Je n’aime pas :
- qu’on me prenne pour une imbécile
Au final, ça sera pour moi une mauvaise note, j'attends mieux de cette série : 10/20