Pour la première fois depuis le premier épisode, House of the Dragon explore ouvertement des thèmes liés à la sexualité et à l’opinion du peuple, dans un épisode charnière qui perpétue la tradition d’effectuer des ellipses surprenantes sur la vie des Targaryen. Au programme cette fois-ci, un fil rouge central : la situation maritale de l’héritière du trône, Rhaenyra.
"For a man, marriage is politics. For a woman, it’s a death sentence." - Rhaenyra
Rhaenyra est toujours probablement mon personnage préféré de la série. D’une part car Milly Alcock excelle, d’autre part parce que son personnage est évidemment le plus attachant et identifiable dans son univers. Elle est ici le protagoniste de l'épisode, et se situe dans une position plus forte que les précédents épisodes, puisqu’elle siège désormais au conseil restreint du roi (elle possède sa petite sphère symbolique). Son père réaffirme sans doute ainsi sa volonté de l’avoir comme héritière. Elle doit cependant passer par la case inévitable du mariage...
Elle trouve sans doute, comme le spectateur, tout le défilé de ses prétendants venus de diverses maisons un peu ridicule et too much, surtout quand un enfant passe juste après un vieillard ayant connu l'arrière-grand-mère de Rhaenyra… Ses remarques cyniques me plaisent toujours autant.
La scène se conclut par l’enfant qui tue un autre jeune chevalier, dans une scène assez gore où Sir Criston Cole demande à Rhaenyra de détourner le regard. Après l’épisode précédent sur la chasse qui abordait le rapport de Rhaenyra à la violence, cet épisode repose assez clairement sur Rhaenyra et son rapport à la sexualité. Et, histoire de Targaryen oblige, c’est bien évidemment son oncle qui va l’initier…
"Fucking is a pleasure, you see. For the woman as it is the man." - Daemon Targaryen
Daemon est de retour dans l’épisode, et il revient avec un objectif clair en tête : se marier à Rhaenyra pour obtenir le trône. Pour cela, une option possible pour que Viserys accepte, serait que Rhaenyra ne soit plus en mesure d’être mariée à aucun seigneur prestigieux. Au hasard, si elle perdait sa virginité à l’occasion d’un scandale…
Et cela passe donc d’abord par une séduction de sa nièce afin de la contrôler comme il le souhaite. Car au fond, c'est bien un rapport de domination qui l'intéresse : il est d’ailleurs vite dégoûté par celle-ci quand elle semble prendre son pied avec lui et commence à vouloir prendre le contrôle. Le rapport de Daemon à la domination et à la sexualité semble très malsain : déjà, dans le pilote, il avait des difficultés à ce niveau-là avec sa prostituée préférée, Mysaria.
Au passage, on revoit Mysaria, dans une situation bien différente : elle est désormais à la tête d’un bordel, et surtout, elle agit comme espion pour Otto Hightower, la Main du Roi. C’est très subtil et la série ne le souligne jamais, sans doute pour ne pas détourner l’épisode de sa thématique principale autour de Rhaenyra, mais tous les signes sont présents : elle dit avoir changé de métier depuis des années vers un business plus profitable, et elle reçoit de l’argent de la part d’un enfant espion, un “petit oiseau”... qui est celui qui rapporte à Otto les agissements de Daemon et sa nièce pendant la nuit.
Après, sachant que Daemon avait envie d’être vu avec Rhaenyra (il lui ôte sa capuche, démasquant ses cheveux blond platine caractéristiques) pour avoir la bénédiction de son frère et l’épouser… peut-être que Daemon a fait exprès d’aller dans le bordel de Mysaria ? Voire, est de mèche avec elle ? Ce ne sont que des théories qui ne seront sans doute jamais expliquées, mais le jeu de dupe de Daemon est en tout cas assez plaisant à voir, et j'aime que la série ne surexplique pas tous ces petits détails qui se cachent dans ses scènes.
Daemon, au sens large, reste un personnage largement ambigu et trollesque, qu’on n’arrive jamais vraiment à cerner. Il se joue des attentes du public (de King’s Landing comme de la série) en arrivant sur son dragon en grande pompe, faisant chavirer le bateau (et le coeur) de Rhaenyra, avant de prétendre manquer de respect à Viserys en arborant fièrement une couronne… Tout ça n’est qu’une farce puisqu’il réaffirme son allégeance auprès de son roi, publiquement. Bref, Daemon est un plaisantin ambigu, et d’ailleurs, Matt Smith est toujours le parfait acteur pour le rôle. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit du Targaryen préféré de George R. R. Martin, qui confesse adorer les “personnages gris”. Je le qualifierais plus de personnage multicolore, mais c'est du détail.
Quoiqu’il en soit, Daemon joue ici clairement le rôle de l’instigateur du chaos (ou pour le dire autrement : le rôle du fouteur de merde). Il fait remarquer à Rhaenyra qu’elle a “bien grandi” dans une remarque très creepy, et l’entraîne sur le chemin des plaisirs et de la luxure interdite. Selon lui, on ne peut vivre dans la peur politique éternellement, sinon on ne profite pas des merveilles de la vie. Rhaenyra rétorque qu’elle ne souhaite pas vivre dans la peur, ni être contrainte politiquement, mais qu’elle préfère être dans la solitude.
"The attention, I can endure. It's the rest I could do without." - Rhaenyra
Ce qui est très intéressant dans la relation entre la nièce et son oncle, c’est qu’on sent que, derrière ses intentions politiques, Daemon adore vraiment Rhaneyra. Quant à cette dernière, si elle est aussi sensible aux propos de son oncle, c'est aussi car elle admire sa liberté et qu'elle ne supporte pas sa position peu envieuse de fille du roi et héritière. Sa remarque sur l’injustice du sexe est très pertinente : les hommes dans le contexte féodal de l'époque peuvent avoir des tas de bâtards et c’est admis, tandis qu’une fille doit rester vierge pour être “pure” aux yeux du royaume.
Rhaenyra n’est clairement pas faite pour la vie qu’on lui impose, tout le contraire de son amie la reine Alicent… Leur relation ici s'améliore en apparence, mais atteint en réalité un point de non-retour. Dommage, car leur rapprochement en début d’épisode fait chaud au coeur. La reine est seule dans le donjon, réduite à pondre des héritiers et à les élever, sans amours et sans ami·e·s. Rhaenyra est plus libre par nature, et elle considère qu'Alicent représente tout ce qu’elle ne souhaite pas devenir, même si elle comprend quelque part que ce n'est pas sa faute si elle est dans cette position.
C’est extrêmement apparent dans un plan banal où Alicent est déjà en train de bercer son deuxième enfant, alors qu’elle était encore enceinte dans l’épisode précédent. Les ellipses inattendues de la série font toujours leur effet selon moi, et crédibilisent ces histoires de jeux de succession et de rapports de force, qui ne seraient pas pris au sérieux si tout se déroulait sur une période rapprochée.
Et bien sûr, tous ces thèmes de différences de principes, de règles et de libertés, et de sexualité, se retrouvent dans la scène qui solidifie une dernière fois l’immense fossé entre les deux amies, la scène pivot de l’épisode : l’échappée nocturne de Rhaenyra.
Daemon emmène sa nièce parmi le peuple de la capitale. L'ayant déguisée en garçon, il espère lui faire comprendre que le peuple ne l’accepterait pas en tant que reine, comme la petite mise en scène théâtrale le lui prouve, même si Rhaenyra ne l'entend pas de cette oreille et reste déterminée à accepter le rôle.
Cette mise en abyme agit comme la première plongée de la série dans l’opinion du peuple, et n’est pas sans rappeler les scènes d’Arya Stark à Braavos dans Game of Thrones. D’ailleurs, Arya aussi avait pour habitude de se faire passer pour un garçon pour rester inaperçue, plus tôt dans la série. Ce n’est pas un hasard si les deux personnages avec les points de vue les plus marquants des deux séries sont deux jeunes filles de roi qui souhaitent échapper à leur condition : cela donne les dilemmes les plus intéressants.
Mais au-delà de vivre un peu parmi le peuple, Rhaenyra découvre surtout… les joies du corps. Daemon s’en assure : Rhaenyra arrive dans le bordel et commence à être émoustillée et à vouloir s’amuser, ce qu’elle fait… tandis qu’au même moment, la reine Alicent est “convoquée” par son mari pour effectuer son devoir conjugal, avec un consentement plus que discutable et, il ne fait aucun doute, sans aucun alchimie, tendresse ou plaisir. Le plan où Alicent est en rapports avec le roi, le regard vide fixé sur le plafond, en train de se planter les ongles comme elle le fait souvent en situation de stress, est très douloureux à regarder :
Et il rappelle durement que le rôle des femmes en politique se résout souvent à cela à Westeros, si elles se plient au rôle qui leur est attribué. Décidément, la série n'y va pas de main morte quand il s'agit de montrer des scènes psychologiquement violentes où les femmes sont utilisées comme des objets (par Viserys notamment).
A l'extrême opposé de tout cela, Rhaenyra ne suit pas du tout la tradition, brise toutes les règles avec son oncle… mais s’amuse et prend du plaisir. Même après que Daemon la lâche, elle retrouve Sir Criston Cole et jette son dévolu sur lui. Et franchement, comment ne pas la comprendre ??? Cf. pièce à conviction numéro 1 :
Si vous avez subitement eu un coup de chaud après avoir vu Fabien Frankel ci-dessus, c'est normal, Rhaenyra aussi. Prenez un verre d'eau et revenez parmi nous.
La princesse finit par (évidemment...) choisir Sir Criston Cole, contre Daemon. La preuve : elle ne met plus ensuite le collier que lui a offert son oncle, collier qu'elle n'avait pas quitté avant cela. Alors au moins, ce n'est pas un rapport incestueux... Mais Criston Cole reste un chevalier de la garde qui a fait vœu de chasteté, et Rhaenyra n'est pas "censée" avoir des rapports avant le mariage. A nouveau, on a la notion du tabou, de l’interdit qui se joint au plaisir, avec une vraie sensualité réciproque entre Rhaenyra et son chevalier… Tandis qu’Alicent, après que Viserys ait fini de l’utiliser, ne voit plus qu’un rat passant dans sa chambre.
Tout l’épisode exploite à merveille ce contraste entre les deux voies possibles de Rhaenyra : la vie solitaire d’une reine dans son château glacial, ou la vie de Daemon au contact du peuple, quitte à flirter avec les règles et être un renegat. La réalisation appuie fortement ce contraste, en insistant sur les silences avec Alicent, en utilisant un jeu de couleurs différent selon les scènes (des tons chauds pour la foule de King’s Landing ou avec Criston Cole, des tons froids dans la chambre d’Alicent et de Viserys).
Tout l’univers repose sur un contraste, mais c’est une image très sensuelle et sexuelle de “A Song of Ice and Fire” (une chanson de feu et de glace), à laquelle je ne m’attendais pas et qui n’avait pas encore été faite dans l’univers à ma connaissance. Cela rend l'épisode assez unique selon moi.
“You are my political headache” - Viserys
Ne reste alors plus qu’à assumer les conséquences de la nuit passée.
Rhaenyra jure à Alicent qu’elle n’a rien fait, ce qui n’est pas l’entière vérité. Alicent est outrée d’imaginer que sa meilleure amie puisse être “souillée” - un terme et une vision traditionnelle qui rendent le personnage assez désagréable, mais surtout assez tragique. En effet, on sent bien qu’elle n’est pas du tout heureuse dans sa vie personnelle, mais qu’elle est aussi piégée dans ces règles et ces traditions religieuses et politiques qu’elle s’impose. C’est ce qui rend Alicent malgré tout très attachante, d’autant qu’on sent qu’elle s’inquiète réellement pour son amie et qu’elle lui accorde toute sa confiance (elle la défend face à Viserys).
La scène de confrontation entre Alicent et Rhaenyra est d’autant plus douloureuse que les deux amies ont eu un semblant de réconciliation en début d’épisode. Malheureusement, ce sera sans doute de courte durée car il est évident que l’histoire ressortira tôt ou tard. En tout cas, tout le montage et la cinématographie de leur échange est vraiment impeccable, avec un soin particulier accordé au positionnement des deux actrices : Rhaenyra partant de plus bas, prenant de la hauteur par rapport à Alicent une fois qu’elle lui ment et qu’elle regagne sa confiance… tout en tournant le dos à l’arbre sacré des anciens dieux, symbole de son pêché de mensonge et de sexe.
La conséquence politique immédiate de cette nuit, c’est Otto Hightower, la main du roi, qui en paie le prix fort. Le Roi Viserys s’estime perspicace puisqu’il parvient enfin, avec un coup de pouce de Rhaenyra, à déceler le jeu de sa Main, qui manigance le placement de sa famille au pouvoir depuis la mort de la reine Aemma, voire depuis la mort de l’ancienne main du grand-père de Viserys, le roi Jahaerys. Alors oui, Otto était une vipère, et totalement intéressé par le placement du jeune Aegon près du trône… mais je pense qu’il était véritablement sincère dans son discours où il dit se soucier du roi. En tout cas, une nouvelle fois, le royaume est fragilisé suite à cet épisode, et il n’est pas dur de voir en quoi cela pourrait avoir de lourdes conséquences par la suite.
A court terme cela dit, Rhaenyra a accepté de se plier aux règles et va épouser Laenor Velaryon, le fils du Serpent de Mer (également son cousin lointain, mais c’est un détail). Ce revirement est compréhensible suite à sa discussion avec Alicent, sa lassitude de devoir enchaîner des centaines de prétendants intéressés, sa soirée avec son oncle qui lui a laissé entrevoir une autre vie possible, même en étant mariée. Mais aussi, parce qu’à nouveau son père lui montre le poignard d’Aegon le Conquérant, et la prophétie d’Azor Ahaï, le prince promis.
Je suis toujours aussi fan de l’injection de la prophétie dans la série, car elle éclaire les personnages de Viserys et de Rhaenyra différemment. Rhaenyra est une adolescente sur bien des points, et on aurait pu la trouver un peu trop rebelle et immature pour accepter de se plier aux désirs de son père, s’il était seulement question de perpétuer sa lignée. Mais elle comprend l’importance d’une telle charge et ce que représente le trône, et c’est sans doute une raison noble et suffisante à ses yeux d'accepter certaines traditions.
Encore un épisode de très haute volée pour un début de série inarrêtable. En confrontant les plaisirs coupables et le devoir conjugal à travers les trajectoires de Rhaenyra et d'Alicent, la série donne un aperçu des choix qui s’offrent à ses protagonistes et les conséquences que peuvent entraîner la conformité ou la rebellion face au système. Dans tous les cas, des conséquences sont de mise, ce qui bouleverse l’échiquier politique de façon inattendue et enclenche une série d’événements qui viendront nul doute conclure ce premier acte de House of the Dragon dans le prochain épisode...
J’ai aimé :
- Tout le segment principal où Alicent est seule et contrainte à des rapports sexuels avec le Roi tandis que Rhaenyra découvre et embrasse sa sexualité, bref, “A Song of Ice and Fire” revisitée à la sexualité de deux femmes politiques dont les visions sont à l'extrême opposé
- La superbe photographie, le jeu des couleurs, la composition travaillée des plans...
- La musique toujours excellente
- Les jeux de regards constants entre Rhaenyra, Alicent, Viserys, Daemon, Otto…
- Milly Alcock <3 Matt Smith <3
- Les relations Rhaenyra/Alicent Rhaenyra/Daemon qui portent la série
- Les dialogues, excellents comme toujours
Je n’ai pas aimé :
- Pff, je ne sais même pas à ce stade, ok y'a 2-3 scènes de cul qui tirent en longueur, so what ? L'épisode entier se repose sur ces scènes et leur donne un sens.
Ma note : 16/20, je mets juste toujours la même note depuis le début tellement c'est bien et que je ne fais aucune distinction face au plaisir que je ressens à chaque fois !
Le Coin du Fan
- Première apparition de Storm’s End, le château Baratheon des terres de l’orage, dans l’univers télévisuel de Game of Thrones ! On entend au loin l’orage qui gronde. L’occasion de revoir Boremund Baratheon, le seigneur actuel de Storm’s End, oncle de Rhaenys Targaryen (la Reine qui ne fut jamais), déjà vu en épisode 1 au tournoi.
- Dans la même scène, celle du “défilé de prétendants” de Rhaenyra, on peut voir de nombreux hommes issus de maisons du royaume : Frey, Tully… Mais aussi à travers les deux adolescents qui se battent : les maisons Blackwood et Bracken, deux maisons populaires parmi les fans de l’univers puisqu’elles sont rivales depuis des siècles. Il s’agit d’un petit conflit à échelle réduite qui rappelle qu’en temps de paix, les "jeunes" guerriers sont prêts à sauter sur la moindre occasion pour agiter leurs épées, comme le disait Rhaenys Targaryen dans le pilote de la série.
- Daemon utilise des passages secrets pour faire sortir Rhaenyra hors du donjon rouge. Sa connaissance des passages secrets rappelle sa nature sournoise, mais aussi explique comment il pouvait tranquillement écouter les conversations du conseil restreint du roi dans le premier épisode… ce que je croyais être une facilité scénaristique à l'époque.
- Point people : Fabien Frankel, l'acteur de Sir Criston Cole, a daté Jenna Coleman, qui avait déjà daté Richard Madden (Robb Stark dans Game of Thrones). En revanche, elle n'a jamais daté Matt Smith même après avoir tourné deux ans avec lui dans Doctor Who. Conclusion : Jenna Coleman a le chic de sortir avec les bg de l'univers de Westeros, et Matt Smith n'en fait pas partie, CQFD, Sir Criston Cole > Daemon. Je pense que c'était l'info la plus importante de la critique, d'ailleurs.
La suite dans la prochaine critique ;)