"Il n'existe point de plus grande peine que de se remémorrer, dans l'adversité, l'époque où l'on était heureux."
Le corps de Mike Strauss a été repêché et Ike use de son influence pour forcer les fédéraux à le remettre à sa famille, ceux-ci multipliant les procédure d'autopsie dans l'espoir de pouvoir lier ce meurtre avec le patron du Miramar. Devant la pression du Bureau, Ben Diamond efface les traces pouvant le lier à ce décès, quitte à exécuter la mauvaise personne. Pendant ce temps, Stevie Evans se fait agresser par un cambrioleur surpris alors qu'il volait dans la chambre de son frère.
Résumé de la critique
Un épisode très réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une histoire de famille complexe et subtile
- un portrait de Ben Diamond troublant et superbe
- une histoire de culpabilité superbe
- une base très solide pour la suite de la saison
La famille et ceux qui nous sont proches
Avec la découverte du cadavre de Mike Strauss, sa famille se prépare pour faire enterrer son corps, mais la police surgit, maintenant ainsi la pression sur Ike Evans en récupérant le corps pour complément d'enquête. Seulement, cherchant à se racheter de sa faute auprès de sa veuve, le patron du Miramar va se démener pour le faire mettre en terre, espérant mettre fin ainsi à la culpabilité qui le ronge . Un thème de la famille fort qui se retrouve dans tout l'épisode, liant même les opposés comme Stevie et Danny, les deux enfants d'Isaac avec sa première femme Molly, héritant d'une place centrale dans cet épisode.
Confirmant la richesse de son univers, Magic City offre une première scène entre les deux frères qui va donner le ton de l'épisode, son rythme lent permettant d'exposer les ressemblances et les différences de chacun d'entre eux. Ainsi, la scène entre Danny et Mercedes où celle-ci se change en s'arrange pour que le jeune homme puisse la voir dans la glace est une vraie réussite, exposant le rapport complexe de celui-ci avec l'idée de l'honneur et du désir. Voyant dans la pulsion une forme de violence, le fils sage d'Ike cherche à montrer la nature respectable de ses sentiments envers Mercedes et la considération qu'il a pour elle.
Personnages centraux de l'univers de Magic City, les femmes occupent une place à part, représentant une quête d'idéal pour l'un là où Stevie ne voit que l'incarnation du plaisir. Perdu dans un univers composé d'illusion et de faux-semblants, la série de Mitch Glazer raconte la soif d'ambition de deux frères partagés entre le besoin de respectabilité de l'un et l'attrait du danger pour l'autre. Un portrait croisé qui rend le personnage de Stevie d'autant plus fascinant, opposant un frère qui prend les coups à celui qui a su apprendre à les éviter.
Bien construit, le show de Starz dresse le portrait d'une famille unie et ceux malgré la présence de Vera, la nouvelle femme d'Isaac ayant tout en apparence de la croqueuse de diamants. Pourtant, elle se révèle une femme assez surprenante, montrant une fragilité et une ambition assez touchante, tremblante à l'idée de ne pas être à la hauteur de son rôle d'épouse. Son admiration pour Jackie Kennedy est symptomatique d'une époque et de son état d'esprit, tandis qu'elle tente de se reconstruire en intégrant pour de bon la famille d'Isaac par le respect qu'elle obtient de ses deux fils.
Les associés et ceux dont il faut se méfier
Dans l'univers du Miramar, il y a la famille d'Isaac, un univers protégé qui est le socle sur lequel s'appuie le héros, en particulier ses deux fils. Et il y a le monde des affaires avec des associés plus ou moins respectables, Evans côtoyant des sénateurs comme des criminels, en particulier Ben Diamond qui poursuit l'élimination des derniers témoins du meurtre de Mike Strauss. Personnage cruel et précautionneux, l'interprétation de ce monstre par Danny Huston est particulièrement remarquable, refermant son emprise sur Jeffrey Dean Morgan en étant l'homme qui se salit les mains à sa place.
Si Isaac montre les apparences de la vertu, Ben construit sa vie sur l'idée du vice, de l'obsession, du refus de partager et de la nécessité de soumettre les autres. La scène du miroir où il regarde Lily se masturber est particulièrement superbe, confirmant la qualité d'interprétation de Jessica Marais dont le rôle est ici particulièrement difficile. Incarnation de l'orgueil de Diamond, elle est aussi le symbole du danger, ses femmes à qui il ne vaut mieux pas succomber car leur beauté pousse à l'obsession et à la jalousie, pour mener l'amant passionné sur un chemin qui conduit tout droit à l'enfer.
Ben le sait et sa capacité à jouir d'elle tout en gardant ses distances lui donne un pouvoir, celui d'être plus fort que la tentation et de transformer le désir en une obsession malsaine et réjouissante, celle d'une soif de pouvoir sans limites. Coucher avec elle le contraindrait à la tuer, préférant à cela la posture d'un Dieu qui regarde de tout en haut, profitant de son rôle de voyeur pour satisfaire ses pulsions perverses. Une divinité unique, jalouse et exclusive, qui voit les femmes comme des propriétés, symbole d'un besoin de pouvoir à l'idée de posséder le symbole même de la tentation.
Mais le pouvoir qu'il possède sur Isaac n'a rien à voir avec cette femme, mais bien avec le meurtre de Strauss, Diamond devenant le témoin des faiblesses du patron du Miramar. Une culpabilité présente durant tout cet épisode qui raconte une histoire profonde et complexe sur la rédemption, l'histoire d'un homme à la recherche de son propre salut, pris au piège du gardien des enfers.
Les victimes et ceux dont nous sommes responsables
Le thème de l'épisode porte sur l'enterrement, celui de Mike Strauss qui n'a de cesse d'être repoussé par une police en quête de scandale. Le but est d'envoyer un message clair à Isaac, à savoir qu'ils ne sont pas dupes de sa propre culpabilité, tout en affichant une insolence qui apparaît comme leur point faible. Sous-estimant leur ennemi et surestimant leur propre capacité à déstabiliser la famille Evans, la justice est surtout victime de ses propres péchés, certains se rendant dans l'hôtel d'Isaac pour céder à leur passion du jeu, laissant apparaître toute l'hypocrisie de leur croisade.
Les politiques, les policiers, tout ceux qui ont un petit faible sont les proies de Miami, où le soleil éblouissant et les néons étincelants masquent le vrai visage du péché. Celui de Isaac qui, sous l'effet de la colère, a ordonné le meurtre de Mike, se condamnant à la damnation éternelle, le contraignant à chercher seul la voie d'une rédemption qu'il sait impossible. Seulement, le pardon passera par la nécessité de se racheter de ses fautes en coupant les liens avec Diamond pour chercher le soutien de Meg, la soeur de sa défunte épouse qui représente un danger pour son mariage, entretenant une relation ambiguë avec lui.
Pris entre deux feux, la situation de Mike paraît de plus en plus périlleuse, dressant une ligne directrice parfaitement claire pour la suite de la saison. Fascinante et perturbante, Magic City est un petit bijou achève sa première moitié de saison en nous laissant avec une seule certitude : la suite ne peut être qu'à la hauteur de nos espérances, Mitch Glazer réalisant pour l'instant une oeuvre particulièrement captivante et troublante.
Jaune comme le paradis / Bleu comme l'enfer
Après une première moitié de saison réussie, Magic City aura réussi à s'imposer comme la surprise de cette rentrée, posant les bases ambitieuses d'un polar ténébreux et séduisant sous le soleil de Miami, entre l'enfer et le paradis. Les personnages sont parfaitement bien installés et la série peut enfin aller de l'avant, lançant pour de bon une histoire qui promet d'être épique. Loin de Mad Men, à laquelle il fut comparé à tort, le show de Mitch Glazer est la bonne surprise de cette fin d'année, la scène entre Ben Diamond et sa maîtresse montrant toute l'ambition d'une série culottée et fascinante.
En conclusion, un dernier épisode de mise en place qui confirme tout le potentiel du show, dressant un portrait passionnant des deux fils d'Isaac qui seront malgré eux les enjeux de cette fin de saison. Une intrigue riche qui se concentre sur la culpabilité de son héros, donnant à la mort de Mike Strauss une ampleur inattendue en poussant Ike à sortir de son habituelle réserve et à remettre en question sa propre morale. Un épisode surprenant et une scène du miroir superbe, appuyée par une bande sonore remarquable et un soin dans la réalisation impressionnant.
J'aime :
- esthétiquement superbe
- la scène entre Ben Diamond et Lilly, remarquable
- la qualité d'écriture et les comédiens tous très bons
- la solidité de l'intrigue
- le rythme assez lent qui permet de bien s'immerger dans cet univers
Je n'aime pas :
- rien
Note : 16 / 20
Servi par des comédiens impeccables et une qualité de réalisation inattendue, Magic City s'impose comme la bonne surprise de cette fin d'année avec un univers très riche et un scénario solide aux accents particulièrement tragiques. La scène entre Lilly et Ben Diamond montre la capacité du show à créer un univers envoutant, entre la perversité et une certaine poésie troublante et fascinante.