Pitch grande dépression
Femme au foyer, épouse dotée d'un réel talent pour la patisserie, Mildred voit sa vie partir en éclats après avoir mis à la porte son mari infidèle. Seule avec ses deux filles dans l'Amérique de la grande dépression, elle va devoir se trouver un travail pour pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. La tâche s'avèrera loin d'être aisée.
Un mélodrame aux couleurs pastels
Projet atypique à tout point de vue, Mildred Pierce porte avant tout la patte de son réalisateur Todd Haynes, réalisateur entre autre du sublime "Si loin du paradis" avec Julianne Moore. Auteur obsédé par la peinture impressionniste, il compose ici de véritables tableaux pastels d'une beauté remarquable, signe d'une réalisation superbement soignée. Très vite, on s'habitue à ces teintes étranges, et on admire la photographie et les décors à la fois minimalistes et superbes.
Car Mildred Pierce est avant tout une splendeur graphique, signe de l'ambition gigantesque du projet. Dès le commencement, le récit prend clairement son temps, osant de longs plans contemplatifs pour mieux laisser le personnage de Mildred se dévoiler au spectateur. La narration, dotée d'un rythme plus proche d'un film que d'une oeuvre télévisée, fait le choix de laisser le spectateur découvrir seul les éléments du récit sans jamais fournir la moindre indication.
HBO a visiblement l'ambition de construire un grand mélodrame, sans pour autant enfermer le récit dans son époque, Kate Winslet interprétant à merveille une femme plutôt moderne, obligée de partir de rien pour pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants. Sans jamais verser dans le pathos, la série dresse lentement le portrait d'une vraie héroïne de mélodrame, trop fière pour se plaindre ou accepter la charité.
Mildred Pierce ou la fierté d'une femme
La force de Mildred Pierce tient dans le refus de son héroïne de se laisser terrasser par ses sentiments, Kate Winslet laissant juster apparaître quelques traces de faiblesse au travers de petits rictus, seuls signes de sa peur et de son angoisse. Refusant à plusieurs reprises des offres d'emploi généreuses, elle va persister malgré la misère à placer sa fierté avant tout, avant que la réalité n'ait enfin la peau de son orgueil.
Dire que Kate Winslet est extraordinaire n'est pas assez fort tant elle campe ce personnage avec une conviction et une énergie incroyables. Chaque échec est l'occasion d'un combat intérieur remarquable, l'actrice rendant parfaitement visible à l'écran les tensions et la souffrance ressenties par son personnage.
Une mini série qui sait prendre son temps
Loin des reconstructions historiques dispendieuses, Mildred Pierce propose un récit plutôt minimaliste, basé sur quelques plans remarquables sans la moindre surenchère. Refusant de céder aux larmoiements inutiles, le récit prend son temps, engendrant une première partie légèrement trop passive pour donner toute son épaisseur aux différents personnages. Nul doute que ces vingt-cinq premières minutes rebuteront nombre de spectateurs, pourtant la seconde moitié justifiera pleinement ces moments où le réalisateur parvient intelligemment à créer une ambiance remarquable tout en contrôlant parfaitement chaque élément du récit.
La seconde partie de l'épisode sera menée à un rythme parfait, totalement en accord avec les personnages et le monde où Mildred évolue, un monde marqué par le chômage de masse. Tout semble à l'arrêt, et seul le hasard viendra donner à l'héroïne l'occasion d'évoluer pour de bon.
Un premier acte austère plutôt bluffant
Difficile de donner une impression d'ensemble du pilote tant la mini-série ne laissera personne indifférent. Soit l'on adhèrera à son rythme bien particulier et à son esthétique singulière. Soit on détestera cet aspect un peu vieillot. Mais tous ceux qui feront preuve de curiosité pourront découvrir une oeuvre atypique, un vrai mélodrame à la Douglas Sirk, le combat d'une femme refusant de sacrifier sa fierté malgré la crise et la peur de la pauvreté.
Car c'est du rêve américain qu'il est question ici, celui d'une femme seule par choix, refusant la pitié des autres. Pour moi, c'est un vrai coup de coeur, tant j'aime ces mélodrames exigeants. Et j'attends la suite, qui saura, je l'espère, se montrer à la hauteur de mes exigences.
J'aime :
- la réalisation sublime de Todd Haynes
- la musique de Carter Burwell
- Kate Winslet stupéfiante
- les teintes pastels magnifiques
Je n'aime pas:
- une certaine lenteur qui peut rebuter durant le premier quart d'heure.
- un peu trop cinématographique dans sa forme
Note: 14 / 20