Pitch Mildred Pierce acte 4
Six années ont passées et après la réussite de son premier restaurant, Mildred en est maintenant à son troisième. Elle est devenue une femme d'affaire assez puissante et a mis sa vie sentimentale en sommeil. Elle voue la majorité de son temps à sa fille Veda, qui peine à trouver sa vraie place et se montre de plus en plus capricieuse.
Des années de ressentiment qui éclatent au grand jour
Entièrement centré sur la relation entre Veda (Evan Rachel Woods, formidable) et Mildred (Kate Winslet, d'une grande subtilité), la minisérie de Todd Haynes propose une lecture totalement différente de celle de Michael Curtiz dans le film de 1945. Plutôt que d'envisager une Veda pourrie, gâtée et insupportable, il compose le portrait d'une jeune femme écrasée par l'amour d'une mère qui esquive la moindre confrontation. Hantée par la gifle (partie 3) qu'elle avait reçue de sa fille, Mildred fait don de tout ce qu'elle a dans le but de permettre l'épanouissement de la jeune femme.
Seulement, son amour est si inconditionnel et fort qu'il écrase Veda, l'empêchant d'exprimer une colère qui s'avère à la fois légitime et cruelle. La posture de Mildred, se sacrifier entièrement au bonheur de sa fille, fait que la jeune femme se sent ingrate et méchante, développant lentement une image d'elle-même si négative qu'elle manque de s'autodétruire. L'épisode va alors surprendre en proposant un autre point de vue sur Mildred, celui de sa meilleure ennemie, celui d'une jeune femme qui aspirait seulement à être la fille idéale.
Ce rapport complexe, cette lutte de pouvoir entre deux femmes qui ne parviennent plus à s'entendre, va se montrer particulièrement intense, les deux comédiennes faisant preuve de tout leur talent. Plus effacée dans les épisodes précédents, Kate Winslet subit la métamorphose de sa fille, laissant à Evan Rachel Wood le soin de faire étalage de tout son talent. Cette guerre s'achèvera de la plus belle et de la plus surprenante des manières, donnant lieu à un final renversant et sublime, confirmant encore une fois la remarquable qualité du show.
Une photographie sublime, véritable splendeur visuelle
Certes, ceux qui ont lus les critiques précédentes vont trouver que je me répète, mais le visionnage de l'acte quatre suffira à justifier ce court chapitre. Car plus superbe encore que les précédents, la photographie est simplement un régal pour les yeux, une pure merveille visuelle, enchaînant les cadrages remarquables portés par une lumière sublime. La scène où Veda part en voiture, laissant sa mère sur le gazon devant sa maison est un moment incroyable, d'une force et d'une grâce simplement exceptionnelle.
Plus beau visuellement que les trois premiers, ce quatrième acte confirme que nous sommes clairement face à une oeuvre exceptionnelle, s'achevant sur le sublime air des clochettes de l'opéra Lakmé de Délibes. Perfection visuelle, l'oeuvre de Todd Haynes est simplement l'objet télévisuel le plus remarquable de ces dix dernières années (oui, je pèse mes mots).
Le mythe américain et l'hérédité
Mildred Pierce est l'histoire de la réussite d'une femme partie de rien, l'histoire d'une Amérique du mérite par le travail, où chacun peut trouver sa place. L'héroïne est donc convaincue que sa fille possède elle aussi cette force unique et vit dans l'attente de la révélation d'un talent. Elle oblige ainsi sa fille à connaître les déceptions les plus cruelles. Car seule la vie en société, libérée de la bulle protectrice de l'enfance, permettra de révéler ce qui nous rend unique.
Trop gâtée, Veda tente par tous les moyens de plaire à sa mère, mais porte en elle une souffrance telle qu'elle s'autodétruit lentement, incapable d'évacuer toute la colère qui est la sienne.
En attendant le cinquième acte
Arrivé aux portes du dernier acte, je me dois d'avouer que je n'en espérais pas tant, même dans mes rêves les plus ambitieux. Pouvoir admirer un objet artistique aussi remarquable que Mildred Pierce est un vrai plaisir des yeux ; la minisérie posséde cette capacité incroyable à surprendre et à produire un vrai mélodrame d'une qualité sans cesse renouvelée. Loin de jouer la surenchère, le show rend justice à une histoire remarquable sans jamais chercher la voie de la facilité, preuve que la HBO n'est pas encore morte.
Nombres de critiques s'élèveront (j'en ai déjà lu deux) contre certains scènes un peu bavardes, insistant sur les nombreux défauts qui m'ont échappés. Mais je pense que l'oeuvre de Todd Haynes mérite plus d'un regard, car quiconque serait happé comme moi par la qualité du récit en sortira dévasté, mais heureux de voir que des films de cette qualité existe encore.
J'aime :
- Evan Rachel Wood apportant une énergie et une sensibilité remarquable
- Kate Winslet formidable
- une photographie sublime
- une histoire d'une intelligence rare
Je n'aime pas :
- la première partie de l'acte 4 légèrement trop bavarde
- la critique du Wall Street Journal qui crache sur la série alors que son papier prouve qu'elle ne l'a pas vue.
Note : 18 / 20
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