Le poids d'un secret
Le corps de James Paget est retrouvé dans le sous-sol d'un restaurant de Chinatown où se déroule habituellement des tournois de poker clandestins. Très vite, Jane Timoney s'aperçoit qu'elle n'a pas à espérer le soutien de la population locale, ni de l'épouse de la victime qui refuse l'idée que son mari puisse avoir replongé dans la passion du jeu. Pendant ce temps, Jane, Duffy et toute l'équipe se prépare pour une remise de récompense offerte au détective Velerio.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue un peu confuse en deux parties
- des acteurs excellents au service de personnages attachants
- une réalisation impeccable, à l'exception d'un final étrange
- un épisode inégal qui laisse un avis mitigé
Les apparences sont trompeuses
Le problème de cet épisode de Prime Suspect va apparaître dès la première scène de Duffy chez le psychiatre, les auteurs peinant à imposer une thème directeur clair et fort à leur scénario. Le défaut de cette séquence n'est pas dans le jeu des comédiens ou l'écriture, Bryan O'Byrne nous offrant une performance impeccable sur des dialogues originaux, mais dans son manque de lisibilité concernant son implication dans la suite de l'intrigue. Les motivations des auteurs vont mettre du temps à apparaître, ceux-ci ne mettant pas assez en valeur l'idée de départ concernant la difficulté de ne pas juger une victime sur les apparences de son meurtre.
Ici, le crime de James Paget laisse deux suspects possibles, un relié à son addiction aux jeux, l'autre à son emploi dans le bâtiment où rien ne transparaît d'anormal. Evidemment, Timoney va se lancer sur la première piste, cherchant à faire réagir une communauté de Chinatown qui va utiliser de son influence pour lui mettre des bâtons dans les roues. Une façon peu subtil de pousser Jane à changer l'orientation de l'enquête, appuyée par des visites au commissariat de la veuve, scènes alourdies par des effets dramatiques trop appuyés pour être crédible.
L'épisode est alors coupé par la remise des prix de Velerio, excellente scène sur laquelle je vais revenir ensuite, mais qui engendre par le temps qui lui est accordée une rupture forte dans la progression de l'intrigue. C'est cette cassure et le manque d'explication concernant la présence du cadavre dans le restaurant qui laisse le sentiment d'une conclusion bâclée et d'une histoire trop confuse pour convaincre. Heureusement, les comédiens sont une nouvelle fois excellents et vont venir compenser les lacunes de l'intrigue principale au travers de plusieurs séquences très réussies.
Humain avant tout
Si les héros de Prime Suspect portent un badge, leur humanité et leur fragilité sont fréquemment mises en avant, donnant lieu à plusieurs scènes particulièrement drôles grâce à des comédiens remarquables et une alchimie indéniable entre eux. La scène de la remise de récompense de Velerio est une vraie réussite, offrant des dialogues remarquables, refusant le côté lisse et policé des cop show modernes au profit d'un style réaliste et dynamique. Les répliques sonnent juste, avec une générosité remarquable qui définit Prime Suspect, en particulier lors des échanges entre Kirk Acevedo et Tim Griffin.
Une grande famille où les amitiés ne sont pas feintes, où les héros ne parviennent pas à garder le masque, finissant toujours par en dire trop, dévoilant leur propre faiblesse. La séquence entre Duffy et Matt en est le parfait exemple, Reg semant involontairement les racines d'une dispute entre Webb et Timoney, laissant poindre une jalousie qui trouve sa source dans la distance que Jane maintient envers son mari. Loin d'être des héros rigides et moralisateurs, les personnages de Prime Suspect sonnent vrai par leurs incapacité à masquer leurs faiblesses et par leurs aptitudes à rire des drames dont ils sont les témoins, voire même parfois les victimes.
Attachants, l'univers de Prime Suspect est le point fort d'une série qui sait faire exister un commissariat par le biais d'idée de mise en scène brillante. La confrontation avec les fédéraux est un remarquable instant de comédie où Reg, Timoney et Velerio font brutalement bloc pour tenter de déstabiliser ces hommes en costume. Un comportement volontairement immature qui permet de passer la pilule d'un retournement de situation maladroit, l'intervention des agents permettant surtout d'ouvrir la porte à une conclusion peu convaincante.
Psychothérapie de groupe
L'idée de commencer l'intrigue par une séquence de psychothérapie prouve que cette volonté de pousser les personnages récurrents à exprimer leurs souffrances et leurs angoisses fait partie prenante de l'identité de Prime Suspect. Un élément récurrent dans les cop show, la place étant jusqu'ici tenue par le père de Jane, soulignant l'importance pour les auteurs de donner une vraie crédibilité à chacun des membres de l'équipe. Un soin que l'on retrouve dans la mise en scène, avec des séquences qui prennent le temps de donner de la valeur aux dialogues, cherchant à laisser apparaître certaines nuances importantes dans la réaction des personnages.
Dynamique, laissant un espace de liberté suffisant aux comédiens, la réalisation est une des principales réussites de Prime Suspect, offrant des cadrages privilégiant la liberté des comédiens. Laissant apparaître les rides d'expression, la photographie est absolument remarquable, à l'opposé des productions actuelles, ainsi que le travail des décorateurs pour donner une authenticité à une série singulière dont l'annulation reste une des grosses déceptions de cette année. Possédant une identité forte, elle aura payé cher un démarrage inégal et une tendance à proposer des choix scénaristiques pour le moins étrange.
Le final en est l'exemple parfait avec une fausse bonne idée où le comportement apathique des collègues de Timoney parait pour le moins surprenant, cassant l'esprit de troupe au profit d'une mise en avant excessive de l'héroïne. Très ambitieuse du point de vue formel, la série d'Alexandra Cunningham se heurte souvent à ce type de mauvaises inspirations qui ruinent en partie tout le travail préparatoire par le biais d'une conclusion ratée et inutilement spectaculaire.
Un épisode mi figue - mi raisin
Si les comédiens parviennent à donner des scènes remarquables qui justifieraient pleinement d'encenser cet épisode, l'intrigue principale est trop hésitante et n'aboutit en définitive qu'à un twist final peu inspiré. Pirouette simpliste et décevante, la révélation du coupable marque le manque d'inspiration d'une investigation qui se heurte à l'incapacité des auteurs d'offrir le traitement mérité à un pitch de départ pourtant intéressant. Il reste alors à apprécier les qualités d'une troupe de comédiens remarquables, surtout une remarquable Maria Bello qui laisse apparaître toute la fragilité de Timoney.
En conclusion, un bon divertissement qui confirme les qualités visuelles et formelles d'un show à l'identité si forte que l'intrigue du jour ne parvient pas à rivaliser avec les scènes de groupe. Mal inspirée, cette histoire manque de cohérence, basculant d'un suspect à l'autre laisse apparaître les maladresses des auteurs qui peinent à pousser l'héroïne dans la bonne voie. Une intrigue trop faible, surtout en comparaison avec la séquence remarquable de la remise de prix, appuyée par la parfaite alchimie du duo Tim Griffin - Kirk Acevedo.
J'aime :
- la réalisation impeccable
- les acteurs excellents
- la scène de la confrontation avec les fédéraux
Je n'aime pas :
- la sensation de cassure au milieu de l'épisode
- la conclusion mal inspirée
- l'intrigue du jour trop confuse
Note : 12 / 20
Sans l'enquête du jour, un épisode remarquable servi par des acteurs formidables et une réalisation particulièrement soignée. Malheureusement, l'histoire de meurtre se révèle beaucoup trop confuse, empêchant de goûter pleinement aux nombreuses qualités de Prime Suspect.