Pearson ou Hardman
Le vote des associés seniors va avoir lieu et la tension est à son comble, surtout pour Louis dont la voix risque d'être décisive. Malheureusement pour Harvey et Jessica, c'est Hardman qui l'emporte, entrainant une mise au placard immédiate dans un des étages inférieurs. De son côté, Mike éprouve certaines difficultés à accepter la mort de sa grand-mère et refuse la compassion de Rachel.
Le goût amer de la défaite
Très attendu, le summer final ne déçoit pas et ramène le show à sa qualité première, à savoir le duo vedette formé par Mike et Harvey. L'importance des personnages est un point qu'Aaron Korsh a très bien compris, se débarrassant du suspense concernant le vote des associés dès la scène d'introduction pour se concentrer sur les conséquences du changement à la tête du cabinet. Un choix payant qui va permettre de déplacer lentement le curseur sur Ross, cette première moitié de saison ayant beaucoup tourné autour de Specter et des luttes de pouvoir au sommet de Pearson - Hardman.
Après le triomphe de Daniel et Louis, les héros de Suits font l'expérience de l'échec, l'occasion de rabattre l'orgueil d'Harvey, Litt profitant de sa victoire pour humilier son rival de toujours. L'occasion aussi de séquences amusantes où Specter retrouve son statut d'être humain et trouve le temps de prendre enfin du recul sur toute cette affaire. Redonner un visage humain et attachant de ses héros, voici la mission d'Aaron Korsh, qui confirme toute la force de ce duo terriblement complémentaire, association à qui rien ne résiste.
Si la mythologie personnelle autour d'Harvey a été explorée toute cette première moitié de saison, le décès de la grand-mère de Mike donne l'occasion à l'équipe créative de se pencher sur le cas de Ross. Un point où la série a toujours paru un peu faible, surtout avec la disparition brutale de Trevor et Jenny qui le prive clairement d'une part de son passé. Si le show ne résout pas encore toutes ses difficultés, il montre une envie plaisante de corriger ses faiblesses, offrant plusieurs scènes très bien écrites où Mike se confie un peu plus et laisse apparaître certains éléments inédits de son passé.
Certains reprocheront la conclusion trop rapide et trop maligne, mais Aaron Korsh montre ici toute sa passion pour ses personnages, privilégiant leur histoire au conflit liant Pearson et Hardman. Plus qu'une simple série judiciaire, Suits est l'histoire d'une amitié improbable, celle où un homme accepte de mettre sa carrière en jeu pour un autre, où l'humain prend soudain le pas sur la fonction. Cette solidarité inébranlable de certains employés pour Harvey va affaiblir Daniel, l'obligeant à l'éliminer au plus vite en l'attaquant directement à son point faible, à savoir l'orgueil.
Loyauté et honneur
Si l'épisode commence avec deux intrigues totalement séparées, la qualité majeure du scénario d'Aaron Korsh aura été de les faire se rejoindre autour de la séquence où Harvey et Mike sont sous l'influence de marijuana. L'occasion pour les acteurs de se lâcher un peu, montrant la parfaite alchimie qui s'est créée entre Patrick J. Adams et Gabriel Macht tout en offrant un moment de comédie de haute volée. Le temps d'un instant, Specter baisse sa garde et apporte à sa relation avec Ross une dimension supplémentaire qui dépasse désormais le simple cadre du travail et passe à un nouveau niveau.
Avec l'arrivée au pouvoir de Daniel, la loyauté devient la valeur première pour constituer le nouvel organigramme, et il profite de l'ambition déçue de certains membres pour asseoir son pouvoir. Mais si s'installer sur le trône est une tâche aisée, le garder nécessite d'en être jugé digne et pose la question de l'honneur de celui qui occupe ce poste. Une respectabilité qui correspond beaucoup plus à Jessica Pearson, la faute à une faute originelle qui a jeté le discrédit sur la morale d'Hardman, l'empêchant de retrouver une confiance que son dévouement pour son épouse n'a pas pu racheter.
Aaron Korsh est un showrunner surprenant par la façon dont il est parvenu à faire d'une histoire aussi simple que le conflit Pearson - Hardman une histoire au long cours très bien détaillée. La conclusion paraît même insolente par sa simplicité, le scénariste s'amusant clairement à jouer avec cet univers dont il maîtrise les ficelles et qu'il n'a de cesse d'enrichir toute la saison. Cette facilité un peu trop évidente se sent lors du bluff final, une astuce grossière qui ne cherche même pas à s'en cacher, comme si l'auteur riait lui-même de la simplicité de ce rebondissement, ramenant l'histoire d'Hardman à l'état de simple anecdote.
Comme le disait la chanson de Gotye "Smoke and Mirrors" : "You're a fraud and you know it", une phrase qui trahit l'état d'esprit d'un showrunner aussi insolent que séduisant. Pearson - Hardman n'est finalement à ses yeux qu'un théâtre où les histoires ne sont que des excuses pour faire évoluer des personnages aussi séduisants que complexes, où la qualité des comédiens fait toute la différence. Dans Suits, le monde n'est qu'un univers de mensonges et d'apparences, tout comme cette saison qui aboutit par une jolie pirouette finale à nous ramener à notre point de départ, révélant la nature d'une guerre qui n'était finalement qu'un écran de fumée.
Bilan de mi-saison
Avant le retour en Janvier, cette première saison en tant que showrunner pour Aaron Korsh confirme les nombreuses qualités de cette série tant Suits n'a eu de cesse que de s'améliorer. Dix épisodes rondement menés, avec un fil directeur solide qui aura permis de mettre en avant tous les personnages de Pearson - Hardman, à Rachel Zane près. Une première partie de saison concentrée avant tout sur Harvey, qui s'est retrouvé en difficulté avec le retour de Daniel, venu récupérer une place qu'il avait perdu au profit de Jessica.
Le coeur de Suits, ce sont les personnages et les comédiens, l'intrigue et l'univers judiciaire ne servant qu'à fournir une base de départ à chaque intrigue. Tous les acteurs ont été impeccables tout du long, en particulier Gabriel Macht et Patrick J. Adams. Et les conflits qui ont éclaté au fil des épisodes ont permis d'approfondir les différents personnages. En recentrant le show avec la disparition de Trevor et Jenny, Aaron Korsh montrait son désir d'explorer essentiellement l'univers de Pearson - Hardman cette saison et d'éviter tout sentiment de dispersion.
Tout n'est pas encore parfait, mais la qualité des séquences de confrontation repose beaucoup sur la bonne alchimie entre les comédiens, ceux-ci profitant de dialogues qui jouent beaucoup avec les non-dits, avec un style original qui fait l'identité du show. Le point fort de l'équipe créative est de parvenir encore à nous surprendre en révélant certains aspects inattendus du passé de chacun des personnages, jouant ainsi à bâtir une mythologie autour de quelques running gags amusants et à l'enjeu limité. Au fur et à mesure de cette saison, Suits aura prouvé par la qualité des scripts qu'elle était capable de se maintenir à un très bon niveau.
Citation de films, référence à d'autres shows souvent drôles, la création d'Aaron Korsh aime à se montrer aussi insaisissable que son personnage principal, cachant derrière une apparence très cadrée et soignée un enthousiasme assez enfantin. Un divertissement totalement assumé qui aura vu croître son audience tout l'été, avec un final à 4,48 millions de spectateurs en première diffusion et un taux remarquable de 1,5% sur la cible démographique. Une façon de consolider la soirée du jeudi de USA et de souligner la réussite de cette première moitié de saison. C'est confirmé : Suits est bien l'une des meilleures séries actuelles sur le câble américain.
J'aime :
- voir Harvey subir les humiliations de Louis
- la scène dans l'appartement de Mike
- un parfait mélange entre drame et comédie
- le casting impeccable
Je n'aime pas :
- la conclusion un peu trop facile de toute cette intrigue
Note : 14 / 20
Un summer finale réussi et très bien écrit qui confirme toute la passion d'Aaron Korsh pour ses personnages, le duo Mike - Harvey amenant de très bonnes scènes de comédie. Un épisode légèrement fumiste dans sa conclusion, mais dont l'insolence est excusée par la qualité du divertissement proposé.