Pitch Alexandre VI
A la mort du pape Innocent VIII, l'église, suspectée de corruption et des pires vilénies, est plongée dans le plus grand désarroi. Rodriguo Borgia, cardinal espagnol manipulateur et pêcheur notoire, va se montrer le plus apte à utiliser les faiblesses des autres cardinaux pour pouvoir accéder au pouvoir ultime et devenir Pape. Le nouveau pape Alexandre VI va se retrouver aussitôt au centre d'une vague de complots et d'assassinats.
Une reconstitution superbe pour une famille décadente
Reconstitution remarquable de la Rome du XVème siècle, The Borgias montre une efficacité remarquable en exposant avec beaucoup de clarté et d'efficacité les différents éléments de l'intrigue. En choisissant de placer le début du récit à la mort d'Innocent VIII, ce premier épisode se concentre sur la conquête et l'accession au plus saint des postes du plus corrompu des hommes. Interprété par un Jeremy Irons égal à lui-même, parfaite incarnation d'un Rodrigo Borgia lâche et corrompu, le cardinal se révèle rapidement être un usurpateur, qui a obtenu sa mitre en achetant les votes des cardinaux. A aucun moment, le costume ne semble lui aller, l'homme allant jusqu'à s'inscrire par son nom dans la lignée d'un anti-pape, signe précurseur d'un règne grotesque dont tous semblent avoir conscience.
Pour accomplir ses basses oeuvres, Rodrigo compte sur son fils Cesare Borgia (François Arnaud, excellent) et n'hésite pas à le placer à ses côtés comme un bouclier contre ses ennemis. Clairvoyant, le jeune homme saura rapidement choisir ses alliés avec intelligence, déjouant les nombreux complots qui pèsent contre son père et sa soeur Lucrèce.
En effet, Lucrèce, la fille du nouveau pape, va devenir rapidement l'objet et l'enjeu des intrigues, la jeune femme devenant de par son rang et sa position l'objet de toutes les convoitises. La série, loin de donner un avis sur la fascinante empoisonneuse, décrit une Lucrèce Borgia enfant, (Holliday Granger, pas encore vraiment convaincante), qui envisage encore l'avenir avec une innocence totale.
Sexe, trahison et meurtre dans l'enceinte du Vatican
Le caractère le plus singulier de la série est sa volonté permanente d'aller à l'essentiel, l'épisode ne perdant que peu de temps dans des scènes d'expositions. Loin de faire dans la finesse, The Borgias choisit de définir les personnages par leur capacité d'action, l'épisode ne comptant que peu de séquences contemplatives. La série nous projette en pleine lutte de pouvoir entre les différents cardinaux, une guerre interne qui permettra de découvrir rapidement la vraie nature de la famille Borgia. Menés tambour battant, les deux premiers épisodes laissent peu de temps à l'inaction, et la série mise beaucoup sur le mélange sexe, violence et trahison pour emporter l'adhésion des spectateurs.
On ne peut dès lors que regretter de voir certains personnages comme Cesare ou l'assassin Migueletto (Sean Harris, excellent) être si peu développés. Et si le pilote ne porte pas trop les marques ce ce manque d'épaisseur des personnages, les épisodes suivants souffriront sans doute du rythme beaucoup trop rapide du pilote. Le plaisir du spectateur est entier, mais au vu du potentiel remarquable de certains personnages, on risque de regretter leur manque d'épaisseur, la série se centrant essentiellement sur Rodrigo Borgia et son ascension.
Saluons les performances remarquables de l'immense Derek Jacobi et Colm Feore, tous les deux extraordinaires en cardinaux rebelles, sacrifiés trop rapidement sur l'autel du spectacle. Le cardinal Della Rovere est lui aussi un personnage fascinant qui aurait mérité plusieurs épisodes, si la série avait fait le choix d'un commencement moins tardif, mais aussi moins spectaculaire.
Un décor sublime, une mise en scène remarquable
Ecrit et réalisé par le très bon Neil Jordan (The Crying Game, Entretien avec un Vampire), The Borgias profite pleinement du talent du réalisateur, chaque scène offrant une succession de décors et de costumes superbes. Bluffante de réalisme lors des séquences à Saint-Pierre, la mise en scène est d'une fluidité et d'une efficacité remarquables, n'hésitant pas à utiliser certaines transgressions au seul profit de la lisibilité de l'histoire. Certains passages à l'intérieur du Vatican sont particulièrement troublants, utilisant avec réussite la technique du matte painting avec une qualité digne du cinéma.
Les costumes, surtout ceux du pape Alexandre VI, sont superbes, nous donnant à voir un habit trop grand pour un homme qui n'est pas de taille pour le destin qu'il s'est choisi. La série met la barre très haut dans l'exigence plastique, mais oublie au passage de donner à l'histoire un peu plus de finesse.
Un résultat impressionnant, mais aussi un peu inquiétant
Série ambitieuse et impressionante, The Borgias fournit dans ses deux épisodes une reconstitution historique à grand spectacle, le récit imprimant un rythme remarquable avec un efficace et malin mélange de sexe, de trahison et de mort. Le visionnage est très agréable et le temps paraît remarquablement court pour un double épisode de cette longueur.
Mais une inquiétude vient poindre concernant celle qui sera le centre de toutes les attentions, Lucrèce Borgia. Ce personnage de jeune femme nécessite un traitement plus subtil que ce que la série a montré jusque-là. Les auteurs vont devoir faire des choix, les Borgias ayant toujours été l'objet de mythes et de légendes, pour nous proposer une réalité, qui sera, espérons-le, moins feuilletonnante mais plus crédible.
Il reste donc à attendre pour voir si la série saura se montrer à la hauteur du mythe, car si la forme est clairement irréprochable, le fond laisse encore à désirer : la série n'ose pas affronter les points les plus ambigus de cette famille si particulière : les Borgia.
J'aime :
- la réalisation superbe
- un casting remarquable
- un rythme impressionnant
- des décors et des costumes somptueux.
Je n'aime pas :
- un récit trop feuilletonnant
- des personnages pas assez développés.
Note: 15 / 20
Cette critique porte sur les deux premiers épisodes de la série (1x01 et 1x02).