Pitch season final 1
Le roi de France Charles VIII entre dans Rome désertée, accompagné du Cardinal Della Rovere et de Lucrèce Borgia. Celle-ci organise la rencontre entre le roi de France et le Pape Alexandre VI qui, par son dénuement, va fortement impressionner l'esprit romantique du roi de France. Conforté dans son poste, Rodriguo Borgia va alors se venger de tous ceux qui l'ont abandonné ou trahi.
La victoire d'une famille
Plus que la seule destinée d'un pape, The Borgias est avant l'histoire d'une famille unie jusqu'au bout, même lorsque les évènements prennent une tournure vraiment dramatique avec l'entrée des Français dans Rome. Les premiers pas de Charles VIII à Rome et son entente avec Alexandre VI doit énormément à Lucrece qui a su jouer finement contre le Cardinal Della Rovere. Face à un jeune roi d'apparence rustre et barbare, elle a su faire apparaître un besoin de noblesse et de reconnaissance que son père va utiliser en organisant son sacre de Roi de France et de Naples.
Cesare va de son côté être embarqué de force avec l'armée Française, comme otage, mais la présence à ses côtés de Migueletto va lui permettre de s'évader rapidement, donnant lieu à une sous-intrigue assez décevante. Plus réaliste, mais moins romanesque, cet épisode se replace dans une approche moins romancée de l'histoire, surtout lors de la magnifique scène où Giovanni Sforza est contraint de reconnaître son impuissance. Superbement menée par un Jeremy Irons mielleux et méprisant, cette séquence permet de clore un premier pan de la vie de Lucrèce Borgia et de mettre fin à ce mariage de la plus humiliante des manières pour son époux.
Les Borgias remportent ce premier acte et laissent découvrir à leurs ennemis l'ampleur de leur vengeance. Seul Della Rovere sera épargné, laissant présager une saison deux où le collège des Cardinaux, lui aussi humilié, saura lui fournir des alliés pour sa soif de révolte. Quant au Roi de France, trop naïf, il ne comprend que trop tard combien il a pu être berné entre arrivant dans une ville de Naples frappée par la peste. La politique l'emporte sur la force, et la famille Borgia sort finalement renforcée de cet épisode Français, seule à avoir conservé la foi en sa propre capacité à survivre.
La saison s'achève sur un beau portrait de famille qui, malgré les rancoeurs, parvient à faire la paix pour se réunir autour du plus grand des symboles chrétiens : le miracle de la naissance. Une image assez classique qui prouve que malgré sa réputation sulfureuse, les Borgias restent avant tout des êtres humains et une famille qui sait reconnaître un miracle, celui du nouveau-né et des espoirs à venir.
Jeremy Irons simplement grandiose
Au centre de toute la première partie de l'épisode, Jeremy Irons va le marquer de sa classe, alternant son jeu sur deux axes majeurs qu'il va magnifiquement interpréter. En simple prêtre, Rodriguo Borgia incarne avec humilité un fin politicien, sachant masquer son jeu tout en trouvant le bon moyen de faire vibrer la corde sensible du roi de France. Son phrasé, ses postures tout en finesse donnent à son personnage un style effacé typique des manipulateurs, et Charles VIII lui offre sur un plateau une dévotion surprenante, mais bien en accord avec le personnage.
Une fois repris le costume de Pape, il redevient un être arrogant, poseur et méprisant, manipulant l'ironie avec cruauté. Son humiliation du collège des cardinaux est un grand moment, la marque de cendres annonciatrice de Carême sur leur front est très symbolique de la fin d'une période de privilèges. Je conseille d'ailleurs d'observer la différence de rythme du phrasé de Jeremy Irons suivant sa position de force ou de faiblesse, le comédien utilisant beaucoup la différence d'intonation pour marquer sa position face à ses interlocuteurs.
Simple grand père ou chef impitoyable de l'Eglise Catholique, Jeremy Irons est simplement remarquable et prouve qu'il est clairement un comédien hors norme (je sais, on le savait déjà). Admirable, il apporte une dimension supplémentaire à ce final, incarnant à merveille la vraie nature d'une famille finalement assez moderne : les Borgias.
Un mini bilan de la saison un
La saison un se termine sur un épisode qui vient plus confirmer que transcender un show qui a su s'imposer au travers de choix artistiques ambitieux et finalement plutôt justes. Loin de leur réputation sanglante, les Borgias sont avant tout une famille piégée par l'ambition d'un Pater Familias qui ne désire pas moins que le plus haut poste envisageable : Pape. Sachant manier la politique, la trahison et le meurtre, ils parviennent à leur fin dans une époque sombre où la corruption des hommes permet ce type de promotion.
Si l'on peut reprocher à la série un certain manque de réalisme, elle a su trouver le ton juste pour donner à cette histoire un style assez moderne et romanesque. En faisant le choix de passer sous silence les légendes incestueuses de la famille, Neil Jordan fait aussi celui de trier lui-même le vrai du faux, l'Eglise ayant une tendance forte à réécrire l'histoire dès qu'il s'agit des Borgias. En optant pour une vision féministe de Lucrece, le réalisateur propose sa propre vision tout en parvenant à rester cohérent de bout en bout, tant sur le fond que sur la forme.
Avec The Borgias, Showtime tient une série historique à l'esthétique remarquable, qui nous transporte dans une page de l'histoire qui méritait d'être revisitée. Certes, le final est un peu plus faible que prévu, sacrifiant certaines storylines au profit de la nécessité de recomposer la famille autour de Lucrece. La jeune femme est clairement le centre d'attention des autres personnages et le coeur de cette histoire... Et quiconque connaît un peu le personnage sait que cela ne fait que commencer.
J'aime :
- Jeremy Irons superbe
- Une direction artistique superbe
- la scène du témoignage d'impuissance formidable (et véridique)
- la vengeance de Rodriguo et Cesare Borgia
Je n'aime pas :
- Juan complètement sur la touche
- l'absence de confrontation entre le Pape et Della Rovere (partie remise, je l'espère)
Note : 15 / 20
Un beau final, dans la continuité du reste de la saison, qui s'achève sur un thème de la nativité bien pensé. The Borgias n'aura pas déçu, prouvant au passage le potentiel des séries historiques dés lors qu'elles s'emparent d'un sujet fort comme celui-ci.
Il serait peut-être temps que les télévisions françaises prennent le risque de telle production, tant notre histoire est aussi riche de ce type de récit.